7.4 - Jonction Les Glières - Rue d'Isly

VI - Les témoignages - Grande Poste les manifestants 

7 - LUXO - "Ils m’ont donné des ordres ..."
 

Ce lundi 26 mars entre 2 heures et demi et 3 heures de l’après-midi, voilà ce dont j’ai été témoin.Un cortège pacifique de manifestants comprenant des hommes et des femmes s’était engagé dans la rue d’Isly, en direction de la place Bugeaud, avec deux drapeaux tricolores en tête, tout cela dans le plus grand calme, sans proférer aucun cri.

Les manifestants étaient nombreux, plusieurs milliers s’étaient déjà engagés dans cette rue. A l’entrée de la rue d’Isly, près de la poste, se trouvait une section de soldats musulmans, à casque lourd, commandée par un jeune lieutenant blond, képi recouvert d’une housse sable, appartenant probablement à une compagnie saharienne. La section formait une sorte de barrage qui, cependant, laissait filtrer la foule. Les soldats semblaient agités et nerveux. Quelqu’un parlementa avec le lieutenant pour qu’il continue à laisser passer la foule.

Quelques minutes avant trois heures moins vingt, je me trouvais, à ce moment précis à 4 ou 5 mètres de la ligne des 25 ou 30 soldats qui barraient presque l’entrée de la rue d’Isly. Tout à coup un grand nombre de soldats déchargèrent leurs pistolets-mitrailleurs sur la foule pacifique des hommes et des femmes sans arme, dans leur dos, sans que j’aie entendu aucun avertissement, aucune sommation réglementaire, aucun cri, provenant de la foule ni des soldats, aucun ordre du jeune lieutenant qui les commandait. Je n’ai notamment pas entendu qu’il commanda l’ouverture du feu. Je me plaquai au sol et commençai à ramper rapidement vers le plus proche couloir, celui qui communiquait avec une pharmacie.

Une balle arracha le dessus de mon manteau, au sommet de ma manche gauche. J’entendais un roulement continu de coups de feu. J’entrai dans un couloir et me retrouvai avec le lieutenant et plusieurs soldats (8 à 10 au moins 1 sergent) qui tournaient en rond et qui étaient dans un grand état d’affolement. Un sergent criait « je n’ai jamais vu cela ». Je demandai tout de suite au lieutenant de commander l’arrêt du feu. Il me dit : « on m’avait donné des ordres » et cherchait à établir le contact avec le PC, avec son petit poste portatif. Il répéta à plusieurs reprises « ce n’est pas de ma faute, ils m’ont donné des ordres, je devais faire mon métier ». Je lui dis « c’est de la folie, il faut arrêter cela » et avec lui nous criâmes de toutes nos forces « HALTE AU FEU » « AU NOM DE LA FRANCE ARRÊTEZ LE FEU » et cela à de nombreuses reprises, ce fut assez long. Le reporter de la radio enregistrait les bruits et nos paroles. Finalement les coups s’arrêtèrent et on entendit seulement quelques coups isolés.

Quand le tir s’arrêta, nous sortîmes avec le préparateur de la pharmacie. Il y avait sur la chaussée à 4 ou 5 mètres de nous un homme qui avait la tête éclatée, en face de l’autre côté de la rue une grappe d’hommes et de femmes qui semblaient ne plus bouger, ils étaient peut-être 6 ou 8. Plusieurs hommes s’étaient allongés sur le dos dans le caniveau, d’autres étaient tombés les uns sur les autres et formaient des sortes de tas de 3 ou 5 qui ne bougeaient plus. Les premiers secours : quelques voitures militaires commençaient à arriver et à emporter morts et blessés. Un ou deux soldats ou peut-être un sergent aidaient à les transporter.

M. LUXO
Directeur à ÉLECTRICITÉ et GAZ d’Algérie

Entretien téléphonique avec Monsieur LUXO
Paris décembre 2007 :

-"Les armes étaient des AA52 et P.M.
-Le journaliste s’appelait MARTIN. Il était journaliste à RTL.
-"Mon chauffeur se trouvait devant chez Le Derby."

Le point rouge indique la position exacte de Mr LUXO au moment du déclenchement du tir.
Les croix rouges indiquent les positions de Mr LUXO dans la Pharmacie et de son chauffeur devant le Café Le Derby.
Le point bleu indique la position du Lieutenant OUCHENE au moment du tir puis la croix bleu, l'entrée de l'immeuble où il s'est réfugié

03

Le Lieutenant Ouchène s'est réfugié au 57 de la rue d'ISLY, (croix bleue ci-dessus)

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Sous la porte cochère où s'est réfugié le lieutenant Ouchène
Source Francine Dessaigne Un crime sans assassin

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