6.7 - Plainte contre le Ministère des Anciens Combattants par Marie-Claude Teuma, en 2009, pour l’attribution de la mention "mort pour la France" pour son père. Jugement en sa faveur - Rennes - 2013

X - Les actions - Les actions en Justice

1 - Mai 2005 -  Marie-Claude TEUMA adresse au Président de la République une pétition portant sur la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les massacres commis en Algérie après le 19 mars 1962, au nom du Comité des Familles de Disparus et Victimes du 5 juillet 1962 à Oran

2 - Septembre 2008 - Marie Claude Teuma demande au Secrétariat d’État des Anciens Combattants que la mention "Mort pour la France soit attribué à son père. Refus puis accordé en novembre 2009 puis de nouveau refusé en décembre 2009

3 - Jugement en sa faveur par la Cour d'appel de Rennes le 15 octobre 2013, suivi par le Parquet de Rennes en date du 26 décembre 2013 : Marie-Claude TEUMA nous livre l'information.

4 - Historique de l'action par Michel DELENCLOS

5 - Hommage pour un Disparu d'Algérie : Paul TEUMA -  Carcès  juillet 2016

 

 

1 - Mai 2005 -  Marie-Claude TEUMA adresse au Président de la République une pétition portant sur la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les massacres commis en Algérie après le 19 mars 1962, au nom du Comité des Familles de Disparus et Victimes du 5 juillet 1962 à Oran

Lettre de Marie-Claude TEUMA, à Jacques CHIRAC, Président de la République - 12 mai2005

Nîmes le 12 mai 2005

                                                                                                          Monsieur Jacques Chirac
                                                                                                             Président de la République
                                                                                              Palais de l’Élysée
                                                                                                                  55 rue du Faubourg St Honoré
                                                                                    75008 Paris

Monsieur le Président,

Je vous prie de trouver ci-joint une pétition portant sur la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les massacres commis en Algérie après le 19 mars 1962, jour de la signature des accords d’Évian.

Plus de 300 signatures ont été recueillies lors du pèlerinage de Santa-Cruz du 5 mai 2005 à Nîmes.

Les personnes qui ont signé cette pétition, sont des familles de disparus mais aussi des personnes qui ont échappé par miracle à la rafle d’une population en délire. Je peux vous assurer que l’émotion et la souffrance de ces gens là sont toujours présentes et bien réelles.

Nous avons également recueilli les témoignages de plusieurs militaires en poste ce jour là qui nous ont déclaré avoir reçu l’ordre de ne pas intervenir. Les portes des casernes sont restées fermées mêmes pour ceux qui demandaient assistance.

C’est la première fois dans l’histoire qu’un Etat ne porte pas secours à ses ressortissants.

La campagne de désinformation sur l’œuvre de la France en Algérie et les colonies en général et les récentes déclarations du Consul de France à Sétif, n’ont fait que raviver l’indignation de toutes les victimes de la décolonisation.

Si le projet de traité avec l’Algérie est la cause de cette politique, comment la France peut-elle envisager de rétablir des relations normales avec ce pays sans épurer le contentieux qui existe encore et toujours entre nos deux peuples. On ne peut construire que sur des bases saines, si non, votre tentative de réconciliation sera vouée à l’échec, comme les précédentes.

Dans les prochains jours d’autres pétitions vous parviendront, vous donnant la preuve que notre communauté est encore bien vivante et que sa mémoire est tenace.

En Algérie nous étions fiers d’être français, ne nous décevez pas, faites en sorte que tous nos martyrs ne soient pas morts pour rien.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Marie Claude TEUMA
Comité des Familles de Disparus et Victimes du 5 juillet 62 à Oran

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2 - Septembre 2008 - Marie Claude Teuma demande au Secrétariat d’État des Anciens Combattants que la mention "Mort pour la France soit attribué à son père. Refus puis accordé en novembre 2009 puis de nouveau refusé en décembre 2009

 

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3 - Jugement en sa faveur par la Cour d'appel de Rennes le 15 octobre 2013, suivi par le Parquet de Rennes en date du 26 décembre 2013 : Marie-Claude TEUMA nous livre l'information.

Chère Simone,

Merci de partager avec moi cette satisfaction d'avoir gagné contre le Ministère des Anciens Combattants, c'est à dire l’État Français.

Vous pouvez reprendre mon communiqué sur votre blog et le compléter avec les détails (ci-après) que vous jugerez nécessaires.

Il faut savoir que dans un premier temps l'ONAC le 5 Novembre 2009 (Office National des Anciens Combattants) a octroyé à mon père la mention "Mort pour la France », le 21 décembre 2009 le même ONAC me l'a retiré au motif que celui-ci serait entaché d'illégalité: les circonstances du décès de mon Père survenue après le 2 juillet date officielle de la fin de la guerre d'Algérie ne "résulte pas d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre" (article L488 du code des pensions militaires...)

Ce qui voulait dire : à la trappe les harkis et tous les enlevés/disparus après le 2 juillet 1962 ! D' où ma révolte et ma décision d'aller en justice.

En mai 2010 j'assigne le Ministère de la Défense devant le T.G.I. de Nantes. Le Ministère ne s'est jamais fait représenter par un avocat et n'a jamais communiqué ses arguments à mon avocat  (le principe du Contradictoire n'a pas été respecté).

 Le 7 mars 2011 le Parquet de Nantes  donnait un "avis défavorable" à ma requête sans attendre de recevoir les pièces qui justifiaient  mes arguments!!!!

Donc cours d'Appel de Rennes, qui au nom de l'égalité, principe inscrit dans la constitution a rendu son jugement en ma faveur le 15 octobre 2013 et le Parquet de Rennes a suivi le 26 décembre 2013. (Ce qui va faire jurisprudence)

J'oubliais un petit détail "ils" ont essayé d'intimider mon avocate de Nantes et celle de Nîmes!

Alors oui je suis fière d'avoir gagné pour l'honneur de mon père, mais aussi pour tous les enlevés/disparus de notre communauté. Oui, ils ont existé!

Les victimes assassinées du 26 mars,  les Harkis massacrés et les disparus après le 2 juillet 1962 sont bien la preuve que  la date du 19 mars que "certains" veulent commémorer en l'officialisant  est illégale.

J'ai ouvert une voie, libre à chaque famille de faire la demande de la mention auprès de l'ONAC en fonction de l'article L488 alinéa: 9, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Encore merci, chère Simone

Marie Claude

 

Chers compatriotes, chers amis

En date du 26 décembre 2013 suite au jugement de la Cour d'Appel de Rennes du 15 octobre 2013, le Parquet confirme la condamnation du Ministère de la Défense et ordonne l'adjonction de la mention « Mort pour la France »sur l'acte de décès de M. Paul, Hubert, Marie TEUMA né le 30 juillet 1918 à Carcès (Var) décédé le 5 juillet 1962 à Lartigues (Algérie).

Voilà, après de nombreuses péripéties qui, durent depuis le 5 novembre 2009, les enlevés/disparus après l'indépendance de l'Algérie sont enfin reconnus comme victimes « d'acte de violence constituant une suite direct de faits de guerre » (Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Article L488 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005).

J'espère que les familles de disparus Pieds Noirs et Harkis n'hésiteront pas à faire la demande de la mention « Mort pour la France » au près de l'ONAC, pour honorer la mémoire de leur disparu mais aussi pour que notre histoire soit reconnue et respectée et que leur sacrifice au nom de « l'intérêt supérieur de l’État » soit célébré par tous civils et militaires.

Ils Ont Existé !

J'espère que toutes les places, rues et squares de France célébrant le 19 mars seront débaptisés, car la reconnaissance des « Morts pour la France » après l'indépendance est bien la preuve que les « Accords d'Evian » n'ont pas été respectés et ne symbolisent en aucun cas la fin de la guerre d'Algérie.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont témoigné pour mon procès et toute celles qui m'ont soutenue et conseillée. Soyez en remerciés très sincèrement du fond du cœur.

Je dois également remercier mes avocates Maître Fanny Velay et Maître Karline Gaborit qui ont adhéré sans hésitation à notre cause et qui ont su plaider avec conviction.

Je me tiens à la disposition de toute personne qui désirerait avoir un complément d'information.

Marie Claude TEUMA
le 20 janvier 2014

 


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4 - Historique de l'action par Michel DELENCLOS

Madame TEUMA Marie-Claude (22.04.1944/) née à Alger (Algérie française) -Fille unique de Paul-Marie-Hubert, directeur des établissements Montserrat (Orangina), lui-même fils unique de François Teuma, directeur de l'hôtel Quentin, rue Ampère à Oran. Épouse de Élie Barbagelata. Études à Oran jusqu'en seconde. Épouse Didier, fils du docteur A. Laborde. Dès le 02.07.1962, elle est seule en attente d'un départ de l’aérodrome de La Sénia à Oran, pour rejoindre sa mère à Marseille.

Dans une lettre datée du 27.09.? (année illisible), le secrétaire d’État chargé des Affaires algériennes, Jean de Broglie, il est stipulé: «...J'avais aussitôt demandé à la Croix-Rouge internationale de procéder à une enquête extrêmement poussée sur cette disparition, dont les résultats viennent aujourd'hui de me parvenir. Ceux-ci sont malheureusement négatifs et j'ai le pénible devoir de vous informer que, d'après les recherches effectuées par cet organisme, il nous faut conclure au décès de Monsieur Teuma et de ses compagnons.

D'après un témoignage qui paraît digne de foi, il semble que M. Teuma et ses compagnons aient subi le même sort que toutes les personnes disparues lors de l'émeute des 4 et 5 juillet à Oran. Arrêtés à un barrage sur la route de La Sénia, ils ont été abattus alors que l'un d'eux tentait de s'enfuir...». Dans la lettre destinée à l'auteur, datée du 30.10.2004, elle précise: «Le 5 juillet 1962, j'étais depuis trois jours à l'aéroport de la Sénia à Oran, en partance pour la France. Mon père venait me voir tous les jours, je dormais au poste Météo. Ce 5 juillet, il n'est pas venu..., je devais rejoindre ma mère à Marseille, j'ai embarqué pour Paris et j'ai atterri à Lyon. J'avais 18 ans...».

 

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Le 05.06.2006 à Marseille, elle participe à la marche silencieuse en mémoire des disparus en Algérie.

Le 18.09.2008, elle adresse une lettre au Secrétaire d’État aux Anciens combattants qui, le 22.07.2008, répondait par la négative à la question du député socialiste radical, Kléber Mesquida, concernant la reconnaissance de la qualité de «mort pour la France» aux victimes civiles de la guerre d'Algérie.

Le 14.03.2009 à Valence, elle manifeste contre la célébration du 19 mars.

Le 05.11.2009, une lettre du ministère de la Défense lui apprend que son père, Paul Marie Hubert Teuma, est reconnu comme «Mort pour la France» jugeant que les circonstances du décès: «résultent d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre et permettent l'apposition de la mention «Mort pour la France».

Le 21.12.2009, la directrice du même service lui signifie, par simple lettre, que l'avis favorable lui était retiré car il était «entaché d'illégalité. La fin de la guerre d'Algérie ayant été déclarée le 2 juillet» ainsi son père «n'est pas décédé à la suite d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre.». Psychanalyste Psychothérapeute à l'institut de Psychanalyse nîmois. Présidente du «Collectif de Défense des Familles de Disparus».

Le 28.01.2010, aux côtés de H. Troupel et de C. Perrotet, elle participe à l'assemblée constitutive du cercle algérianiste de Nîmes.

Le 26.12.2013, enfin, un acte d’acquiescement signé par Madame Le Procureur général près la Cour d’appel de Rennes : « Déclare par le présent acte acquiescer purement et simplement l’arrêt rendu par la 6ème chambre de la Cour d’appel de Rennes le 15.10.2013 réformant la décision du tribunal de Grande instance de Nantes, en date du 24.05.2012 et, ordonnant l’adjonction de la mention « mort pour la France » sur l’acte de décès de M. Paul Teuma, né le 30.07.1918 à Carces (Var) et décédé le 05.07.1962 à Lartigues (Algérie). Renonçant à attaquer le dit arrêté par toute voie de recours ordinaire ou extraordinaire, voulant et entendant qu’il soit désormais définitif. Fait à Rennes, le 26.12.2013. Pour le Procureur général, Olivier Bonhomme, substitut général. ».

L’auteur précise que cet acte fera jurisprudence.

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Dans un message daté du 24.01.2014 et diffusé via Internet, adressé aux « Chers compatriotes, chers amis », Mme. Marie-Claude Teuma, rappelant succinctement les termes de l’ « acte d’acquiescement » du 26.12.2013, note : « Voilà, après de nombreuses péripéties qui, durent depuis le 05.11.2009, les enlevés/disparus après l’indépendance de l’Algérie sont enfin reconnus comme victimes « d’acte de violence constituant une suite directe de faits de guerre » (Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre : Article L488 de la loi n° 2005-1719 du 30.12.2005). J’espère que les familles de disparus Pieds-Noirs et Harkis n’hésiteront pas à faire la demande de la mention « Mort pour la France » auprès de l’ONAC pour honorer la mémoire de leurs disparus mais aussi pour que notre histoire soit reconnue et respectée et, que leur sacrifice au nom de « l’intérêt supérieur de l’État » soit célébré par tous, civils et militaires. Ils ont existé. J’espère que toutes les places, rues et squares de France célébrant le 19 mars seront débaptisés, car la reconnaissance des « morts pour la France » après l’indépendance est bien la preuve que les « Accords d’Evian » n’ont pas été respectés et ne symbolisent en aucun cas la fin de la guerre.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont témoigné pour mon procès et toutes celles qui m’ont soutenue et conseillée. Soyez-en remerciés très sincèrement du fond du cœur. Je dois également remercier mes avocates, Maître Fanny Velay et Maître Karline Gaborit qui ont adhéré sans hésitation à notre cause et qui ont su plaider avec conviction. Je me tiens à la disposition de toute personne qui désirerait avoir un complément d’information. ».

A la lecture de la lettre de Marie-Claude, transparaît certes un soulagement, après un long combat serein et déterminé pour la reconnaissance de la disparition de son père, mais aussi beaucoup d’altruisme envers ceux des Pieds-Noirs et des Harkis qui ont subi le même horrible sort. L’auteur l’avait rencontré deux fois, seulement, mais avait été très vite touché par son empathie et par cette force intrinsèque qu’elle dégage toujours. Elle est en droit, aujourd’hui, de passer le témoin, en rappelant aux relayeurs cette précaution de Gustave Le Bon : « Les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes. ».

DELENCLOS Michel

Bibliographie :

De Claude Micheletti "Fors l'honneur", Ed. Curutchet, 2002.
De Raphaël Delpard "Les oubliés de l'histoire", Ed. M. Lafon, 2003.
De Guy Pujante "De l'Algérie de papa à l'Oas", Ed. G. de Bouillon, 2004.
De Michel Delenclos «Les Mots des uns...Les Maux des autres. La France et l'Algérie», Ed. G. de Bouillon, 2008.
De M. Delenclos « 19 mars 1962 ? Waterloo ! », Ed. L »Harmattan, 2013

Voir «Mort pour la France» et «Disparus», 2009. Supplément à l'Algérianiste n° 130 de 06/20


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5 - Hommage pour un Disparu d'Algérie : Paul TEUMA -  Carcès  juillet 2016

 

Paul TEUMA

 

C’est en présence du Maire de Carces et des membres du Conseil Municipal, des représentants du Souvenir Français et de leurs porte-drapeaux, des membres des associations patriotiques du Var et de leurs porte-drapeaux, qu’a eu lieu l’inauguration solennelle de l’inscription de Paul Teuma enlevé-disparu du 5 juillet 1962 à Oran sur le Monument aux Morts de Carces.

La cour d’Appel de Rennes en date du 15 octobre 2013 a acquiescé l’adjonction du titre« Mort pour la France » sur l’acte de décès de Paul Teuma né le 30 juillet 1918 à Carces.

Cette décision fait jurisprudence, ainsi tous les enlevés-disparus après l’indépendance de l’Algérie sont reconnus comme victimes civile de faits de guerre et ont droit à cette mention.

Voici quelques photos de ce 5 Juillet. J’espère que ma démarche et mon combat permettront à d’autres familles de rendre honneur et dignité à leurs parents disparus.

Tous les enlevés-disparus de la guerre d’Algérie peuvent être reconnus « Morts pour la France».

Claude Teuma

 

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