3.6 - Jean-Pierre LLEDO : ses films, ses documentaires, ses livres, ses DVD

2 - Ses films : 4 longs métrages et des courts métrages

- Scénarios de l’auteur
4 longs métrages- documentaires

 

- 1998 -  Lisette Vincent une femme algérienne

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Fille et petite fille de colon née en 1908 en Algérie, cette ancienne institutrice pionnières des méthodes de l’Éducation Nouvelle, compagne de route de Freinet, fut volontaire antifasciste pendant la guerre d’Espagne, condamnée à mort sous Vichy en 1942, avant de s’engager pour l’indépendance de l’Algérie.

Le portrait de Jean-Pierre Lledo s’est attaché au parcours de cette femme qui se considérait en exil en France où elle est arrivée en 1972. Lisette Vincent s’est éteinte le 13 juillet 1999 en France, dans la Drôme. (photo D. R.)

"Quand je rencontre pour la première fois celle qui a fait partie de l'Olympe de mon enfance, une chose me frappe d'emblée : cette vieille dame qui chaque matin se récite plusieurs poèmes en diverses langues après sa séance de yoga, est toujours en lutte. Contre qui désormais,sinon elle-même ...? Singulier combat où vaincre supposait sa propre défaite.
Mais peut-on filmer un héros, sans évoquer ce dont tôt ou tard il doit s'acquitter"


Il réalise la TRILOGIE DE L'EXIL

« En revenant sur les souffrances, les rapprochements, les connivences et les brassages, j’ai conçu ces film comme une adresse aux jeunes générations de tous les pays du monde, et particulièrement à tous ceux qui dans le monde sont les héritiers d’histoires officielles, tronquées ou sa falsifiées, et qui confrontés aux mêmes traumatismes, questions, silences, ont le même besoin vital de vérité »  Jean-Pierre Lledo

1 - 2003 - Un rêve algérien

L'auteur, exilé en France depuis 1993, demande à Henri Alleg, de retourner dans le pays pour la liberté duquel il fut prêt à sacrifier sa vie en 1957. Si pour le monde entier, Henri Alleg c'"est "La Question", publié en 1958, première dénonciation de la torture par quelqu'un qui l'a subi, et pour les Algériens, le directeur du seul quotidien anti-colonial "Alger-Républicain", pour l'auteur, il est surtout la preuve que face aux clivages ethniques de la colonisation française et du nationalisme algérien, une autre Algérie était possible où juifs, pieds-noirs et arabo-berbères auraient pu vivre ensemble. Rêve qui aujourd'hui semble avoir disparu et même n'avoir jamais existé ...

Devenu indépendante, pourquoi l'Algérie n'a-t-elle pu être aussi fraternelle ?

2 - 2004 - Algéries,  mes fantômes

Un cinéaste algérien en exil, d'origine judéo-espagnole, entame un long voyage filmé pour affronter les fantômes qui le guettent depuis son arrivée en France. Voyage identitaire et retour sur une histoire algéro-française taboue de ces 50  dernières années, au bout desquelles se recompose peu à peu, de villes en villes, avec des personnages rencontrées par hasard, le puzzle d'une Algérie aux multiples visages qui n'a jamais été, mais qui sera peut-être ...

 

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"Algéries, mes fantômes" de Pascal Hilout

La projection du film « Algéries, mes fantômes » de l’Algérien Jean-Pierre Lledo, à La Friche la Belle de Mai (Marseille), m’a permis de découvrir un aspect de la production cinématographique que le terrorisme intégriste, au lieu de la faire taire, n’a pu que mieux la stimuler.

Jean-Pierre Lledo et bien d’autres artistes créateurs algériens se sont vus contraints de choisir l’exil plutôt que le cercueil. C’est donc quarante ans après l’exode de sa propre famille, suite à l’indépendance de son pays, que notre cinéaste se retrouve en France. Et c’est là qu’il est amené à regarder, les yeux dans les yeux, non seulement les tabous que l’Algérie lui avait légués, mais aussi les fantômes d’une Histoire taboue, « les événements » comme on disait en France.

Le film documentaire est absolument magnifique et on ne peut que s’étonner qu’il n’ait jamais été montré à la télévision française. C’est une œuvre salutaire comme seul l’art a la manière de nous en offrir pour nous délivrer de nos cauchemars. Les acteurs, des gens ordinaires tout à fait hors du commun, ont tous en partage une parcelle d’Algérie dans les veines et dans le cœur alors qu’ils doivent vivre en France.

Qu’ils soient des proches de la famille Lledo, partis d’Algérie dès 1962 et que notre cinéaste retrouve pour la première fois, certains avec leur douce musique arabo-andalouse en arrière plan, que ce soit un couple de résistants où la femme porte visiblement la culotte tout en se plaignant du machisme de là-bas et qui dit : « avec les Arabes, les Gitans, et les Espagnols, on partageait tout, même les poux ! », que ce soit un parachutiste qui n’arrive pas à nommer la torture tout en exprimant une souffrance intérieure drôlement bien filmée de biais, que ce soient des enfants de harkis qui prennent en charge les souffrances de leurs parents pour expectorer le dégoût de cette guerre fratricide qu’ils ont toujours tu au fond des tripes, de quoi vous ulcérer la vie, qu’il soit journaliste ayant miraculeusement survécu aux multiples coups de feu des islamistes… tous ces acteurs de la vie, ou plutôt ses survivants, ont un talent fou pour dire les multiples déchirures de l’Algérie. Dans ce film, on en découvre bien d’autres personnages qui, dans le malheur et la douleur et grâce à leur capacité de dire non et d’y résister, vous réconcilient avec l’humanité.

Les histoires personnelles qu’ils nous racontent sont poignantes sans jamais tomber dans l’apitoiement, dans le ressentiment ou la facilité. Une certaine pudeur y est même perceptible et il y a aussi une drôlerie, sans forcer, qui nous fait toucher du doigt la tragi-comédie sanglante de l’Algérie.

On ne peut oublier cette réflexion exprimant le dépit amoureux d’un fils de partisans de l’indépendance qu’il adresse à lui-même. Après avoir enterré ses parents qui s’accrochaient bec et ongles à l’Algérie, il a dû quitter ce pays avec un certain retard en se disant : « tu voulais l’indépendance, tu te la farcis ! »

En tout cas, ce film mérite une large distribution aussi bien en France qu’en Algérie. Nous devons tout entreprendre pour le faire programmer par des chaînes comme Arte. Mais il peut tout autant servir de support à un débat sur d’autres chaînes nationales. Il nous permettra tous de sortir plus intelligents après sa leçon d’Histoire faites d’histoires d’êtres humains plus touchants les uns que les autres.

Ce film n’étant qu’un épisode d’une série de films de M. Jean-Pierre Lledo, ne manquez surtout pas l’occasion de voir son prochain long-métrage : « Algérie, histoires à ne pas dire », qui sortira en salles en France en Février 2008.

*Pascal Hilout, journaliste de « Riposte Laïque ».

La projo à Marseille eu lieu le 17 Nov 2007.

 

3 - 2007 - Algérie - Histoires à ne pas dire


En Algérie, ce film est censuré, car en grande partie contraire à l'histoire officielle imposée par le FLN.
En France, ce film est censuré par les chaînes privées et d'état, car en grande partie contraire à l’histoire officielle imposée par l’État français. Mais en contre partie ce film a eu une sortie cinéma et une presse particulièrement élogieuse

Synopsis paru dans Kef Israël
Quatre Algériens d'origine musulmane en quête d'une vérité sur leur propre vie, reviennent sur les dernières années de la guerre, de 1955 à 1962, qui sont aussi les dernières de la colonisation française. Philippeville, Alger, Constantine, Oran, ils nous font voyager entre haines et fraternités, dans une mémoire occultées et censurées ... Celle des rapports avec leurs voisins chrétiens et juifs - 

 

Dans ce documentaire de 2 heures 40 l'Algérien Jean-Pierre Lledo, d'origine à la fois juive, berbère et espagnole, a l'ambition de montrer ce qui reste de la cohabitation des communautés dans la mémoire des Algériens. Le film comprend quatre séquences qui sont emblématiques de l'histoire de la guerre d'Algérie :
- le massacre du 20 août 1955 à Philippeville, qui est le vrai début de la guerre;
- la bataille d'Alger, marquée par des attentats contre des civils innocents;
- l'assassinat le 22 juin 1961, du musicien arabo-andalou Raymond, qui entraîne l'exode de la population juive
- le massacre du 5 juillet 1962 à Oran suivi de l'exode des Européens. Ces derniers sont en effet les absents du film.

Le premier épisode met face à face un enseignant dont la famille a disparu dans la répression du 20 août, et les terroristes de l'A.L.N.  qui ont massacré les Européens de la mine d'El Halia. La bataille d'Alger est commentée par une animatrice de la radio au nom évocateur de Katiba, confrontée à la terroriste Louisa Ighilariz. L'histoire de Cheikh  Raymond est illustrée par des musiciens, en l'absence du personnage principal qui s'est retiré du film en raison des interdits ministériels. A Oran, le jeune metteur en scène, Kheïreddine s'efforce de faire parler des protagonistes du drame de 1962. Les dialogues sont accompagnés et soutenus par les chants sacrés de l'Andalousie, interprétés par la Kabyle Hayet Ayad.

Ce film est passionné et passionnant, il montre comment le fanatisme islamique peut transformer des hommes simples en racistes et en tueurs de femmes, d'enfants  et de religieux (comme à Tibhirine). A Lledo qui leur demande pourquoi ils tuaient des civils, ils répondent que le gaouri, c'est l'ennemi et que cette tuerie incitera les femmes européennes (c'est elles qui commandent !) à quitter l'Algérie. Quant à Ighilariz, elle met en avant la faiblesse des résistants par rapport à la logistique de l'armée coloniale (sic). Telle quelle est présentée par ces fanatiques, l'histoire de la révolution n'est pas exempte d'erreurs historiques. L'homme du peuple en revanche, se souvient des bonnes relations qui existaient entre Pieds-noirs et musulmans : "On était heureux, on avait tout ce qu'on voulait", dit l'un. Le jeune de la Casbah d'Alger se moque de la révolution, il demande à vivre en paix aujourd'hui. Les femmes d'Oran, qui se souviennent de "Besame mucho", ont pleuré en regardant leurs amis européens prendre le bateau. Le massacre du 5 juillet est pour les plus lucides, une atteinte à l'honneur. Ce jour-là Oran a perdu son âme !

Bien que financé à moitié par l'Algérie, le film est interdit dans ce pays, soi-disant pour des raisons de non-respect du contrat (qui prévoyait une durée de 53 minutes); en réalité, comme le dit le cinéaste Merbah, c'est parce qu'il ternit l'histoire de l'Algérie et de sa révolution. Quant à Lledo, il se demande si une Algérie multiethnique, libre et fraternelle, n'était pas possible.
Ce portrait de l'Absent, c'est bien une histoire à ne pas dire.

Maurice Faivre
"les informations de l'algérianiste" supplément du n°121 - mars 2008

 

Algérie histoires à ne pas dire - Le livre choc interdit en Algérie. Scénario-réactions-polémiques
Préface de Boualem Sansal. Ed. Atlantis 2011

Wolf Albes, maître-assistant à Wurzburg, ami de Francine Dessaigne, diffuse depuis 20 ans, avec une persévérante passion, les ouvrages des écrivains français d’Algérie. En coopération avec Jean-Pierre Lledo, il publie ici des commentaires sur le film qui relate l'échec d'une Algérie multi-ethnique.

Dans la préface, Boualem Sansal  fustige la ministre algérienne de l'inculture et de la folie furieuse, qui refuse de dire la vérité du film : il n'y avait pas de guerre ethnique pendant la colonisation. Elle incite donc les acteurs du film à refuser leur participation.

Les extraits du scénario soulignent les mémoires complémentaires des témoins, et les bonnes relations existant entre chrétiens, musulmans et juifs avant 1954 - l'ordre de tuer les "gours" (non-musulmans) donné par les terroristes de Philippeville et Alger - la répression aveugle du 23 mai 1955 - l'épuration ethnique des Oranais le 5 juillet 1962 - la manipulation del(histoire par les héritiers du FLN. Une rescapée d'El Halia fait un horrible récit du massacre de 13 membres de sa famille (une "fête avec viande" annoncée la veille par un employé de la mine ...).

Alors que la presse française réprouve en général la barbarie sacrificielle et la justification du terrorisme, les journaux algériens occultent la responsabilité de la révolution. Ils condamnent le fascisme de l'OAS mais ignorent le totalitarisme du FLN. Intéressant est le jugement de Lledo sur l'OAS : Et si j'estime que l'OAS choisit la pire des stratégies, la plus suicidaire, il me faut désormais admettre que cette réaction avait été, pour l'essentiel, celle de victimes et de desperados. Violence certes vouée à l'échec, alors que le gouvernement français, une fois ses intérêts pétroliers préservés, avait accepté la condition du FLN à être l'unique représentant lors des négociations qui durèrent près de trois ans, n'hésitant même pas à laisser en pâture une population tant pied-noir  et juive que musulmane (les Harki). Ce désespoir n'empêche pas les lettres des rapatriés d'exprimer une certaine tendresse pour l’Algérie.

Jean-Pierre Lledo partisan de l'indépendance qui a dû fuir le fascisme islamique, réédition en 1990 de celui de 1955, raconte comment son film a été interdit pour cause d'apologie du colonialisme. Ses arguments de bon sens ont peu de chances d'être compris par les djihadistes, qui paraissent invulnérables. Il a réussi, et c'est l’essentiel, à libérer la mémoire de ses témoins, et à se moquer des réactions à géométrie variable de l'historien qui monopolise en France l'histoire de la guerre d'Algérie.

Les fils paient pour leurs pères, les innocents pour les coupables, les peuples pour les princes. Cet aphorisme de Jean-Pierre Millecam résume le sentiment des victimes de la purification ethnique.

Général Maurice Faivre le 20 avril 2011

 

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