5.26 - MESQUIDA Jeannine née GAUTRIAU 41 ans

VI - Les témoignages - Grande Poste Les familles, les amis, les journaux

3 - Témoignage de sa troisième fille, Françoise Mesquida  - 83220 Le Pradet.

« ... - Soudain, je vis papa, entouré d’une foule de gens et soutenu par deux hommes. Ils allaient tous franchir l’entrée. Je criai :"Papa est blessé ! Papa est blessé !". Nicole eut juste le temps de se hisser sur la pointe des pieds pour apercevoir papa. "Va chercher les autres, dis-je", en parlant des aînées et en me précipitant à sa suite sur le palier. Justement elles arrivaient en courant. Dans les escaliers, on entendait maintenant les pleurs douloureux de papa et les voix des gens qui tentaient de le calmer. Et puis, on le vit, lui papa, complètement effondré hurlant tel un animal blessé, avec cette foule tout autour de lui. Tout le monde entra dans la cuisine. On assit papa sur une chaise. Les gens pleuraient et nous aussi maintenant. "Papa, tu es blessé ?" Papa ne répondit pas. Ses sanglots, ses hurlements de douleur lui bloquaient sans doute la parole.

"Et maman, où est maman" ? demande-t-on, soudain. Personne ne répond. Papa redouble de sanglots. Et je lis dans tous ces yeux posés sir nous une immense pitié, une compassion terrible, effroyable. Une impuissance éternelle. Pourquoi ces regards ? Et pourquoi le tien Papa ? Maman est blessée. Tu n’oses pas nous le dire ? "Où est Maman, Papa ? Où est Maman ? hurle-t-on de pressentiment, de désespoir. L’attente de savoir est atroce, mais plus effroyable ce silence. "Elle est blessée", nous dit-il, d’une voix étouffée par les sanglots. "On veut la voir !" hurle-t-on, prêtes à tirer papa de sa chaise. Mais Papa ne bouge pas. Juste il nous regarde, hébété. Et je lis avec effroi, dans ses yeux injectés de sang, accablement, désespoir. Et soudain je crois entendre :"Dites-leur ! Il faut leur dire !" Leur dire quoi ? Mais de quoi parlent-ils tous ? Non pitié, ne dites rien ! Je ne veux plus rien savoir !

Et l’atroce vérité est sortie des profondeurs de sa douleur, presque brutalement : "Ils l’ont tuée, a dit papa. Ils ont tué votre maman". Je me bouche les oreilles. Trop tard. Le pire vient d’entrer en coup de poignard. Nous hurlons, hurlons d’effroi et de douleur. Comme des bêtes ... Les gens nous attrapent, nous serrent tout contre eux, pour tenter de nous calmer. Je me débats. Je manque d’air. Je suffoque. "Maman ! rendez-moi ma maman !". La douleur est toute puissante, insupportable. Je me précipite contre papa, je m’accroche à lui. Comment échapper à l’horreur ? Se réveiller du cauchemar ? Mes sœurs se sont enfuies sur le palier et leurs cris frappent dans ma tête, me broient le cœur : "Maman ! Maman !" intensifiant ma douleur. Oh mon Dieu, faites que ce ne soit pas vrai !. Demain je me réveillerai et tout ira bien. Je vous en supplie, mon Dieu, faites ! Papa me serre fort dans ses bras, comme jamais. Les sanglots secouent son corps. Joue contre joue, nos larmes se mêlent. Lui, si fort d’habitude, est tout effondré, vulnérable, hurlant comme un petit privé de sa mère. Notre mère à tous.

C’était insupportable. Insupportable ma douleur et celle des miens. Insupportable le pire, l’irréversible .... »

Françoise Mesquida  a témoigné de cette tragédie en publiant deux livres : "A la porte de l’Oued" et "Chroniques d’une jeune fille dérangée" Editions L’Harmattan.

Elle, aussi, a souffert de dépression.

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Françoise Mesquida Marseille 2006
A côté d'elle Chloé Langrenay la petite-fille de Philippe Gautier

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