1.7 - Poèmes dédiés au 26 mars

XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

1 -  "Lumière et ténèbres" de Simone Gautier  Cannes   1964
2 - "Aux morts du 26 mars" - Auteur inconnu le 26 mars 1964
3 - "Memento" d' Edmond ROSA - Nice - Mars 1970
4 - "Alger 26 mars 1962"  d'Etienne MUVIEN - 1965
5 - "Mars 1962 : No comment" et  "Mars ... Funèbre" de Robert Charles PUIG   Nice - 1965
6 - "L'espoir assassiné" de René ANIORTE -  Valence le 3 décembre 1999
7 - "ALGER - 26 Mars 1962" de Geneviève de Ternant - Paru dans la lettre de Veritas N° 190 - Mars 2017

 

 

1 -  "Lumière et ténèbres" de Simone Gautier 1964 Cannes

Il n'y a plus de lumière... 
La route est inachevée.
Je ne trouve plus ta main...
Tu es parti sans lendemain.

Angoisse, mon dernier refuge,
Silence, réponse à ma révolte,
Souffrance, de ce qui n'est plus,
Attente, que résonne ton pas

Nulle part un signe d'apaisement
Tandis que mes mains se tendent.
Te chercher, te toucher, te trouver,
Oh douleur... ton corps martyrisé !

Regarde-moi, ouvres les yeux,
Je suis près de toi, nous deux,
Ouvres les yeux, je ne te vois pas
Toi si vivant, moi mourant déjà.

Ne me laisses pas sans ta lumière
Sans tes couleurs, sans ta chaleur.
Abime et ténèbres. Où  es-tu ?
Je t'attends. Reviendras-tu ?

 

 

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Tombe de Philippe Gautier -  Port Navalo - Morbihan


XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

 

2 - Aux morts du 26 mars

Nul ne verra jamais au plateau des Glières
De ces plaques de marbre ornées de palmes d’or
Qui, ailleurs, perpétuent le souvenir des morts
C’est maintenant, là-bas une terre étrangère

Pas de plaques pour eux, tombés, clamant leur droit
De vivre et de mourir en Algérie française
La cause des vaincus sera toujours mauvaise
Et en bravant le prince ils avaient fait leur choix

Pas de plaques pour eux, pour certains pas de croix
Qui compterait les croix, compterait les victimes,
Le silence, l’oubli, les fosses anonymes
Protègent le renom de maints tyrans sans foi

Pas de place non plus aux manuels d’histoire
Sont sens leur échappait… Ils croyaient aux bateaux,
Qui voguent à la voile et sottise notoire
A des mots périmés : Patrimoine et Drapeau

Martyrs obscurs, tombés sous le fer mercenaire,
Votre nom est secret. Nous ignorons vos noms
Nous, vos frères de sang sauront sans inventaire
Dans notre cœur ardent dresser un Panthéon

La coutume voudrait qu’à présent je décrète
« Amis dormez en paix ! Laissons là le passé,
Cette page est tournée. Attendez la trompette
Du jugement dernier pour quitter vos fossés »

O morts du 26 mars ! Que vos âmes en peine
Ne laissent nul repos à chaque homme de cœur
En réclamant justice insufflez votre haleine,
Que les plus timorés se changent en vengeurs

Puis, nous retournerons au plateau des Glières
Pour sceller une plaque ornée de palmes d’or
Où s’inscriront les noms de tous ceux qui sont morts
Pour qu’Alger ne soit point une terre étrangère

26 mars 1964 – Auteur inconnu

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XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie 

3 - "Memento" d' Edmond ROSA - Nice - Mars 1970

Ô mon frère, mon parent, mon ami
Et toi aussi mon inconnu,
Ô vous rencontrés au hasard de la rue
Voici mon cœur, voici ce qu’il dit :

Il y a huit années…, C’était à peine hier,
Sur l’autre rive de la Méditerranée
Dans les plaines, dans les montagnes,
Dans les villes, dans les campagnes,
Dans les fermes, les bureaux, les ateliers,
Dans les rues comme sur les sentiers,
Partout tombaient impavides et fiers
Les fils d’une terre passionnée.
Et cependant, trahie, blessée, sanglante
L’Algérie toujours debout, était toujours vivante.
Il fallait donc à tout prix l’achever
Et c’est le 26 mars que ce crime fut fait.

En ce terrible jour, ô mon bel Alger bleu,
Toi si doux, si tendre, sous ton soleil doré,
Tu vas offrir ton cœur palpitant et joyeux
A ceux de Bab-el-Oued que l’on tient assiégés.
Foule immense d’hommes, de femmes et d’enfants,
Peuple de la ville enthousiaste et frémissant,
Portant allègrement nos trois couleurs partout,
Au corsage, à la main, et même autour du cou.
C’est ça à la fois, c’est ça l’amour,
Ce flot qui coule et va vers le faubourg.
Mais soudain les mitrailleuses crachent la mort,
Leur crépitement sinistre sentant jusqu’au port.
Puis, un instant, sur la ville tombe le silence.
Le feu marque un temps d’arrêt,
Et chacun dans son innocence
Se prend à espérer.
Mais hélas, il reprend, s’étend et se prolonge.
Minutes atroces ! Amer, douloureux songe !
On s’acharne sur nos amis sans défense
On les massacres, on les piétine,
Jusque dans les immeubles on assassine.
Et pour ce crime-là, mon Dieu, quelle diligence !
En voici quatre-vingt-cinq a jamais couchés,
Pâles, sanglants, meurtris, déjà glacés
Sur cette terre si chaude, sur cette terre française.
Et tous ces autres qui chantaient la Marseillaise,
Gémissent maintenant sur l’asphalte éclaté.   
Et le ciel par-dessus, comme aux beaux jours d’été.
Ô spectacle horrible, ô vision inhumaine,
Et tourne l’hélicoptère et hurle la sirène.

Nice - Mars 1970 - Edmond ROSA

Offert par Madame Richaud Anne-Marie
Fille du Docteur Edmond Rosa

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XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

4 - "Alger 26 mars 1962"  d'Etienne MUVIEN

 

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 Alger 26 mars 1962

Des clichés douloureux tapissent ma mémoire
D'une infâme tragédie enfantée par l 'Histoire...
La France qui se veut compatissante, humaine,
Ne fut qu'infanticide, ivre de mépris, de haine...

Elle a osé écrire en lettre indélébiles
De sang couvert de honte, un ignoble codicille
En marge d'un Passé soucieux de maintenir
L'image de son honneur sans jamais la ternir...

Ce jour-là, le soleil et la douceur du temps
Avaient mis dans les cœurs des graines de Printemps.
Sur un vaste forum, dans le centre de la ville
Une foule enthousiaste, animée, puérile,
Se rassemblait sereine, sans peur et sans menaces,
Pour aller secourir ceux tombés en disgrâce
"Les gens de Bab-El-Oued" , privés de liberté,
Qu'une humeur militaire s'employait à dompter.
Un climat bon enfant, une ambiance de kermesse
Versaient dans l'assistance une certaine allégresse...
Pourtant un drame sournois couvait à son insu !
Les milices gaulliennes contrôlaient les issues
Des rues avoisinantes, adjacentes au Forum,
Permettant cependant un accès maximum
A travers les barrages et les chevaux de frise,
A un peuple insouciant d'une telle entreprise
Et qui venait sans cesse alimenter la masse
Sans soupçonner le piège l'enfermant dans la nasse
D'un guet-apens conçu de meurtres prémédités
Par des soldats maudits, fiers de leur lâcheté. ..
Encore plus méprisable le Haut-Commandement
Ordonnant à quinze heures la tuerie d'innocents !

Je porte témoignage de scènes de massacres,
Sans préambule, provocations ou simulacres :
Une foule décimée soudain par la mitraille
Qui tente d'échapper à ses mortelles tenailles.
Des blessés achevés par des tueurs avides
Poursuivant leurs victimes terrorisées, livides,
Ecrasées sur le sol ou cherchant un refuge
Vers la Grande Poste close ou des halls transfuges,
Tirées à bout portant par ces fous sanguinaires,
Exaltés d'assouvir un contrat exemplaire ? ...!

"Halte au feu, halte au feu" hurlait un impuissant
Sans doute épouvanté par l'affreux bain de sang !

Je porte témoignage que, malgré ces appels
Hurlés par "Haut-parleurs", les spadassins rebelles
Ont poursuivi leurs crimes pendant un long moment !
Les secours...retardés, et ce, volontairement.

Après la fusillade, une vision douloureuse
Alourdissait l'espace d'une tension silencieuse. ..
De larges flaques de sang, des vêtements, des chaussures
Répandus sur le sol ou dans les embrasures...
Des femmes hébétées et des hommes blafards
Allant de ci de là, les yeux vides ou hagards...
Somnambules pitoyables, victimes de l'épouvante
D'une tuerie programmée, coupable et infâmante...
Je porte témoignage et en outre j'accuse
De forfaiture, tous ceux qui savent et qui récusent...
Ceux qui se taisent, complices, et qui vont par ailleurs
Défendre l'Humanité aux bruits de leurs clameurs !
Allez, soyez sans  crainte, fourriers de déchéance,
Vous mourrez "Chevaliers du déshonneur de France"

Etienne MUVIEN

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XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

                  

5 - "Mars 1962 : No comment" 
   - "Mars
... Funèbre"                     de Robert Charles PUIG Nice   

 

 

"Mars 1962 : No comment"

Le flot des souvenirs enflamme mes pensées.
Comme la lave d’un volcan brûlant la terre,
Mon âme s’embrase comme un feu de forêt.
Dans cette rétrospective, un peuple en prière

Va affronter sa fin. J’entends les hurlements
De ceux qui sont blessés et qui crient leur colère.
Je sens l’odeur de poudre et vois couler le sang
De ceux qui vont mourir, sur ordre militaire.

Toi, la fossoyeuse, tu as créé le drame,
Broyé des cœurs, des corps, sans compter tes victimes.
Froide mort, sans larmes, sans le moindre état d’âme !
Quel juge et quelle loi sanctionneront tes crimes ?

Quel traître ce  jour-là a donné le signal
D’anéantir, dans un rite machiavélique
Une foule invitée à cette bacchanale
Faite de feu, de sang, et d’un destin inique ?

Toi le C.R.-S.S, forban d’un Moyen Âge,
Qui malmena les femmes et matraqua les gosses ?
Toi, le gueux obtus, soldat imprégné de rage,
A l’idéal confiné aux seuls coups de crosses ?

Le regard noir, les mains crispées sur le F.M.
Je vois ces hommes armés qui venaient de tuer
Sans qu‘aucun magistrat n’ait dressé l’anathème !
Ô peuple anéanti par la Mort annoncée !

C’était un temps ou l’ordre, peu républicain,
Ôtait par le meurtre l’envie d’être Français.
Mon cœur résonne encore de l’agonie des miens.
Je me souviens du SAC, dressé à mutiler.

Du diktat ordonné depuis le Rocher Noir
D’écraser une foule, armée  de sa passion,
Pour bader un pays, à un vainqueur sans gloire…
Les balles destructrices ont pourtant eu raison

De ma terre perdue, ensanglantée, meurtrie,
Où le drapeau trempait dans un sang innocent !
Un cliché m’agresse…Dieu n’entend pas mon cri
Quand l’arme assassine met en joue des enfants !

Le temps efface tant et tant de souvenirs
Même ceux de nos morts, ensevelis de nuit.
Je me souviens pourtant des rires et des désirs
Qu’engendrait cette terre, à cette époque enfuie.

                         Comme une Goélette sous l’assaut du vent,
                         Je tangue sous les rafales du temps passé.
                         C’est comme un ouragan grondant sur l’océan,
                         Un typhon dévoilant des pensées oubliées !

 

 MARS… FUNÈBRE  


Un stop ! Un signal rouge !
Les minutes s'arrêtent. Silence ! Plus rien ne bouge
Dans ce monde de mélancolie
Où un temps mort a enfermé sa vie !

Un stop ! Puis c'est son rire
Qui s'extirpe soudain de ce monde des souvenirs !
Il éclate et fuse dans mon âme,
Embrasant mon cœur de milliers flammes.

Un stop ! Sur le chemin
La balle ! Elle a posé une croix sur son destin…
Sa voix résonne. Elle me rappelle
Une époque envolée à tire-d'aile.

Un stop ! Et je revois
Le moment où l'on referma le couvercle de bois
Sur son corps, en cette nuit de deuil...
Je revois, mis en terre, son cercueil.                                      

* Pour les morts du vingt six mars 1962 !

 

07

"A quelle date, Robert, as-tu écrit ce poème ?

"Comment te donner une date? Ils sont des évènements que l'on porte au coeur et certainement écrits vers les années 63/65, lorsqu’après être rentré en "métropole, j'ai pris conscience de l'écart qui existait entre notre Vérité et le mensonge, déjà, encore, toujours, d'un État sans honneur"  Nice -  2014

Robert Charles PUIG

 


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6 - "L'espoir assassiné" de René ANIORTE -  Valence le 3 décembre 1999  de René ANIORTE

Rouge était la couleur que la haine déclenche.
Même le bleu de la mer avait ce matin-là,
L’horrible goût amer de l’espoir que l’on noie
Sous des cris de terreur se perdant dans l’ether.

Entre le bleu du ciel et celui de la mer,
Entre ces blancs immeubles à l’entour de la baie
Rouges coquelicots, le sang français coulait
Sur un asphalte noir comme les cœurs meurtris
D’un peuple abandonné, déchiré et trahi.

Bleus, Blancs, Rouges, les drapeaux, au sol, gisaient, honteux,
Ce lundi 26 mars de l’année soixante-deux,
Étape sur un chemin d’espoirs assassinés,
Nous imposant l’exil, après de noires années.

René ANIORTE
Valence le 3 décembre 1999

Ce poème a été primé en Belgique au Concours Francophone DIANA,
Édition 2008.

 Poème offert à Valence le samedi 14 mars 2009 lors de la manifestation "NON au 19 mars".
Avec toute ma gratitude - Simone Gautier

 - -

01

: "En hommage aux victimes de la rue d’Isly, en Alger, tombées sous les balles françaises ce triste 26 mars 1962, prélude à l’exode de plus de un million de Français".

.


VALENCE 14 MARS 2009

Simone Gautier et un manifestant


XI - Bibliothèque - Alger 26 mars 1962 - Ouvrages de références - Récits - Poésie

7 - "ALGER - 26 Mars 1962" de Geneviève de Ternant - Paru dans la lettre de Veritas N° 190 - Mars 2017

 

ALGER - 26 Mars 1962

Comme il est lourd à ma mémoire

Ce mois de mars pourtant lointain !

Le printemps éclatait sa gloire,

Une foule, main dans la main,

         Marchait...

Foule chantant la Marseillaise,

Brandissant très haut le drapeau,

Criant sa joie : Être Française !

Et pour cela risquer sa peau...

         Marchait...

Dans sa demeure élyséenne

Un être fourbe, un monstre froid,

Tout pétri d’orgueil et de haine,

Serpent qui se prend pour un roi,

       Grinçait...

Il a promis aux uns aux autres

Tout et le contraire de tout :

Grains de sénevé et d’épeautre

Et poison dans son grand faitout...

       Maudit !

« Ils souffriront ! »Que lui importe !

Il venge de vieilles rancoeurs !

Juste Dieu ! Que le diable emporte

Cet être qui n’a pas de cœur !

      Maudit !

C’était un doux printemps de gloire,

Ce jour si lointain, si présent...

Comme il est lourd à ma mémoire

26 mars tout brûlant de sang !

       Maudit !

                        

Geneviève de Ternant

Mars 2017

 

2015 02 librairie massena genevieve de ternant jean luc gag gagliolo nice

 

N.B. : le 26 mars 1962 un contingent de ralliés FLN, sous l’uniforme de l’armée française ouvre le feu sur un cortège de Français d’Algérie armés de drapeaux français : 86 morts, plus de 200 blessés dont beaucoup mourront de leurs blessures. Pour cet assassinat prémédité, des ambulances et des camions avaient été garés dans les rues adjacentes et des barbelés disposés pour prendre dans la nasse les Algérois, manifestants ou spectateurs. Nous n’oublions pas !

 

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