10.6 - Témoignage de Gérard MARIN, envoyé spécial du Figaro

VI - Les témoignages - Les journaux, les lecteurs

1 - Témoignage de Gérard MARIN, envoyé spécial du Figaro.

2 - Décès de Gérard MARIN le 26 juillet 2016 à l'âge de 90 ans - Hommages

 

 

 

 

1 - Témoignage de Gérard MARIN, envoyé spécial du Figaro.

La fausse paix du 19 mars, le silence tant espéré des armes, aura duré à peine une semaine. Trêve illusoire brisée par un drame atroce, que beaucoup d’autres suivront. La fusillade de la rue d’Isly, la tragédie sanglante du 26 mars 1962 à Alger, j’y étais. Envoyé spécial du « FIGARO », je l’ai vécue de bout en bout, la peur au ventre, la rage au cœur.

Quarante ans après, ces images d’horreur ne peuvent s’effacer de ma mémoire. J’entends encore le claquement des rafales qui crachent la mort, les hurlements de la foule terrorisée, les cris et les plaintes des blessés, les râles des moribonds. Et le pathétique appel à cesser le feu de cet homme qui s’est dressé, debout sous la mitraille, pour tenter d’arrêter le carnage.

Je vois encore les flaques de sang qui inondent la chaussée, tâches d’un sang innocent sur la France : celui de 88 victimes civiles d’un crime de la déraison d’Etat. Un massacre (calculé ?) pour briser définitivement la résistance du peuple pied-noir qui n’avait plus dès lors, que le choix entre « la valise ou le cercueil », selon la volonté proclamée du FLN.

Je revis la scène-le cauchemar- comme si c’était hier. Nous sommes mon confrère Max Olivier-Lacamp et moi, prés de la Grande Poste quand commence à s’amasser la foule des manifestant qui veut aller apporter son soutien au quartier de Bab El Oued, encerclé par l’armée depuis qu’il abrite des nids de résistance de l’O.A.S. Une foule résolue mais pacifique, avec ses drapeaux, ses banderoles, ses chants patriotiques et les médailles des anciens combattants des deux guerres qui étincellent au grand soleil de printemps.

Le rassemblement, où se mêlent hommes, femmes, enfants – on est venu à la « manif » en famille -, grossit de minute en minute, s’agglutine derrière le frêle barrage de tirailleurs algériens (appartenant à un régiment d’appelés musulmans) qui ferme la rue d’Isly. Les militaires, l’arme au pied, mais des « FM » en batterie à côté d’eux, sont tendus, nerveux. Le jeune lieutenant européen qui les commande ne l’est pas moins, visiblement inquiet de voir son mince cordon de troupes débordé. Car cette limite franchie, il a ordre d’ouvrir le feu. Ordre des plus hautes autorités.

La marée humaine emplit maintenant toutes les rues avoisinantes et jusqu’à l’esplanade en degré qui s’étend devant le gouvernement général. Le drame que nous pressentions, les tripes nouées, va éclater très vite. Le barrage craque sous la poussée irrésistible des manifestants, le cortège s’engage dans la rue d’Isly, s’avance lentement en direction de Bab El Oued.

« Je pars en tête me dit Max Olivier-Lacamp, je vais voir ce qui se passe là-bas. » Il se faufile, disparaît dans la foule. Et tout à coup, dominant le fracas des sonos reprenant sans cesse Le chant des Africains, éclatent des tirs nourris d’armes automatiques. Stupeur. Panique. J’ai juste le temps, comme ceux qui m’entourent, de m’aplatir dans un caniveau avant de me glisser en rampant dans un couloir d’immeuble.

Les rafales crépitent durant plusieurs minutes qui nous semblent des siècles. De mon abri précaire, je vois des dizaines de malheureux qui tombent, tués ou blessés. Fauchés dans le dos ! D’autres, qui se sont tout de suite couchés par terre, sont massacrés au sol. Les militaires ont baissé le tir pour ne pas rater leur cible. A vomir. Devant le visage fermé, hostile, des tirailleurs, Mas Olivier-Lacamp m’avait soufflé : « On dirait qu’ils veulent se payer du Pied-noir ! »

Il faudra qu’un courageux entre les courageux se lève au milieu de la rue jonchée de blessés, d’agonisants et de cadavres, et hurle droit face aux tireurs, à s’en casser la voix : « Halte au feu, au nom de la France, mon lieutenant, halte au feu ! » Il faudra cette injonction répétée plusieurs fois d’un souffle aussi puissant que bouleversant pour que cesse enfin le carnage.

Tandis que médecins et ambulanciers s’affairent dans le hululement des sirènes, qu’un aumônier prie penché sur des mourants, je lis – avec la peur et le chagrin – l’hébétude sur le visage des survivants. Pourquoi ? Pourquoi cette boucherie systématique alors que tant de manifestations tricolores avaient été dispersées  jusque là à coup de canon à eau ?

Je n’oublierai jamais, parmi les victimes rescapées, cette très jeune fille en fleur à la robe claire tachée de sang, et qui pleurait, qui pleurait à gros sanglots. Sur les siens, sur sa terre natale, sur ses illusions perdues aussi…

L’Algérie française est bel  et bien morte avec les 88 civils innocents massacrés rue d’Isly le 26 mars. Un martyre d’une écœurante  lâcheté qui précédera celui des milliers d’Européens enlevés et assassinés par la suite par le FLN et l’ignoble liquidation de quelque 120 000 harkis pour crime de fidélité à la France.

Journal « LE FIGARO » du 19-03-2002

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2 - Décès de Gérard MARIN le 26 juillet 2016 à l'âge de 90 ans - Hommages

 

Paru dans Présent du 30 juillet 2016

 

Vraiment une très mauvaise nouvelle, la disparition d’un témoin de la fusillade du 26 mars 1962 de la rue d’Isly à Alger, expulsé le lendemain d’Alger pour son article dans le Figaro.

J’étais un fidèle auditeur de son libre journal du mercredi soir chaque mois sur RadioCourtoisie. Jean-Louis Granier

 

Gérard Marin1

 

Gérard Marin, journaliste au Figaro de 1946 à 1993 (il en fut un des rédacteurs en chef ),est décédé ce 26 juillet à l’âge de 90 ans. Les auditeurs de Radio Courtoisie connaissaient sonprofessionnalisme et son engagement puisqu’il avait animé le « Libre journal des médias »(1993-2008), et qu’il dirigeait depuis 2008 le « Libre journal de la résistance française ».

A sa famille et à ses proches, nous présentons nos sincères condoléances. – La Rédaction.

 

PARU DANS RIPOSTE LAÏQUE le 27 juillet 2016

Voir l'article : ICI

Hommage à notre ami Gérard Marin, de Radio Courtoisie, décédé hier, publié le 27 juillet 2016 - par Pierre Cassen Christine Tasin

Gérard Marin3

 

Nous avons le cœur gros ce matin, nous venons d’apprendre la disparition du très grand journaliste Gérard Marin qui nous avait fait l’honneur de nous accorder son amitié.

Et l’amitié pour cet homme droit, ce n’était pas un vain mot.

Depuis l’apéro saucisson pinard du 18 juillet 2010 où il nous avait découverts, il nous invitait l’un ou l’autre ou les deux, régulièrement, à participer au« libre Journal de la Résistance française », qu’il animait le mercredi de 18 à 21 heures, une fois par mois, avec sa fidèle collaboratrice Michelle. Gérard, c’était d’abord une voix qui, telle celle d’un Jacques Chancel, immortalise un personnage.

Lui qui fustigeait souvent la dhimmitude de l’Eglise catholique est mort le jour où un prêtre, à Saint-Etienne du Rouvray, était égorgé par un islamiste, dans son église. On devine l’émotion et la révolte, la dernière, qui a dû l’habiter, quand il a appris cette horrible nouvelle. L’actualité avait fait que nous avions été beaucoup en contact, ces dernières semaines.

Gérard avait invité Christine à parler de l’arabe à l’école, le 29 juin dernier.

Ironie de l’histoire, il avait invité Pierre ce mercredi soir, en compagnie de l’auteur de « Musulmans vous nous mentez », Hubert Lemaire. René Marchand devait intervenir au téléphone, et le Marquis devait nous faire profiter de son habituel billet mensuel iconoclaste.

Ce lundi, à la veille de sa mort, Gérard n’avait pas caché sa joie quand le fondateur de Riposte laïque lui avait dit qu’il pourrait s’arranger, et être présent dans le studio. Ils avaient échangé longuement sur la situation politique de la France, et comment traduire cela dans le studio de

Radio Courtoisie.

Quelques mois auparavant, Gérard avait invité Ghislaine Dumesnil et Christine Tasin, afin de présenter le livre « Mahomet au volant, la charia au tournant ».

Le 13 juin dernier, il était fier d’avoir ses invités, derrière sa table, à ce qui sera sa dernière fête de Radio Courtoisie. De nombreux visiteurs s’arrêtaient, et discutaient longuement à son stand, pour le féliciter de tout ce qu’il leur apportait.

« Le libre journal de la Résistance française » était très écouté. C’est que Gérard était un remarquable journaliste. Il préparait ses émissions avec un soin méticuleux, il lisait beaucoup, il choisissait avec professionnalisme ses thèmes toujours d’actualité, ses invités, et, qualité rare, veillait à ce que chacun ait la parole aussi longtemps que nécessaire. Et le lendemain, il ne manquait jamais de nous rappeler, pour nous remercier de la qualité de nos interventions, avec un enthousiasme qui nous émouvait. Cette émission était sa vie.

Qui eût dit que cet homme capable de colères, de révoltes, de cris du cœur, avec une telle maîtrise intellectuelle allait bientôt avoir 90 ans ? Nous l’avons connu malade, très diminué, avant une émission. Mais dès qu’il était au micro il redevenait jeune homme, impétueux, brillant, malgré ses ennuis de santé, malgré ses soucis familiaux…

Quel homme ! Comme disait Brassens, il n’était pas du bois dont on fait les flûtes ! ( On était du même bois, un peu rustique, un peu brut, dont on fait n’importe quoi sauf naturellement les flûtes ).

Nous étions très proches, aussi, bien sûr pour tout ce que nous partagions, le même amour de la France et de la parole libre, le même mépris des collabos, le même rejet de l’islam.

Nous pleurons un homme qui faisait honneur au journalisme et un Résistant qui va nous manquer cruellement, dans une période qui confirme la justesse des analyses de Gérard Marin.

Nous aurons une pensée pour lui à chaque fois que nous essaierons, humblement, de mener des actions au service de notre pays.

Christine Tasin et Pierre Cassen

 

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