5.2 - Loi sur les archives

 

VIII - Archives interdites : une spécialité française - La loi sur les archives 2008 : ambigüité et peurs françaises face à l’histoire contemporaine

2 - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. à Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs "Un projet de loi qui porte gravement atteinte à la liberté d'écriture et à la recherche historique...."

Un projet de loi d’archives voté en première lecture par le Sénat le 8 janvier 2008 va être soumis au vote de l’Assemblée Nationale le 29 avril 2008. Ce projet de loi contient des dispositions qui portent gravement atteinte à la liberté d’écriture et à la recherche historique. Il restreint de façon arbitraire le droit d’accès des citoyens aux archives publiques contemporaines (depuis 1933).

Nous attirons plus particulièrement l’attention des Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs sur les points suivants :

1 - L’article L 213-2-II crée une nouvelle catégorie d’archives, les archives incommunicables. Certaines archives pourront ne jamais être communiquées au nom de la sécurité nationale ou de la « sécurité des personnes ». D’une part, le législateur est en contradiction manifeste avec ses propres intentions : il déclare à l’art. L 213-1 que les archives publiques sont « communicables de plein droit » pour créer, à l’article suivant, la catégorie archives incommunicables. D’autre part cet article n’a pas aucune raison d’être : les informations concernant les armes de destruction massives sont couvertes par l’art. 213-2-I-3° et les informations de nature à compromettre la sécurité des personnes sont visées par l’art. 213-2-I-4°. Enfin cet article est contraire aux recommandations du Conseil de l’Europe précisant que « toute restriction doit être limitée dans le temps » (point 2.1.5. de la Recommandation n° R 2013).

Nous demandons la suppression de l’article L 213-2-II.

2 - Au nom d’une conception inédite « de la protection de la vie privée des personnes » le projet de loi justifie l’allongement du délai d’ouverture des archives publiques. Ainsi un carton contenant un seul document rendant public une « appréciation ou un jugement de valeur » ne pourra être consultable qu’à l’expiration d’un délai de soixante-quinze ans (art. L 213-2-I-4°). Cette expression particulièrement floue autorisera la fermeture d’archives publiques, tels les rapports de préfet. Qui décidera, et sur quels critères, de leur communicabilité ? Par ailleurs, substituer au délai de soixante ans actuellement en vigueur, un délai de soixante-quinze ans compromet les études historiques sur les années trente, et sur le régime de Vichy puisque cela revient à soumettre au privilège d’une dérogation l’étude de documents aujourd’hui librement accessibles.

Nous demandons la suppression des expressions « appréciations et jugements de valeur » et le retour au délai de soixante ans prévu par la loi du 3 janvier 1979, art. 7-5 protégeant « les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ». De plus il serait nécessaire que la possibilité d’obtention d’une dérogation (art. L. 213-3) soit explicitement mentionnée au nouvel art. 25-II. Enfin, les délais de réponse n’étant pas fixés, certaines dérogations se font attendre au-delà d’un temps raisonnable. Nous demandons que les réponses parviennent aux demandeurs dans le délai légal de deux mois.

3 - L’article L 213-3-I instaure un nouveau régime de dérogation pour la consultation des documents avant l’expiration des délais légaux d’ouverture. Le chercheur devra désormais justifier que ses travaux ne portent pas une « atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ». Comment définira-t-on « l’atteinte excessive aux intérêts de la loi » ? Le régime déjà extrêmement restrictif de la dérogation se trouve de la sorte encore réduit, au point de laisser craindre sa disparition pure et simple.

Nous demandons le retour au régime de la dérogation prévu par l’art. 8 de la loi du 3 janvier 1979 : « Cette consultation n’est assortie d’aucune restriction, sauf disposition expresse de la décision administrative portant autorisation ».

4 - Enfin, le système des protocoles, déjà en vigueur pour les Chefs d’État et dont on a constaté les dérives dans certains cas est étendu aux papiers des ministres (Art. L. 213-4). Il offre à ces derniers, jusqu’à leur décès, la possibilité de traiter les archives publiques produites par eux et par leurs collaborateurs comme des archives privées jusqu’au décès des ministres.

Nous demandons que les protocoles soient soumis à un délai maximal de cinquante ans.

Renouant avec la culture du secret – le mot est employé quatorze fois dans le texte – ce projet de loi, va à l’encontre des recommandations du Conseil de l’Europe et des pratiques et législations en vigueur dans les grandes démocraties occidentales.

Les dispositions extrêmement restrictives de ce nouveau texte sont empreintes de méfiance et sont inspirées par une vue largement fictive de ce qu'est la pratique de l'archive. Ce dont les archives françaises ont besoin en France n’est pas d’un retour déguisé au secret d’état, mais sur le modèle des législations étrangères, d’une plus large ouverture. Peut-on raisonnablement penser que la démocratie française en sortirait affaiblie ?

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Association des usagers du service public des Archives nationales (AUSPAN)

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