1.1 - Quelle solution pour en finir ? De Gaulle a écrit :"il faut en finir!"

I - Une journée historique - Algérie Française : une solution pour en finir

"Quand cette pluie de sang aura séché sur la terre, toi et moi serons depuis longtemps à la poussière"
Albert Camus "Les Justes" 1952

On doit des égards aux vivants
On ne doit aux morts que la vérité
Voltaire "Lettre sur Oedipe" 1719

Le 26 mars 1962 à Alger est l'occasion idéale qui donne la solution pour en finir et cette occasion était prévue. Car ce qui se passerait après Evian était su d'avance.

C'était après les soi-disant "accords" d'Evian", (accords selon les journalistes), signés le 18 mars 1962 à Evian.
Un mensonge.

C'était après la soi-disant officielle "déclaration générale des deux délégations du 18 mars " à Evian.
Un mensonge.
C'était juste au matin même, de ce 26 mars, un petit papier manuscrit de De Gaulle "IL FAUT EN FINIR - au besoin par le feu - IL FAUT EN FINIR".

Cela commence par une tuerie, appelée pudiquement fusillade, dont on ne saurait, d'ailleurs, toujours pas, qui en est l'auteur !
Mensonge !
La Nation signe par cette tuerie l'abandon de ses nationaux, c'est-à-dire : "vous n'existez plus". La charge sera laissée à d'autres pour l'extermination.  Ce sera "la valise ou le cercueil", impossible à étouffer cependant, impossible à nier. Alors les gouvernants de cette Nation (au service de quel enjeu déshumanisé, ou de quelle vanité ?) vont continuer et déplacer la mémoire :"Vous n'avez jamais existé". Quelle douleur est donc la nôtre ! Dans quelle souffrance devons-nous continuer à vivre ! Il faut donc extirper, de la conscience de chaque Français, un pan de l'Histoire de France ? "Nous n'avons jamais existé"! Nous devons nous, nous loger dans la case "oubli" de  l'inconscient collectif des Français de France.

C'est ainsi que derrière la prétendue solution pacifique, des soi-disant -"accords"- d'Evian (comme disait De Gaulle, un falso, pour les uns, mais - et - je le maintiens, l'assassin  du 26 mars en ce qui concerne les morts de ce jour-là) se retrouvent dans la nasse du FLN, (ce FLN que les puissants d'aujourd'hui encore, chérissent  tant), tous ceux qui n'avaient pas été achevés dans la nasse du  Plateau des Glières à Alger et aussi à la Grande Poste et rue d'Isly et rue Chanzy et au Télémly et encore jusqu'au Champs de Manœuvres… cela ne leur parle pas sans doute ? Oui c'est vrai, les morts assassinés, ce jour-là, leurs cadavres volés, ne contrarient plus personne du fond de leur cercueil interdit.

Shoah est un mot hébreu qui désigne une catastrophe, signifie l’anéantissement, l’extermination des juifs. Cela désigne spécifiquement l’organisation par l’Etat d’une extermination systématique.
Je retiens que, dans cette décision du 26 mars, quelque chose de systématique est mise en place, préparée, voulue. Signer à Evian c'était savoir ce qui se passerait à Alger. Le manuscrit de De Gaulle le prouve  Et maintenant c'est rayé, c'est effacé, c'est dénié, c'est déplacé, c'est fini. Après le temps des interprétations fantaisistes, tout finira dans l'oubli. Oui, mais qu'est-ce que l'oubli ? L'oubli existe ! Et il y a quelque chose dans l'oubli. Alors tout finira dans l'éradication du massacre. Des voleurs de morts cela n'existe pas ! Cela n'a jamais existé, on ne sait plus de quoi il s'agit.

Le déni va prendre la place du réel.  Et après l'oubli pour les uns, après le déni pour les autres, tout doit sombrer dans l'éradication la plus totale. Il n'y a rien à voir, il ne s'est rien passé ! Il n'y a rien à savoir. Plus rien n'est donc à sa place pour mieux remplacer ce qui s'est passé ce jour-là.

Ce silence d'État  durant toutes ces années de plomb a enfermé nos morts dans le secret du plus profond de ses propres ténèbres. Ce "GRAND SILENCE" est une rupture entre la vie et la mort et déni de la  continuité qui fait notre humanité. Tous nos efforts de paroles, - "entendez-nous" ! - se fracassent, aujourd'hui encore, sur ce mur de "Grand Silence". "Le 26 mars 1962" ne peut que ressurgir sans cesse, tant que reconnaissance, justice et honneur ne seront pas  rendus à nos morts, tant que leurs cadavres, victimes escamotées, emplissent les paroles, les actes dans ce douloureux déplacement de la mémoire imposée d'une histoire occultée par le silence et le déni. Quelle douleur est la nôtre !

Vivre c'est résister a dit Camus.

"Entendez-vous le vol noir des corbeaux dans la plaine?" Je le sais vous les entendrez !

Dans mon angoisse extrême je me demande qui sont ces barbares, ces voleurs de morts, qui n'ont plus rien d'humain et qui dénient notre humanité au point d'enfermer nos morts dans ce silence de plomb et ces ténèbres profondes ?

"Entendez-vous le cri sourd de ceux qu'on enchaîne?" - qu'on emmure dans le silence!

Sans l'absolue nécessité, l'absolue exigence que ne soient rendues justice et  vérité, exigence qui est le devoir absolu des gouvernants au service de la Nation et des nationaux de cette même Nation, il risque de ne demeurer que colère et douleur qui ne peuvent engendrer que la haine de n'être ni entendu ni compris.  Il n'y a pas de deuil possible. L'un de nous a écrit :"il faudra mille ans pour éponger ma haine!".


I - Une journée historique - Algérie Française : une solution pour en finir

Et l'État dans sa souveraineté s'empare de l'Histoire qu'il pervertit  pour des profits idéologiques et de pouvoir et de toute puissance. Louis XIV aurait dit au Parlement, le 13 avril 1655,  "Messieurs l'État c'est moi". De Gaulle a dit plus fort "Et moi c'est l'État" - en ajoutant  "Je suis la France". Nous sommes dans le défi. Qui a aimé la France plus que tout ? Ce petit peuple altruiste, amoureux de cet autre - la France ou cet homme outrecuidant, vaniteux et narcissique ?

Pourtant ces hurlements qui déchirent nos poitrines, chaque jour, sans fin,  doivent bien s'entendre ? A chaque seconde de notre vie, à chacune de nos paroles, sous chacun de nos  pas, une béance ne se referme pas. Comment arrivent-ils à vivre ceux qui sont dans le déni en toute conscience ?

Ou alors, comment  font-ils pour éradiquer de leur mémoire, de leurs souvenirs, de leurs pensées, de leurs récits,  comment font-ils pour éradiquer 130 ans de leur propre histoire?  Souffrent-ils de cette mutilation, de cette amputation du coeur et de l'esprit ?

Ce deuil impossible reste cependant dans l'attente car il lui faut s'accomplir et cette force irrépressible qui sans cesse échappe à l'enfermement, reste un danger pour ceux qui se veulent tout puissants sur nos mémoires. Il s'échappe sans cesse de l'oubli où l'on veut l'enfermer. Il renait de l'éradication. Le lundi 26 mars 1962 et tout ce qui s'est passé après le honteux 19 mars 1962 et tous ces morts et tous ces disparus dans la souffrance et la torture, tout cela est un danger pour les amnésiques du mot "Nation".

Le réel est dangereux dans ce face à face : cette résistance à l'anéantissement auquel voudraient nous contraindre les puissants d'hier et d'aujourd'hui.

Du fond de cet exil, je réalise que ce " Alger Lundi 26 mars 1962" est une impasse. Ce réel est une impasse. Car il "est" parce qu'il a été, on ne peut aller plus loin ou faire autrement.  Nul besoin d'imaginer quoi que ce soit d'autre, de travestir, de dénier, impossible d'aller plus loin ou de s'en soustraire. Le 26 mars 1962 à Alger a été, donc il est encore aujourd'hui. Il y a à voir et rien à dire après, qui ne soit que ce qui est. Quels sont ceux aujourd'hui qui s'y risqueront ?

Pour l'heure, cela permet sans doute, d'éviter un conflit (nous dirions une strounga !) entre ce qui s'est réellement passé et une réalité pré-construite, un mensonge. A partir de ce mensonge d'Evian, tout a suivi, mensonges et déni.

Les menteurs ont succédé aux assassins. A la phase finale succèdent la négation et toutes les méthodes pour éradiquer.

Oui à y réfléchir sans cesse, cette décision du 26 mars, est quelque chose de systématique mise en place, le terme d'un processus irréversible. Et les victimes du 26 mars font partie des profits et pertes attendus, inévitables et qui donnent la conscience perverse du travail bien fait. Et dans la valse internationale, enfin la France est "décolonisée" !

Cette tuerie du 26 mars, préméditée, (lisons bien les témoignages :"nous avons ordre de tirer" et De Gaulle l'a écrit "il faut en finir") n’est pas un crime de masse mais bien un assassinat collectif d’État. Radical, systématique.

Nos témoignages feront s'ouvrir l'oubli, et le réel ressurgira, ce qui s'est produit ressurgira. Nos témoignages iront en héritage à nos enfants qui nous survivront, et ils sauront dans cette recréation permanente de la mémoire familiale, qui ils sont et d'où ils viennent. Nos témoignages pour eux seront dépouillés de la douleur du vécu, de la souffrance du déni, puisque nous avons trouvé les mots pour le dire. La douleur du vécu, la souffrance du déni trouvent leurs places dans nos témoignages et ne se transmettront pas puisque nous trouverons les mots pour l'écrire. Ils sauront leur histoire.

Il ne s'agit pas de compassion, de surenchère à l'émotion, et encore une fois il ne s'agit pas de transmettre douleur et souffrance.  Je ne veux pas faire de ce site un devoir de mémoire mais essentiellement un travail de mémoire qui, à partir des témoignages et des écrits, montre l’évènement, dépasse l’émotion pour arriver à la compréhension des causes et des effets dans une exigence absolue de transmission, transmission que nos témoignages laisseront à d'autres qui, je l'espère tant, en prendront soin.

Une psychiatre argentine (je ne retrouve plus son nom), nous a dit, lors d'un congrès, à propos des "Mères de la place de Mai", ironisées par l'Etat en "Folles de mai", que le gouvernement actuel avait clos cette tragédie en expliquant que cela était à présent classé dans l'inconscient collectif. Atroce ! Quelle douleur pour ces mères !

Nos morts doivent être honorés, dans la reconnaissance officielle et par la société toute entière, ils doivent prendre leur place toute entière et pérenne  dans la conscience collective.

Simone GAUTIER

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marianne7

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