5.3 - Marguerite GRIFFE pour BERNARD Henri 76 ans

VI - Les témoignages - Grande Poste Les familles, les amis, les journaux

Témoignage de Marguerite GRIFFE sa fille née BERNARD

En février 1962, mon mari, monsieur GRIFFE, adjudant dans l’armée de Terre, est muté en France, à Hyères. Nous quittons donc l’Algérie pour la France, avec notre petit garçon de 3 ans. Le 26 mars 62, nous recevons un télégramme d’Alger, signé d’une de mes sœurs qui nous annonce que papa, âgé de 74 ans, vient d’être abattu, rue d’Isly. Mon mari demande aussitôt une permission spéciale, et le lendemain nous nous envolons de Toulouse pour Alger, afin de participer aux obsèques.

Mes parents demeuraient au 91 de la rue de Constantine, à Hussein dey, le quartier de mon enfance. Mon père était officier retraité, Chevalier de la Légion d'honneur et Croix de guerre 14 - 18 et 39 - 45.

Nous attendent ma mère, mes trois sœurs et mes deux frères. Tous sont terriblement choqués. Ils ne comprennent pas ce qui est arrivé, hier sur le plateau des Glières. Ils me racontent, entre deux sanglots, que l’armée française, munie de PM38, a tiré, sans sommation et sans relâche, pendant douze minutes, sur des innocents qui s’acheminaient vers Bab-el-Oued, quartier d’Alger encerclé par l’armée et privé de vivres depuis trois jours.

Papa, lui, se rendait à la grande Poste d’Alger pour verser de l’argent sur le livret de mon frère. C’est sûrement en quittant la poste et au moment où il se dirigeait vers le tramway pour rentrer chez nous à Hussein Dey, que papa a été tué. Il a reçu une balle en plein cœur. A la maison, tous les miens savaient ce qu’il s’était passé à la Grande Poste d’Alger. Un communiqué spécial l’avait annoncé à la radio. Aussi, ne voyant pas papa rentrer, ma mère, terriblement inquiète, a envoyé mes sœurs à sa recherche. Papa n’était dans aucun hôpital. Et, le lendemain, jour de mon arrivée, lorsque nous nous sommes tous rendus en dernier lieu à la morgue de Mustapha afin d’embrasser mon père une dernière fois, nous avons eu un choc : la morgue avait été vidée de ses cadavres en pleine nuit par l’armée française. Papa, comme beaucoup d’autres victimes, avait été enterré clandestinement. Nous avons dû rentrer en France, mon mari et moi. Eprouvée par ce terrible malheur, je suis repartie, la mort dans l’âme. Sans même avoir pu embrasser mon père, une dernière fois.

Marguerite GRIFFE 19 rue de Brantome 33 700 Mérignac Fille de Henri BERNARD.

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Bernard Henri

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Marguerite Griffe fille de Bernard Henri

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Ils s'écrasent devant les portes fermées des Chèques Postaux

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Deux zones de tirs dont une à la frontière du sous secteur Orléans. La seconde zone de tirs ferme la nasse. Tous ceux bloqués devant le CCP, le boulevard Bugeaud, le Crédit foncier et le barrage avec obstacle rue d'Isly ne peuvent échapper aux tirs.

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