3.1 - Nous ne connaissons pas le nombre exact des morts du 26 mars 1962

V - Les victimes-les morts,les blessés,les disparus - 26 mars : les morts et les blessés

2 - Ils racontent - ils témoignent : Professeur Jacques Barsotti - docteur Kamoun - Francine Dessaigne - Professeur Pierre Goinard - Martial Tro - Christian Gille - docteur André Fournier - professeur Paul Lebon - Marie-Jeanne Rey - docteur Jacques Bisquerra - Maurice Collin - Raymond Guiraud

Le Professeur Jacques BARSOTTI déclare :

Nous sommes allés à la morgue de l’hôpital voir les cadavres qui s’y entassaient dans le plus grand désordre. C’est une vision dramatique que ces tas humains amoncelés pêle-mêle les uns sur les autres que les familles essayaient de reconnaître, en tirant sur les bras ou sur les jambes pour les sortir du tas.

Le docteur KAMOUN témoigne :

l’horreur pure, partout des cadavres disposés sur trois niveaux, paillasse, étagère, sol. On avait instauré un sens unique et dans le silence troublé de temps en temps par des gémissements et des pleurs, les gens circulaient lentement, horrifiés. Les cadavres attendaient leur reconnaissance et ces gens pâles et silencieux tournaient lentement. Un antre de cauchemar écrira Jean BRUA.

Immédiatement après ces scènes édifiantes, le Corps médical de l’hôpital Mustapha réalise une plaquette de témoignages recueillis par les médecins ayant assisté à la fusillade ou ayant soigné les blessés, témoignages adressés en France à diverses personnalités politiques et morales sans aucun écho tangible.

Cette petite brochure, « LE MASSACRE D’ALGER » « Alger 26 mars 1962», qui ne porte pas de date d’impression ou d’édition, est dédiée à la mémoire du Docteur Jean MASSONNAT, victime du devoir professionnel, tué à bout touchant.

Les témoignages sont anonymes. Il n’y a pas de liste des blessés.

Figurent deux plans de la fusillade, une dramatique photo du Plateau des Glières devant les marches de la Grande Poste ainsi que la liste des noms des victimes au nombre de 49 plus quatre inconnus dont 2 musulmans et 3 européens ( 53 au total). Le nom de mon mari est correctement orthographié et sa profession correctement énoncée.

Le journal « La dépêche d’Algérie » des 27, 28 et 29 mars fait état de 46 morts et 150 blessés.

Un troisième nombre des victimes est donné dans le « LIVRE BLANC » « ALGER LE 26 MARS 1962 », paru le 1er juin 1962, édité par « L’Esprit Nouveau ». Ce livre ne comporte que des témoignages, signés, plus de deux cents.

Il ne mentionne aucun nom de victimes, ni celui des morts ni celui des blessés. Il est publié : « A la mémoire des 80 morts et en souvenir des 200 blessés de la fusillade », sous le patronage de Messieurs les Députés du Groupe UNITÉ DE LA RÉPUBLIQUE. « LE LIVRE BLANC » est un recueil des témoignages nécessaires pour pouvoir porter plainte devant les tribunaux.

Mais les témoignages sont dangereux pour le pouvoir en place, ils réfutent absolument les silences, les invraisemblances, les contradictions, ces aveux tacites, ils dénoncent la lâcheté de cette sordide raison d’État et de ses « voleurs de morts ».

Ce livre est interdit et détruit dès sa parution.

Je viens d’en acquérir un exemplaire, à un prix exemplaire, un échappé de cet holocauste du livre. (Et que les victimes soient sacrifiées à la Sainte et Juste Raison d’État !). Il a été réédité en 1991 sous le nom de « LE LIVRE INTERDIT » par les Éditions Confrérie Castille.

Dans cette édition remaniée ont été ajoutées les listes des noms des morts et des blessés. La liste des victimes comporte 63 noms plus quatre « non identifié » dont 2 musulmans et 2 européens (soit 67 au total). Cette liste contient des erreurs et des noms mal orthographiés. Le nom de mon mari est mal orthographié et ne figure plus sa profession.

C’est à partir de cette liste que j’ai voulu vérifier toutes les listes, ces listes qui, en se reproduisant vont subir un certain nombre de distorsions, du fait même de la copie, je suppose.

Aucune enquête officielle n’a jamais été effectuée, aucune commission d’enquête n’a jamais vu le jour, malgré les pétitions et les demandes déposées dans les préfectures, dans les ministères, sur le bureau de la Présidence.

La tuerie du 26 mars alterne du déni officiel de ce qui s’est passé ce jour-là à l’infâme raison d’État : « ce n’est pas nous, ce sont eux qui ont commencé », et puis « c’était interdit, on n’avait pas à le redire », et puis « c’est l’O.A.S., c’est bien fait pour eux », autant « d’arriérations » verbales pour se justifier.La tuerie fait aussi un petit tour par l’infâme Secret Défense. Les archives concernant les faits et les morts civils au cours des évènements d’Algérie sont tenues secrètes.

Pour le 26 mars il nous faut encore attendre cinquante ans ou soixante ans ? Des dossiers ont déjà disparu ou sont vides ou bien sont maintenus en souffrance ou bien encore sont abandonnés en république démocratique et populaire d’Al Djazãir.

Ces archives sont les preuves trop gênantes de cet infâme Secret Défense. Au cours de la fusillade d’autres preuves ont été arrachées des mains des journalistes, des photographes et des cameramen. Pendant les jours qui ont suivi, l’armée a surveillé ces lieux maudits, empêchant les gens de prendre des photos ou en confisquant leurs appareils et s’est livrée, à grand spectacle, à de sordides analyses des lieux, à de risibles relevés topographiques, il fallait faire semblant de chercher la vérité.

Il y a donc des listes, établies de façons successives, recopiées, empruntées, mais aucune ne peut être authentifiée. La liste qui circule habituellement, celle qui est généralement publiée sur les sites depuis quarante cinq ans et qui est dite, à tort, officielle, comporte des erreurs, des confusions et des manques.

Néanmoins cette liste a eu le mérite d’être établie et a servi de support au travail sacré de mémoire pendant toutes ces années. Cette liste est due au travail, d’investigation et de recherches, remarquable, de Francine DESSAIGNE et de Marie-Jeanne REY, publié dans « Un crime sans assassins » (1994 – Éditions Confrérie-Castille) qui témoigne de 58 noms, plus quatre « non identifié » dont 2 musulmans et 2 européens (soit 62 au total). Je note que sur cette liste le nom de mon mari est correctement orthographié mais sa profession a changé.

Francine DESSAIGNE écrit, dans la préface de cette réédition, que le 30 mars, sur une demande du professeur Philippe MARÇAIS, député d’Alger, elle a déposé avec d’autres personnes une plainte contre X devant un juge d’instruction qui rassemblait des témoignages sur la fusillade.

Cinq ans après, un autre juge a prononcé un non-lieu. Mais ce non-lieu n’est ni définitif ni absolu. Il s’agit donc d’aller le contester devant la justice.

« Trois jours plus tard les funérailles » (Le Livre Blanc). Où sont donc passés les cadavres ? Il y a ceux, « officiels », ceux « reconnus », dont les noms sont publiés dans les journaux avec leurs avis de décès mais que les familles n’ont pas pu approcher, ceux gardés au secret, scellés en bière dans la raison d’État, cercueils éparpillés dans les dépositoires.

Et puis il y a les « non officiels », ceux dont on n’a rien publié, cadavres escamotés, cadavres disparus, cachés pour quel secret Défense ou quel secret de famille ?

Il y a enfin les blessés et les cadavres des soldats pris sous leur propre feu, encore moins officiels et dont l’Armée n’en a jamais publié le moindre écho. Un commandant des Forces Armées en Algérie reconnaît, pourtant, trois tirailleurs et un CRS tués et trois blessés.

Par qui ? Par quelles armes ? Ce commandant se plaint d’une insurrection armée mais se montre bien incapable d’en fournir la preuve.

- « Une femme, place de la Poste, blessée, gisait sur le dos. Un soldat musulman l’achève d’une rafale. L’officier présent abat le soldat (Professeur Pierre GOINARD) – Dans le magasin Claverie, deux tirailleurs musulmans abattent le militaire français – Les militaires de l’Infanterie de Marine, au square, près de la Compagnie algérienne, se couchent sous leurs camions pour se protéger – Le docteur BISQUERRA poursuit… « Il me laissa finalement entrer dans le fond du magasin où se tenaient d’autres militaires musulmans et, sur le sol, gisait l’un d’entre eux, qui semblait agonisant, une ou plusieurs balles lui ayant transpercé le thorax. … déjà arrivaient des ambulances et des camions militaires.

Les militaires quittèrent alors précipitamment les lieux avec leur chef, emmenant leur blessé qu’ils chargèrent dans l’un des camions. D’autres témoignages font état de militaires tués ou blessés entre eux par leurs propres armes. Cependant ni dans les listes parues, ni dans les journaux, je n’ai trouvé trace de leurs noms.

Des autopsies militaires ont sûrement été pratiquées et les autorités savent avec quelles armes ces hommes ont été blessés et tués, et par qui ?

Jean BRUA
rappelle dans son intervention du 26 mars 1987 : ce mystérieux supplétif vietnamien, évoqué par deux officiers du 4ème R.T., évacué dans le plus grand secret, après avoir été atteint par les forces de l’ordre du boulevard Bugeaud, qui se croyaient visé par son tir (procès- Bastien-Thiry).

Dans « Un crime sans assassin », Francine DESSAIGNE évoque aussi ce tireur à la notoriété de barbouze. Il faut donc attendre encore cinquante ans ou soixante ans pour livrer la vérité ?

Elle rapporte les paroles des médecins de Mustapha :

Le lendemain matin 27 mars 1962, le professeur GOINARD, toute l’équipe chirurgicale de la clinique thérapeutique de l’Université se rendit à la morgue. On dénombra près de 80 morts par balles, entassés dans les locaux de la morgue. De multiples photographies avaient été faites avec l’appareil du service. Mais les deux rouleaux de pellicules envoyées naïvement et comme à l’accoutumée au développement en France, ne sont cette fois, jamais revenus.

Martial TRO,
Commis principal à l’hôpital Mustapha témoigne :

"Alors sont arrivés des camions militaires, des Dodges. Ils débordaient de blessés, de morts, mélangés, entassés. On les déversait comme des sacs de farine. On lâchait les ridelles et tout tombait sur les côtés. Nous n’avions pas de brancardiers. Les Sœurs et les médecins ont commencé le transport. Le premier que je prends dans mes bras c’est le docteur MASSONAT. Il était là dans mes bras, il me vomissait dessus …J’ai fait le tri des morts et des blessés. Au dépôt mortuaire on les mettait les uns sur les autres. Quand on voulait voir un mort il fallait le chercher, débarrasser un tas de cadavres pour le trouver. C’était épouvantable. On dit qu’il y a eu 80 morts. Moi je ne travaillais pas aux services administratifs, je ne peux pas citer de noms mais je dis qu’il y avait 120 morts. A cette époque, ceux dont on ne réclamait pas le corps, parce que c’étaient des gens de passage ou pour d’autres raisons, ceux-là étaient emmenés le soir à la sauvette, qu’ils soient musulmans, juifs ou chrétiens, au cimetière d’El Halia, directement la nuit."

L’aumônier a protesté officiellement. Il a été expédié à Paris tout de suite.

Un petit musulman travaillait à l’hôpital. Il a aidé à transporter les blessés. Il a été repéré. Le FLN l’a assassiné le lendemain.

Christian GILLES
dit qu’il a assisté à une véritable ignominie :

« Dans ce bâtiment se trouvaient de nombreuses petites alcôves avec des plafonds voûtés en ogive et aménagées avec deux bancs. A l’intérieur de chacune d’elles, deux familles unies par leurs larmes se trouvaient séparées par deux cercueils fermés, accolés, déposés au centre sur des tréteaux. Dans quelques alcôves, des familles musulmanes et européennes atteintes par la même douleur, priaient, pleuraient, gémissaient et imploraient le ciel côte à côte. Des personnes totalement désespérées, circulaient dans le grand hall, en tout sens, criant, pleurant, appelant à haute voix un être cher, essayant de découvrir d’alcôve en alcôve leur disparu. Par une porte, arrivait à intervalles réguliers, d’un autre service de l’hôpital, un nouveau cercueil fermé avec l’indication sommaire de son nom. Toutes les dix minutes, huit à dix personnes prenaient un cercueil dans une alcôve, s’arrêtaient sur la chaussée. Un homme de foi sortait d’un local vitré et murmurait quelques mots. Le cercueil était alors déposé dans la benne d’un camion militaire, où assis sur des banquettes, siégeaient dix soldats armés. Seuls quelques membres de la famille étaient admis sur une largeur de sièges d’un minicar de C.R.S. Motards en tête avec sirène, jeep avec radio, le camion-cercueil et deux véhicules de C.R.S. s’éloignaient rapidement vers un cimetière de la ville. J’assistais à des enterrements à la chaîne sans aucun regroupement familial, sans passage dans les lieux de culte, y compris celui du quartier. Ces transports commencés, dans la nuit pendant le couvre feu, se poursuivaient encore.

Qui sont ces morts Français-Musulmans ? Quelles sont ces victimes que leurs proches réclament à force hurlements, sans les trouver ? Quelles sont ces victimes livrées toutes prêtes emballées ? Que sont devenus ces soldats, ces C.R.S. qui ont conduit les camions-cercueils ? Comment est-il possible qu’aucun d’eux ne se soit jamais fait entendre ? Je croyais que nous étions tous égaux à la face de Dieu.

Le Docteur André FOURNIER
précise :

"Á l’hôpital, l’après-midi s’est passée à recevoir et soigner les blessés qui arrivaient. Dans la soirée je suis allé à la morgue où étaient entassés les cadavres des victimes. J’ai notamment encore le souvenir très vif de deux très jeunes filles, deux sœurs qui avaient été tuées à bout touchant. Révolté par ce spectacle, j’ai alors téléphoné à un ami en lui demandant de rassembler dans les hôtels le plus possible de journalistes et les emmener à l’hôpital. Il en est venu un certain nombre français et étrangers. Je puis citer deux de leurs réactions : 1) un journaliste allemand m’a dit : « j’espère qu’après cela les journaux français ne parleront plus d’Oradour sur Glane », 2) deux journalistes français du Monde : l’un n’a pas pu supporter le spectacle et est sorti pour vomir et l’autre a dit « ça ne passera pas à la Rédaction ». Nous sommes d’une civilisation trop sensible."

Le Professeur Paul LEBON
confirme qu’il se souvient fort bien d’avoir vu parmi les cadavres deux petites filles de 8 ou 10 ans, en robes rouges dont on ne trouve plus aucune trace.

Cette énigme est à rapprocher de celles de la mort d’un bébé et de sa mère évoquée par Suzanne CAZE AVELIN : son amie, réfugiée dans un magasin de puériculture, avait caché son petit enfant dans une poussette en exposition, petit cadavre dont on ne trouve plus aucune trace ni celle de sa mère.

Un autre témoignage confirme : une jeune femme et son bébé ensanglanté dans les bras, poursuivie et achevée à la rafale par un tirailleur chez Natalys.

Marie Jeanne Rey
témoigne d’une petite voix enfantine, près d’elle, qui se tut pour toujours.

…« Il y avait aussi une quinzaine de gamins autour de Michèle TORRES, venus en camion ». .. « .Une dame âgée : j’étais à terre, blessée. Un petit garçon de 8 ans pleurait et me disait, « regarde mon papa ». Son jeune père était couché le visage ensanglanté … »

Il y avait des enfants dans la foule et des adolescents. On ne peut pas dire de ces jeunes victimes qu’elles appartenaient à l’O.A.S. On ne peut pas avouer, non plus, l’assassinat de ces jeunes enfants. Ce serait peu reluisant pour la gloire de la France ou pour la renommée de certains. Il est donc très nécessaire d’escamoter un certain nombre de victimes.et notamment les moins de 20 ans si l’on se réfère à la liste qui suit. Que sont-elles devenues, ces jeunes victimes alors que sur le sol devant les FM s’amoncèlent les cadavres ? Car ils ont tiré, ivres de fureur, ces serveurs de F.M., comme le soldat Mohamed AMRATI qui est décrit ainsi dans les témoignages : « Il semblait avoir un grand désir de tirer, dansant d’un pied sur l’autre, le regard brûlant non de peur mais de fureur, ou encore –« en transe, un rictus de haine, gesticulant, surexcité, ou encore – une bande souple dont l’extrémité était engagée dans la culasse, enroulée à sa taille et suspendue à son cou… rafale après rafale !

Le docteur Jacques BISQUERRA
relate dans son témoignage :

…Je restais là, immobile, de longues minutes, pour veiller sur ces morts lorsqu’un homme s’approcha et entreprit, malgré mes protestations, de fouiller le portefeuille d’un des cadavres et repartit après avoir emporté sa carte d’identité. M’étant souvenu de ce nom porté sur ce document (car il me l’avait montré, j’ignore pourquoi) et n’ayant pas retrouvé son nom sur la liste des victimes publiée le lendemain par les journaux locaux, je m’étais rendu à la morgue de l’hôpital Mustapha pour essayer d’identifier ce malheureux « X » et de mettre un nom sur sa dépouille. … en rentrant chez mes parents je fondis en larmes, en pensant à tous ces corps criblés de balles, empilés, nus, parfois tête-bêche, les uns sur les autres, dans cette sinistre salle... … des tas de cadavres allongés qu’on arrosait à l’eau formolée, quelque chose de kafkaïen (docteur CHIAPPONI)...

Ainsi les morts se font détrousser de leur identité, escamoter, achever à la rafale - ni vu ni connu -, formoler avant de les dissimuler, on n’arrive plus à les compter, on les mélange avec les autres morts, on ne trouve plus ceux qu’on réclame, on les fait disparaître, on leur vole leur cadavre lorsqu’ils deviennent trop gênants, pour combien d’entre eux ?

Maurice COLLIN
dans une lettre que m’a communiquée son fils Jean-François, écrit "Si vous voyez le visage des Algérois et l’atmosphère de la ville ! Cela vous étreint le coeur et vous donne la nausée. Tout ce sang qui n’a pas été lavé, ces tas de vêtements masculins, féminins, au pied des immeubles, au pied des arbres, ensanglantés, des chaussures de femmes, des imperméables, des lunettes, des portefeilles déchirés, des chapeaux, le tout taché de sang aussi.Les gens essaient de retrouver des objets des leurs qui ne sont pas rentrés, qui ne sont pas à l’hôpital, qui ne sont pas à la morgue et, il y en a des disparus, depuis mardi.

Dans l’édition originale du LIVRE BLANC, les auteurs et/ou l’éditeur ont écrit « Les droits de ce livre seront versés intégralement aux familles des victimes ». Cette mention n’apparaît plus sur le livre réédité « LE LIVRE INTERDIT ».

C’est dommage parce que cela aurait pu conduire à une recherche des victimes plus poussée, plus systématique que ce que je ne saurai jamais faire par moi-même.

Raymond GUIRAUD,
à la suite de l’attentat du Milk Bar, où a été blessée gravement sa fille Nicole, a créé une association, l’A.V.I.C.C.E.A.L. La permanence de l’Association Nationale des Victimes Corporelles des Événements d’Algérie et de leurs Ayants droit se trouvait à La Maison du Combattant à Bâb el Oued. Monsieur GUIRAUD s’est adressé à la Délégation de l’Action Sociale dès le 29 mars 1962 puis le 2 avril 1962 et à plusieurs reprises aux pouvoirs pour leur demander qu’une indemnité soit versée aux ayants droit des victimes du 26 mars précisément, en vertu de la décision n°55032 de l’Assemblée algérienne.

Sans réponse, il menace, en cas de refus de l’administration, de saisir la voie juridique, en application de la loi de 1884. Courant avril les gendarmes mobiles font une perquisition à son domicile pour chercher des papiers.

Ils se montrent insultants et agressifs et menacent d’emmener la sœur de Nicole, alors âgée de 16 ans. Dans la nuit du 11 au 12 mai, pour la deuxième fois, mais cette fois-ci à 4 heurs du matin, les gendarmes mobiles viennent perquisitionner. Ils enfoncent la porte d’entrée et emmènent Monsieur GUIRAUD vêtu de son seul pyjama. Au bout d’une semaine et grâce « aux CFA », où Monsieur GUIRAUD était chef du personnel, sa famille apprend qu’il est incarcéré à l’école de police d’Hussein-Dey.

Il a été dénoncé comme militant en faveur des victimes du FLN. Puis fin juin, Monsieur GUIRAUD et 50 autres présidents d’associations seront transportés en avion militaire servant de transport de troupes, à VILLACOUBLAY, en résidence surveillée.

Il est interdit de retour en Algérie, interdit de séjour sur le sol algérien. L’association de Monsieur GUIRAUD comprenait 1.800 adhérents et des listes ont été échangées entre le FLN et la police politique française au nom du secret Défense. Il faudra que j’écrive au FLN en Al Djazãir pour me faire communiquer la liste des morts du 26 mars. La sortie des morts de l’hôpital Mustapha doit bien être enregistrée ?

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