4.8 - Sans valise ni cercueil, les Pieds-Noirs restés en Algérie par Danielle Pister Lopez

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Reçu ce jour 26 mai 2008

J’ai lu dans le Monde diplomatique de ce mois de mai, l’article intitulé : Sans valise ni cercueil, les Pieds-Noirs restés en Algérie. C’est assez exemplaire du style de ces faiseurs d’opinion, sûrs d’eux et dominateurs.

Il est difficile de dire que tel ou tel fait est totalement faux. Mais il y a tant d’ellipses, d’euphémismes quand il s’agit du FLN et tant d’affirmations péremptoires quand il est question des Européens, que la réalité de ce que nous avons vécue, est totalement faussée. Encore une fois, la faute nous incombe totalement : en bref, nous étions tous racistes et nous avons tous eu peur de notre ombre en nous sauvant comme des lapins; pire, de sombres abrutis pour n’avoir pas compris que, dès le 5 juillet, les Algériens avaient tourné la page de la guerre. Bien sûr, les quelques « bavures » sont dues aux excès de l’OAS.

Par exemple la manifestation du 26 mars est composée uniquement de partisans de l’OAS. Sous-entendu, la fusillade, ils l’ont bien cherchée. Si tout cela entrait dans un débat où chaque partie pouvait prendre la parole et se faire entendre, passe. Mais tout cela devient vérité incontestée. Et surtout, nous restons inaudibles : seul M. Harbi est respectable et Stora est son prophète.

J’en viens à me demander (mais c’est sans doute du pur délire), si le silence assourdissant concernant le 13 mai 1958 (pourtant un cinquantenaire, cela se célèbre généralement), alors qu’on ne peut allumer une radio, une télé ou ouvrir un journal sans que la rumeur de mai 68 ne nous enveloppe, n’est pas, en partie, concerté contre nous.

Bien sûr, les Gaullistes ne veulent sans doute pas que l’on cherche trop à éclaircir les circonstances exactes dans lesquelles De Gaulle est revenu au pouvoir, cela ressemblerait peut-être trop à une sorte de putsch. Il ne faut pas toucher à l’image du commandeur si respectueux des lois républicaines, celles-là mêmes qui ont fait qu’on ne nous a pas demandé notre avis pour savoir si nous voulions des accords d’Évian ou non, qui pourtant nous concernaient au premier chef. Mais il serait surtout intolérable de faire réentendre ces foules réclamant de rester françaises, de voir ces scènes de fraternisation, d’entendre De Gaulle crier « Vive l’Algérie française ! ». Il ne faudrait surtout pas que certains se posent des questions sur notre éventuelle situation de victimes du cynisme politique. Et puis cela ferait tant de peine au gouvernement Algérien. Pour reprendre le titre de Serge et Merry Bromberger, Les treize complots du 13 mai, paru chez Fayard en 1959, on vivrait en 2008, le 14ème complot, médiatique celui-ci, afin de tuer à jamais cette mémoire d’une Algérie française qui n’aurait jamais dû exister et pour que ses enfants expient, jusqu’à la mort du dernier, cette faute impardonnable, celle d’avoir existé. Comme autrefois, on rejetait hors de la famille le bâtard et sa mère coupable, tandis que le père pouvait continuer à se pavaner avec les honneurs dans la société hypocrite.

C’est du délire, je vous l’accorde : l’explication est que je n’arrive pas à admettre que le Pied-Noir ne puisse être un citoyen à part entière. Il n’a qu’un statut de dihmi dans la société qui l’a accueilli à contrecœur. Beau retour culturel : c’est l’ex-métropole qui applique les lois de l’ancien colonisé.

Le jour du 60ème anniversaire de la fondation d’Israël, j’ai entendu sur France-Inter, en guise de documentaire, l’interview d’un Palestinien qui disait sa douleur de voir d’autres personnes habiter sa maison depuis 60 ans. Je suis à même de le comprendre mais pourquoi les ondes françaises n’évoquent-elles jamais notre souffrance ? Sans compter qu’il y a, à l’heure actuelle, en Israël, plus d’ Arabes de nationalité israélienne, et même députés à la Knesset, qu’il n’y a de Pieds-Noirs en Algérie. Quant à l’Assemblée nationale algérienne, il y a longtemps qu’il n’y en n’a plus.

Danielle Pister-Lopez
Université Paul Verlaine-Metz
Directrice Département Lettres modernes

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