8.1 - Les hélicoptères bombardent les hauts d’Alger : Plateau Sauliere – l’Agha – la rue Michelet – la Robertsau …

6 - Monsieur ORSETTI Gabriel : ils lancent des grenades

"Dimanche 25 mars 1962"

« Atmosphère de drame à Sainte Elisabeth Monseigneur DUVAL célèbre la messe Beaucoup de fidèles ressortent de l’église. Nous emmenons Madame Perrier au marché. Des ambulances passent au carrefour de l’Agha.

Certainement des victimes de Bab el oued. Des attroupements en ville. Atmosphère tendue. L’après-midi, au moment où nous partons au club on vient à la maison nous demander des vivres pour Bab el Oued, mais comment y parviendront-ils puisque le bouclage est certainement sans fissure. Je n’ai pas le cœur à jouer au tennis. Au club je lis « Voyage autour de ma chambre » Le soir la radio nous apprend que Bab el Oued est passé au peigne fin, 800 arrestations.

"Lundi 26 mars 1962"
(Découpé dans le journal de lundi)

 

05

Bab el Oued est toujours encerclé. Un mot d’ordre circule, des tracts sont distribués : « rassemblement cet après-midi au Plateau des Glières et marche pacifique et sans armes vers Bab el Oued, pour réconforter la population bouclée et manifester la solidarité de toute la population d’Alger et de la périphérie, population européenne s’entend. Drapeau français en tête. » La grève générale est donc décrétée. C’est le cœur bien lourd que je rentre à la maison. Tout cela ne me dit rien qui vaille. A la radio on annonce que le pouvoir est bien décidé à s’opposer à cette manifestation. Je demande aux enfants de rester bien sagement à la maison. D’ailleurs des barrages sont en place sur le Télemly.

Il n’est pas encore 15 heures que des coups de feu éclatent. Quelques rafales, pas loin. Un peu plus tard, une forte explosion à proximité (grenade ? cocktail Molotov ?). l’explosion est suivie de fortes rafales. Nous voyons des gens courir au-dessus de la rue Eugène Etienne. Un militaire met son F.M. en batterie face à Sainte Elisabeth. Jean-louis qui est chez Nicole nous dira le soir que ça tiraillait au marché Jeay et autour de la villa.

Puis c’est la danse des hélicoptères, jusqu’à trois, dans un ciel serein, car le temps s’est remis au beau. Ils lancent des grenades, lacrymogènes sans doute. On aperçoit leur sillage de fumée dans le ciel. Elles tombent sans doute rue Michelet. L’une d’elle atterrit sur les toits des chemins de fer. Monsieur Vialard, qui est au balcon, me dit qu’il y aurait beaucoup de blessés avenue Pasteur et à la Grande Poste. Je descends. Je tombe sur Monsieur ……. qui se trouvait rue d’Isly, près de la Grande Poste. Il y a eu une terrible fusillade et beaucoup de morts, des scènes affreuses, parait-il.

Quand je remonte Juliette me dit qu’elle a écouté à Europe n°1 un reportage hallucinant, pris sur le vif. Les tirailleurs algériens auraient tiré. Le lieutenant qui les commandait criait, parait-il, à plusieurs reprises « Halte au feu, au nom de la France, cessez le feu ». Aux informations de 20 heures, nous apprenons que JOUHAUD aurait été arrêté à Oran ; la nouvelle devait être confirmée ; que les fusillades de la Grande Poste aurait fait au moins 35 morts et au moins une centaine de blessés ; que les arrestations à Bab el Oued atteignaient le chiffre de 1.200… Quelle affreuse journée pour tout le monde.

Mardi 27 mars 1962

Tout le personnel est devant la Schell, personne ne veut rentrer. Lentement mais sûrement la Schell se vide. Elle est fermée. La grève est maintenant générale en ville. Nos collègues Schell de Bab el Oued ont été arrêtés : VINDIGNI, PAGES, SELLEM, AZOULAY, BELLORINI etc.….. En remontant à la maison je rencontre mademoiselle ……. Qui revient de l’hôpital. Le nombre des victimes de la Grande Poste serait de 56. Dans la soirée, coup de téléphone de …. Il y a un Van Den Broeck parmi les victimes. Je téléphone à …..C’est le père de notre comptable.

Vendredi 30 mars 1962

Dans les avis de décès nous apprenons que madame Mesquida a été tuée lors de la fusillade. Juliette va voir monsieur Mesquida l’après-midi avec madame DREVET et madame CROS.

 

Lettre de Gabriel ORSETTI,
adressée par sa fille Monique PRIGENT-ORSETTI
Les Plaignes – 87 160 - Cromac
Les pointillés remplacent les noms volontairement supprimés par Monsieur ORSETTI décédé en 2007.

Très sincères remerciements à Monique PRIGENT
Simone GAUTIER

06

La rue Eugène Etienne en haut à droite en rouge.
10 : La Grande Poste
En gris le plateau des Glières et la rue d’Isly
En bleu
les flux des manifestants Michelet, Peguy

07

 

Monsieur ORSETTI devant le monument aux morts un 26 mars 199?

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