5.19 - HUGUES Pauline née BERTHON 66 ans

VI - Les témoignages - Grande Poste Les familles, les amis, les journaux

2 - Témoignage de Ladame LAUMONIER
Trois jours plus tard les funérailles

Jeudi 29 mars 1962, j’assistais aux obsèques de Madame Hugues, Chevalier de la Légion d’honneur, tuée au cours de la fusillade du lundi.

Rendez-vous fixé à 8 heures 30 à l’hôpital Mustapha. A 8 heures , j’apprends qu’il faut se rendre directement à El Alia où le gardien nous fait savoir que les corps des victimes ne sont pas encore là mais, nous dirigeant vers le monument aux morts du cimetière, nous découvrons les cercueils dans un petit réduit où nuitamment, en camions bâchés, ils ont été transportés là.

Six cercueils à même le sol, chacun dans un coin, celui que nous cherchons face à l’entrée. Les gens écartent les gerbes, essayant de déchiffrer les noms. Pas une chaise pour les familles. Pas un cierge.

Le dernier cercueil est en bois blanc, hâtivement fait. Dehors aucune autorité, pas traces de pompes funèbres. Un prêtre s’avance et dit : "Le service religieux aura lieu devant le monument aux morts. Le prêtre qui officiait et trois autres auprès de lui donnent à l’enterrement un air de dignité cependant qu’un hélicoptère tournoie sans arrêt au-dessus de nous.

A la fin de la cérémonie, un camion militaire passe auprès des cercueils avec des soldats en armes, mi- européens, mi- musulmans, sans esquisser le moindre geste de respect, ils passent restant assis sur leurs bancs. Un sentiment de gêne parcourt l’assistance. Sur le camion vide, en partant, nous voyons ce papillon fixé par une main anonyme :
NOUS ENTERRONS NOS MORTS ASSASSINES PAR L’ARMÉE FRANÇAISE ? AYEZ LA PUDEUR DE NE PAS VOUS MONTRER.

Attente de plus d’une demi-heure du conservateur. Certaines familles sont obligées d’aller chercher le permis d’inhumer.

Dans les fosses hâtivement creusées, quelques incidents, fosse trop étroite, on risque de se tromper de trou. Pas de condoléances. Chacun repart.

Si les prêtres n’avaient essayé de donner un peu de grandeur à ces enterrements, ces six victimes auraient été enterrées comme des chiens.

Madame B. Laumonier
Le Livre Blanc - Francine Dessaigne.

POSITION DE L’ARMÉE AU MOMENT DU DÉCLENCHEMENT DU TIR


05

06

Retour Sommaire

Informations supplémentaires