4.4 - Témoignages des Algériens

XII - 50 ans après - Témoignages

5 - Alger, une capitale qui tombe en ruine par Samira Hadj Amar

13:37  jeudi 14 juillet 2016

D’Hussein Dey à Bab El Oued en passant par Belcourt, ce sont les mêmes scènes d’abandon et de désolation qui s’offrent à nous. Des immeubles datant du 17e et 19e siècles sont en train de tomber les uns après les autres.

 

001

(© S. Hadj Ammar - TSA Algérie)


Alger est à bout de souffle. Asphyxiée par la surpopulation, ensevelie sous les ordures, ravagée par l’usure et/ou l’incivisme. La plus grande capitale du continent africain est au bord de l’implosion.

002

© TSA Algérie


Des quartiers historiques qui disparaissent !


D’Hussein Dey à Bab El Oued en passant par Belcourt, ce sont les mêmes scènes d’abandon et de désolation qui s’offrent à nous. Des immeubles datant des 17 e et 19 e siècles sont en train de tomber les uns après les autres. Dans la rue du moudjahid Rahim Kaddour, à Hussein Dey, un centre culturel paraît à l’abandon. À l’intérieur, des enfants jouent. Une femme, accompagnée d’un petit garçon, l’emprunte comme raccourcis pour traverser le quartier. Des briques et des détritus jonchent le sol. Impossible de savoir si le centre a été laissé à l’abandon ou s’il fait l’objet d’une rénovation dont les travaux n’avancent pas. Les habitants rencontrés sur place ne le savent pas.

 

003

© TSA Algérie


En face du centre, une vieille manufacture n’a pas été épargnée par le temps. Les carreaux sont cassés, la peinture écaillée… Un peu plus bas, face au siège de la gendarmerie, un immeuble défiguré complète ce paysage de désolation.


À Alger-Centre, la situation est encore plus grave. Le vieux Belcourt semble prêt à s’effondrer d’une seconde à l’autre, à la moindre secousse importante. Aucune bâtisse n’est à l’abri. Aucun immeuble ne semble solide. Si ce n’est la façade, ce sont les fondations qui menacent de tomber. C’est un panorama de désolation qui s’offre au visiteur du quartier qui a abrité Cervantès le captif, ou vu naître le guerrier Mohamed Belouizdad, l’actrice Biyouna, le chanteur Hachemi Guerouabi, l’écrivain Albert Camus, le footballeur Mustapha Dahleb…


Sur le grand boulevard Belouizdad, deux stations d’essences sont fermées. La première, est à l’abandon. Des travaux pour une nouvelle activité sont en cours pour la seconde. Dans l’une des ruelles, des enfants jouent avec des pneus de voiture. Ils s’amusent sous un bâtiment ou des barricades de police ont été installées pour alerter les passants d’un potentiel éboulement de balcons.

004

© TSA Algérie


Une ville, chantier


En passant par le port d’Alger, il est impossible de ne pas s’interroger sur le spectacle affligeant offert aux visiteurs qui débarquent des bateaux. Les autorités ne semblent avoir fait aucun effort pour les accueillir et préparer la saison estivale 2016 : presque tous les trottoirs situés en face du port ou qui longent en contrebas la Wilaya et l’Assemblée populaire nationale (APN) sont fracassés.


Comme il est inutile de s’attarder sur la Grande Poste. L’édifice ressemble actuellement à une grande maison hantée. Depuis sa fermeture, il est laissé à l’abandon. Situé dans l’un des quartiers les plus fréquentés de la capitale, nul n’a vu l’urgence d’offrir une meilleure image au moins aux visiteurs étrangers.


Djamaâ el Kebir, un lieu de culte que nos gouvernants fréquentent assidûment pour les grandes célébrations religieuses, a également besoin d’être rénové. En effet, une épaisse couche de poussière de couleur marron l’enveloppe depuis un moment. Juste à côté, l’horloge qui culmine au sommet de la somptueuse Chambre de commerce, a subi un dégât, visible à des kilomètres.


Bab El Oued : les séquelles du séisme de 2003


Boulevard Abderrahmane Mira, sur le front de mer. Une maison résiste encore au milieu de gravats et d’un parking improvisé. Elle appartient à une famille connue dans tout Bab El Oued. Tout ce qui entourait cette maison s’est altéré progressivement à partir du séisme de 2003.


Depuis, c’est un trou béant dans le paysage urbain qui a pris place. « Avant, il y avait des magasins : une droguerie, un accessoire auto et un salon de coiffure », confie un habitant qui précise que le salon de coiffure avait plus de 130 ans. « Il y a deux ans, lors du dernier séisme, tout est tombé. Les gens de la mairie ont mis des croix rouges sur tout. Puis, les locataires des anciennes habitations ont été relogés à Ain Benian. Mais les propriétaires des locaux commerciaux n’ont jamais été dédommagés », ajoute-t-il.

 

005

© TSA Algérie


Bab El Oued, cœur battant de la capitale algéroise. Ce quartier historique très animé a servi de décor pour des scènes au cinéma. Il a aussi été le produit de nombreuses inspirations dans les récits d’auteurs d’ici et d’ailleurs. Pourtant, ses habitants ont de plus en plus envie de le quitter. « Je ne supporte plus de vivre ici. C’est devenu n’importe quoi. La saleté est partout. La violence a redoublé », confie Mohamed.


Cet habitant semble désespéré. Il n’admet plus de voir le marché de la rue ex-Moulin, actuellement Ahmed Bouder, se déployer avec autant d’aisance sans que les services de la mairie ne se coordonnent avec les forces de l’ordre pour justement rétablir l’ordre dans le quartier. « Entre les bâtiments éventrés, le laisser-aller des habitants qui jettent souvent leur détritus par la fenêtre, la coulée d’égout jamais réparé… Bab El Oued est plus que jamais livré à lui-même ».

 

Informations supplémentaires