4.6 - Algérie 1962 - Journal de l'Apocalypse de Nicole GUIRAUD

XI - Bibliothèque - Livres

"Algérie 1962 - Journal de l‘Apocalypse" de Nicole Guiraud - Préface de Boualem Sansal - Editions Atlantis 2013 -  Édition bilingue français-allemand

Dimanche 30 septembre 1956, 18 heures 30 : Nicole, une fillette de dix ans se trouve, comme chaque année à la fin des vacances d’été, avec son père dans le Milk Bar, au cœur d’Alger, pour y déguster une glace, lorsqu’une bombe explose, déposée par le FLN (Front de libération nationale). Quatre personnes sont tuées et cinquante-deux autres blessées. Nicole perd son bras gauche.

Après cinq années de terreur continuelle, la violence atteint un nouveau point culminant à la suite des accords d’Évian du 19 mars 1962. La population d’Alger se retrouve prise entre deux fronts : D’un côté les nationalistes algériens soutenus par les autorités françaises qui organisent la prise du pouvoir par le FLN à partir du 3 juillet 1962, jour de l’indépendance. De l’autre côté, des fractions de l’OAS (Organisation Armée secrète) se battent avec acharnement contre la perte de leur pays natal et contre l’exode qui menace leurs concitoyens, près d’un million de Français d’Algérie.

Dans son journal, la jeune Nicole, âgée de quinze ans, note jour après jour les violences d’une guerre civile qui prend de plus en plus les traits d’une apocalypse : une bande de jeunes musulmans tirant au hasard sur la foule, un commerçant arabe abattu sous ses yeux, les magasins et les écoles fermant les uns après les autres, les tas d’ordures brûlant au coin des rues, les cadavres sur les trottoirs, les descentes de police dans les appartements, les barrages militaires, le grondement des hélicoptères et des automitrailleuses, les rafales de mitraillettes, les explosions de bombes, et surtout la peur constante d’être enlevé par le FLN. De plus en plus de personnes fuient cet enfer vers la métropole.

Pour se protéger, la famille se retranche dans l’appartement. C’est là que derrière les volets clos resurgissent les souvenirs d’enfance de Nicole, dans ce paradis des Vergers du Sahel algérois où ses ancêtres s’étaient établis depuis cinq générations et où elle-même avait vu le jour en 1946. Ou bien encore, elle revoit les temps heureux des retrouvailles avec ses amis, sur la plage du Rocher Noir.

La fin cruelle arrive : le 19 juin 1962, Nicole quitte pour toujours son pays natal.

Depuis 1972, elle vit et travaille comme artiste plasticienne à Montpellier et Francfort sur le Main. Dans son œuvre artistique, elle associe le souvenir d’un bonheur enivrant et d’une souffrance terrible, vécus dans sa patrie algérienne à la culture jadis si diversifiée. Quelques-unes de ses œuvres sont représentées dans ce journal.

 

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Boualem Sansal vit aujourd’hui à Boumerdès, l’ancien Rocher Noir. Dans sa préface, il déplore que les conflits qui ont traversé l’Algérie n’aient jamais pris en compte les hommes et que ceux-ci n’ont jamais été considérés que comme « la variable d’ajustement dans les équations géostratégiques des gouvernements » :

[....]  Trahis et abandonnés, les Pieds-Noirs l’ont été abondamment et aujourd’hui encore on marche sur leur mémoire, on crache sur leur histoire, on efface leurs tombes. C’est aussi un cas de génocide, si on y regarde. On pourrait demander : Que sont-ils devenus, ces gens ? et les Harkis, aussi ? Ils étaient nos voisins, nos collègues, nos amis, nous avons le droit de savoir. […].

Trahis et abandonnés, les Algériens l’ont été aussi amplement, jadis ils furent livrés à la frange la plus radicale du FLN et du MNA et aujourd’hui on les abandonne aux islamistes, à l’émigration clandestine, à la misère. Eux rêvaient d’indépendance et davantage de liberté, pas d’un enrôlement à vie.

Et ainsi on a réussi à diviser les habitants de ce pays, en Pieds-Noirs, en Français de souche, en arabes, en musulmans. [...]

Nous devons tout refaire, réécrire l’histoire avec des mots simples et des phrases empreintes de pudeur, et la raconter à tout le monde, encore et encore, sans se lasser, sans se laisser intimider. A la longue, la goutte d’eau peut percer le blindage le plus épais.

Boualem Sansal
Boumerdès - Rocher Noir
1er décembre 2012

C’est pour cette raison que le journal de Nicole Guiraud est aux yeux de Boualem Sansal non seulement le témoignage authentique d’une vie brisée, mais aussi un contrepoids à l’Histoire officielle "politiquement correcte", un pas de plus vers la réconciliation et un nouveau départ dans les relations entre la France et l’Algérie :

 

 

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Boualem SANSAL

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