9.9 - Témoignages des Français de l'étranger: Evian ou le crime d'Etat

3)    TROISIEME POINT : LES COMPLICITES

Les complicités sont nombreuses, certains noms sont connus, ceux de beaucoup d´exécutants demeurent dans l´ombre.
Sont complices du crime d´État tous ceux qui, directement ou indirectement, ont contribué,  avant le 19 mars 1962 et après cette date, à l´entreprise d´abandon d´une terre française. Cela ne vaut pas seulement pour les Buron, de Broglie, Fouché, Foccard, Foyer, Frey, Buron, Joxe, Tricot, Michelet etc., mais aussi pour tous ceux qui serviront le pouvoir, qui feront ou qui laisseront faire. En Métropole et en Algérie. Tous ceux responsables du maintien de l´ordre et de la protection des biens et des personnes. Tout cela en Algérie aussi bien qu´en métropole et à tous les niveaux.
Nous possédons sur le sujet une vaste anthologie. La liste est longue du palmarès de la trahison et de la collaboration. L´un des plus éminents est Louis Joxe qui aura soin de régler – ou de tenter de régler - dans tous ses détails l´exécution du génocide commis contre nos frères harkis. Je me contenterai  ici de citer le texte d´un message bien connu :
Ultra Secret et Strictement Confidentiel à tous les chefs de SAS et de commandants d´unités
Vous voudrez bien faire rechercher, tant dans l´armée que dans l´administration, les promoteurs et les complices de ces entreprises de rapatriement, et faire prendre les sanctions appropriées.
Les supplétifs débarqués en métropole, en dehors du plan général, seront renvoyés en Algérie, où ils devront rejoindre, avant qu´il ne soit statué sur leur destination définitive, le personnel déjà regroupé suivant les directives des 2 et 11 avril.

*Je n´ignore pas que ce renvoi peut être interprété par tous les propagandistes de la sédition, comme un refus d´assurer l´avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra donc d´éviter de donner la moindre publicité à cette mesure.
N´oublions pas, dans le même esprit de trahison,  les propos de de Gaulle le 3 avril 1962 au Comité des Affaires algériennes : Il faut se débarrasser de ce magma d´auxiliaires qui n´ont jamais servi à rien.
Toutes paroles dignes de figurer dans le livre des records de l´abjection.
Mais nous abordons là un autre domaine, qui est celui du crime contre l´humanité et de complicité de crime contre l´humanité.

EN CONCLUSION

À quelle hécatombe ne condamnerions nous pas ce pays si nous étions assez lâches ou stupides pour l´abandonner : cette déclaration est bien connue, elle confesse une duplicité criminelle sur le plan politique, la  stupidité sur le plan psychologique et sa lâcheté sur le plan moral. Mais rendons au chef d´un État voyou qui  conjuguait la France à la première personne,  la responsabilité politique et pénale personnelle qui fut la sienne, exclusivement, mais sans préjudice des complicités sans lesquelles il n´aurait pas pu réaliser l´ambition de se débarrasser, comme il le disait, du boulet algérien.
Je citerai pour terminer une réflexion de la veuve d´Albert Camus, Francine Camus, faite à René Char, et rapportée dans les Carnets de Jean Grenier du 8 décembre 1960: Francine, très montée contre de Gaulle : N´y aura-t-il personne pour le tuer ?

Compte tenu de l´ampleur du crime et dans l´impossibilité de traduire de Gaulle et ses complices devant une Haute Cour de justice et autres juridictions compétentes, la seule vraie question n´était-elle pas celle que posait alors Francine Camus? Et  n´est-ce pas l´honneur du colonel Jean Bastien-Thiry et de ses amis d´avoir tenté d´y répondre? 

Le prix Nobel d´économie Maurice Allais, dans L´Algérie d´Évian heureusement réédité par les Éditions Jeune Pied Noir, dénonçait au lendemain de la publication des Déclarations gouvernementales, l´imposture et ses conséquences prévisibles. Il aborde inévitablement la question de l´oppression et de la résistance à l´oppression.

L´oppression d´abord. Maurice Allais écrit :
Contraints par la force armée à subir une telle situation, qui résulte d´actes illégaux et anticonstitutionnels, contraires aux droits de l´Homme et aux libertés fondamentales, les Français d´Algérie peuvent se dire « opprimés » au sens de la Déclaration des droits de l´homme et du citoyen de 1789, partie intégrante de la Constitution de la Ve République.

La résistance à l´oppression ensuite :
Pour moi, un seul principe doit être considéré comme l´emportant sur tout autre dans l´organisation des sociétés humaines, c´est celui du respect de la personne humaine, c´est celui du respect des droits fondamentaux et inaliénables qui lui sont attachés.
Qu´il s´agisse d´un individu, d´un groupe ou d´une nation, qui viole ce principe se condamne, qu´il le viole lui-même ou qu´il reste simplement passif devant sa violation, qu´il soit responsable ou non de son application, qu´il s´appuie ou non sur la loi, qu´il se réclame ou non du « droit à la résistance à l´oppression ». Qui lutte pour ce principe sanctifie son combat, que ce combat soit mené aux côtés ou contre le gouvernement.

Paul Reynaud devait déclarer à l´Assemblée Nationale, mais un peu tard (le 26 avril 1962) : Là où la Constitution n´est pas respectée, il n´y a plus de République.Le droit de résistance à l´oppression se fonde sur l´article 2 de la Déclaration des droits de l´Homme et du Citoyen : la résistance à l´oppression est un droit imprescriptible, un droit formellement admis dans le préambule de la Déclaration des Droits de l´homme de l´ONU.La question de la légitimité l´emporte donc sur celui de la légalité.
On pourrait faire des discours de Michel Debré du Courrier de la colère ou d´autres de ses propos une véritable anthologie de la justification du droit à l´insurrection. Considérant que l´abondance et la virulence de ses discours est soigneusement tue aujourd´hui, il convient d´en donner quelques exemples comme autant d´incitations à la résistance au nom du combat pour l´Algérie Française, combat légal et légitime, tout y est :
Que les Algériens sachent surtout que l´abandon de la souveraineté française en Algérie est un acte illégitime, c´est-à-dire qu´il met ceux qui s´en rendent complices hors la loi ; et ceux qui s´y opposent, quel que soit le moyen employé, en état de légitime défense.
Et encore :
Tant que l´Algérie est terre française, le combat pour l´Algérie française est un combat légal, l´insurrection pour l´Algérie française est une insurrection légitime. Mais si l´on pouvait réussir, par quelque procédé, à retourner la légalité, à renverser la légitimité, faire en sorte que le combat légal et l´insurrection légitime soient pour l´Algérie non  française, alors les ennemis de la France, les traîtres à la France, auraient la partie gagnée.

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Gérard LEHMANN

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