1.4 - Les rapts, les enlèvements : l'horreur ou l'histoire cachée des Disparus

VII - Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - Le 26 mars… Le 5 juillet… les massacres continuent

2 - Les disparus de la guerre d'Algérie par Jean Faure - l'algérianiste n°152 de décembre 2015

Extraits

Selon l’historien Jean Monneret, à propos de la censure d’État sur l’histoire de la guerre d’Algérie :

« Il est intéressant de comparer le texte original du professeur (il  s'agit du professeur Gu Pervillé S.G.) et la version censurée par le ministère de la Culture et de la Communication. La censure est officielle autant que la revue qui devait l’accueillir. Il est permis de penser que des gens placés plus haut que l’obscure Anastasie maniant les ciseaux, ont supervisé le tout. Également officiellement. Il est donc judicieux d’examiner l’original et la version rabougrie pour déterminer ce qui paraît impubliable aux yeux des hiérarques de la France officielle concernant la guerre d’Algérie, plus de 50 ans après la fin du conflit.

Guy Pervillé écrit ceci : « Absence d’autorité incontestée et compétition pour le pouvoir (au sein du FLN) déclenchèrent de nouvelle vague d’enlèvements et de violences meurtrières contre des Français d’Algérie (notamment des centaines d’enlèvements à Oran le 5 juillet 1962, et contre d’anciens harkis…) ».

Serait-ce là ce que la France officielle même pas que l’on dise, à savoir qu’une fois parvenue au pouvoir et même avant, le FLN a déclenché enlèvements et massacre ? Pourquoi ?

Crainte d’indisposer le gouvernement algérien ?

Crainte d’écorner l’image du général De Gaulle qui ne s’opposa nullement à tout cela ?

Crainte de reconnaître une responsabilité depuis longtemps établi par les historiens ?

Le professeur Pervillé poursuit : « Cependant le FLN profita des accords d’Évian pour reconstituer ses forces armées et pour étendre leur autorité sur une grande partie du pays et de sa population. L’armée française s’y opposa jusqu’au 8 mai, mais dut y renoncer. À partir du 17 avril 1962, le FLN déclencha une vague d’enlèvements contre la population française, supposée complice de l’OAS, dans les agglomérations d’Alger et d’Oran, mais aussi dans l’intérieur de ces régions… D’autre part, des enlèvements et des massacres avaient été commis après le 18 mars contre d’anciens harkis, en violation flagrante des clauses d’amnistie des accords d’Évian ; des tracts de l’ALN, saisis par l’armée française, faisaient craindre qu’une épuration systématique soit déclenchée après le référendum… »

Le professeur Pervillé a écrit encore ceci : « Une lutte pour le pouvoir se déclencha contre deux coalitions du FLN, l’une reconnaissant le GPRA, l’autre le bureau politique de Ben Bella soutenu par l’état-major général de l’ALN (Armée de Libération Nationale) du colonel Boumediene (destitué le 30 juin par le GPRA) ; ce qui entraîna… de nouvelle vague d’enlèvements et de violences meurtrières contre des français d’Algérie… ».

Un autre passage du professeur Pervillé : « Les enlèvements de Français diminuèrent après le 26 septembre 1962 qui vit l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement présidé par Ben Bella. Mais les massacres d’anciens harkis durèrent encore plusieurs mois et leur emprisonnement, sous prétexte d’assurer leur sécurité, encore 10 ans ».

Alors que les assassins du FLN violaient, éventraient, mutilaient, égorgeaient et faisaient de multiples sévices, l’État gaulliste se contentait de laisser le FLN agir comme il le voulait.

Après le cessez le feu reconnu, mais refusé par le FLN, les troupes françaises avaient ordre de ne pas intervenir. Rien qu’à Oran, le 5 juillet 1962, le général Katz, que certains appellent « le boucher d’Oran », avait reçu un ordre de l’Élysée de ne pas intervenir.

Au sujet des enlèvements d’Oran, un texte nous permet d’avoir certaines précisions :

….. « Si tous les témoignages confirment les insoutenables scènes de massacres l’ampleur est très difficile à estimer. Le désordre régnait alors. Depuis le cessez-le-feu, les habitants du bled avaient trouvé un refuge précaire en ville. Au port, sur l’hippodrome et l’aéroport, dans un invraisemblable chaos, s’entassaient des milliers d’européens espérant un départ. Côté algérien, on était en pleine lutte GPRA – ALN de l’extérieur. La volonté de silence des autorités tant algériennes que françaises, gêne toute vérification. Des centaines de plaintes furent déposées au consulat Oran, mais une plainte pouvait recouvrir plusieurs personnes d’une même famille, et la disparition de nombreux hommes isolés (leur famille étant déjà partie) n’a pas été signalée à Oran, mais en métropole. Les chiffres avancés de part et d’autre oublient le plus souvent des précisions importantes : parle-t-on des morts ? Des disparus ? Des morts et des disparus ? Parle-t-on bien des seules victimes européennes ? Ou des musulmans et des européens confondus ? Parle-t-on bien de la seule journée du 5 juillet, dans la seule ville d’Oran ? Il s’en suit une grande disparité dans les chiffres et des querelles même au sein de la communauté ».

Il en est résulté de nombreuses victimes européennes, assassinées par balle, au couteau, à la hache ou au rasoir. Leurs cadavres n’ont jamais été retrouvés et la France n’a jamais réclamé aux autorités algériennes les corps des Français assassinés.

…… Le nombre des disparus ne peut être obtenu qu’à partir d’estimations. Entre le début de la guerre d’Algérie -1er novembre 1954 – et le cessez-le-feu – 19 mars 1962 - : 370 Européens qui avaient disparus, n’ont jamais été retrouvés

Entre le - 20 mars 1962 – et jusqu’en avril 1963 : 3.490 personnes ont été enlevées, dont
- 940 sont présumées décédées
- 910 ont été libérées
- 640 ont été retrouvées vivantes

Comme le dit Jean Monneret, il est possible d’écrire qu’il s’agit d’une « épuration ethnique », dont personne ne parle.

…… Le nombre de harkis assassinés en Algérie après le 19 mars est estimé, selon les sources, entre 10.000 et 150.000 d’après Ahmed Kaberseli.
…… Pour nous, rien n’est plus agaçant que de voir Messmer, ex-Premier ministre de Pompidou et ancien ministre de la Défense pendant la guerre d’Algérie, nier ses responsabilités dans le massacre des harkis. Il prend le citoyen lambda pour un imbécile et il oublie qu’il existe de très nombreuses preuves de ses méfaits. Il avait été accusé en 1962, par des journalistes de « Nation française » et de « l’Esprit public », d’abandonner les harkis. Il leur a fait un procès pour atteinte au moral de l’armée. Procès qu’il a perdu, on le voit et on l’entend aujourd’hui pleurer sur ce drame. Pour nous, ce sont des larmes de crocodile.

Le Bachaga Boualam, qui a été abandonné par la France, à l’indépendance de l’Algérie, repose au cimetière du mas Thibert. Son fils, le Bachaga Saïd Aissa Boualam a écrit ce texte : … Ce Français hors du commun, qui a tout sacrifié pour que vive la France, s’est éteint dans l’indifférence médiatique générale, après 20 années d’oubli de la part de la « Patrie reconnaissante ». Dans un pays, où crachats sur le drapeau national et sifflets sur la « Marseillaise » sont devenus coutumiers, l’exemple de ce serviteur passionné devrait être montré en modèle aux citoyens français, jeunes et vieux. Peut-être alors, pourront-ils saisir le sens de l’expression : « Français non par le sang reçu mais par le sang versé ». Peut-être aussi que ceux qui considèrent la nationalité comme un droit exempt de devoirs, pourront entrevoir les notions d’honneur et de loyauté.

Les Conventions internationales de Genève, signées par la France, auraient dû être imposées à l’État algérien, et respectées par cet état. Mais la faute impardonnable revient à la France gaulliste qui fut à l’origine de cette conspiration du silence qui a couvert cet ignoble génocide, et obligé le peuple français de métropole à ne pas répondre aux appels de détresse qui provenaient d’Algérie.

…… Jean-Yves Jaffres, après avoir mené une enquête sur le terrible sujet des militaires disparus en Algérie, arrive à ces conclusions : « Leur nombre constitue une énigme » car l’Etat français ne s’est jamais intéressé à ce sujet. Jean-Yves Jaffres a lui-même été un disparu, qui a pu revenir en s’échappant à ses tortionnaires. Il a écrit un livre intitulé « Prisonniers du FLN » dans lequel il a cité de nombreux témoignages.

……Les difficultés rencontrées dans cette recherche sont de divers ordres : d’abord l’écriture des noms, parfois mal transcrits, arrive à donner des doutes sur les patronymes (des homonymes ?). Les dates différentes de disparition pour un même nom, n’ont pas facilité l’étude. Il existe encore des lacunes et, malgré toutes les précautions, il peut rester des erreurs. Des noms s’y trouvent sans savoir s’il s’agit d’un civil ou d’un militaire, s’agit-il d’un soldat tué lors d’un combat, ou même fut-il vraiment prisonnier du FLN ? Il reste des doutes…

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux prisonniers du FLN, ceux qui, malgré toutes leurs souffrances, ont tout de même eu la chance de revenir. Ils sont marqués d’une trace indélébile et ils attendent encore une certaine reconnaissance…

Certains témoignages montrent les horribles tortures subies par certaines personnes enlevées.…… « Le 4 juin 1962 (près de trois mois après les accords d’Évian) Guy Lanciano et Daniel Falcone sont enlevés à Alger, dans le quartier du Ruisseau. Ils subissent pendant 41 jours des tortures effroyables à la villa Lung. On leur coupe le nez, les oreilles, on crève les yeux de l’un, on matraque l’autre ; il a perdu l’usage de la parole. L’aveugle peut parler ; celui qui voit ne parle plus.

Ils seront libérés par un commando de l’OAS et remis aux services médicaux de l’armée française à l’hôpital Maillot. Leur état physique est tellement dégradé qu’on les garde longtemps… Trop longtemps dans cet hôpital… Jusqu’au mois d’avril 1963, période à laquelle la Croix-Rouge avise les familles de leur transfert à l’hôpital de Nancy par avion sanitaire. JAMAIS ces familles ne les reverront ! Le sénateur Dailly interpelle de Broglie sur cette disparition. Réponse du ministre : « l’affaire est sans doute compliquée; il subsiste quelques points obscurs. Je fais actuellement poursuivre sur le territoire national, des recherches extrêmement poussées… ».

Inutile de préciser que ces recherches, si elles ont vraiment eu lieu, n’ont jamais abouti… » D’après José Castano

Chiffres approximatifs des « pertes » françaises entre le 1er novembre 1954 et le 2 juillet 1962 :

Pertes militaires :

Tués au combat                                   22.319
Blessés                                                35.615

Déserteurs

Officiers                                                      16
S/officiers                                                  317
Soldats                                                   9.722

Disparus-Prisonniers

Officiers                                                      12
S/officiers                                                    91
Soldats                                                      769

Pertes civiles (dont harkis démobilisés)


Tués par le FLN : Européens                 4.788       Musulmans         166.500
Blessés par le FLN                                 7.541                                    13.610
Enlevés par le FLN                                 4.000                                    13.296

Remarque : les déserteurs concernent aussi bien ceux qui ont déserté pour l’OAS que pour le FLN

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