3.2 - Quelques recensions sur le documentaire "Alger 26 mars 1962" de Christophe Weber

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3 - Jean-Pierre PISTER - Professeur agrégé d’Histoire en khâgne au lycée Poincaré de Nancy.

J’ai regardé cette émission à trois reprises avec, je l’espère, la plus grande attention. Le film semble un peu moins manichéen que certaines réalisations précédentes, en dépit de lieux communs, au début, sur l’OAS "responsable de milliers de morts en quelques mois" ; cette rhétorique commode et mensongère permet de faire l’impasse, à bon compte, sur les exactions du FLN.

Le témoignage des trois dames, victimes ou très proches des victimes, est particulièrement émouvant et arracherait des larmes aux personnes les moins sensibles. La responsabilité d’Ailleret et la décision insensée de placer le 4ème RT en plein centre d’Alger sont correctement expliquées.

Il est plus difficile de formuler une opinion sur les propos des anciens membres de ce régiment quand on n’a pas été le témoin direct de ce drame. Mais en invoquant la présence de tirs de provocation qu’il n’a pas vu lui-même, le colonel Richarte ne contribue pas à la crédibilité du document, c’est le moins que l’on puisse dire ! Je ne me sens pas qualifié pour commenter les paroles de Jean-Jacques Susini et de Jean-Claude Perez, même si leur sincérité semble ici plausible. L’intervention de Fouchet est grotesque et conforme à ce que l’on sait du personnage, totalement décalée par rapport à la tragédie.

Je retiens l’expression d’instrumentalisation employée, à la fin, par le réalisateur. Cela signifie qu’il existe une responsabilité en haut lieu, à un échelon bien plus élevé que le simple commandement militaire. Ce film ouvre donc une piste et c’est peut-être là son principal - son seul ? - intérêt. Car il faudra bien qu’un jour on dise UBI ET ORBI qu’il s’agit là d’un crime d’État mettant en cause les politiques au plus haut niveau. J’en veux pour preuve la confirmation par certains témoins de la présence de membres de l’ALN déguisés en militaires français au nom des accords d’Évian.

Ainsi, la comparaison avec les fusillades consécutives à la Commune de Paris en 1871, prend toute sa valeur. Certes, le contexte historique est différent. Il faut, d’abord, se garder d’avoir un regard angélique sur la Commune qui a quand même fait fusiller un certain nombre d’otages, dont l’archevêque de Paris. Mais le bilan de la répression qui a suivi est effroyable : plusieurs milliers d’ouvriers massacrés par les Versaillais. Jordi et Weber ont raison de souligner que le 26 mars 1962, l’armée française a, pour la première fois depuis 1871, tiré sur des Français manifestants pacifiquement leur attachement à la France. Mais, différence fondamentale, les Thiers, Mac Mahon et autres Gailliffet ont assumé et toujours revendiqué leur action répressive, à la différence des responsables de 1962 qui n’ont cessé de dissimuler et de mentir (à l’exception d’un aveu tardif de Fouchet à Jean Mauriac ... révélé en 2006 !).

Terminons par une note d’espoir. En son temps “Monsieur Thiers”, historien de talent et politique retors, a joui d’un prestige considérable : membre de l’ Académie française, cité par Tolstoï dans son Guerre et Paix, « Libérateur du Territoire », il a donné son nom à un grand nombre d’avenues et de places, un peu partout en France. Or, depuis une trentaine d’années, on ne veut se souvenir que du «Fusilleur de la Commune » et, à Nancy, o,n a déboulonné sa statue. C’est là, une loi inexorable de l’Histoire. Il est permis que celle-ci s’applique un jour à De Gaulle.

 

Pister

 

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