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IV - Date emblématique d'un massacre collectif  - Lundi 26 mars 1962 à Alger

5 - Commentaires de Philippe Nobili - envoi de Jean-Michel Loiseur

 

Fusillade de la rue d’Isly : un crime d’Etat

Il ne reste plus pour De Gaulle qu’à écraser la résistance de l’OAS dans lequel les européens mettent leurs derniers espoirs.

Le 23 mars 1962, le quartier européen et très populaire de Bâb-el-Oued, refuse de laisser des patrouilles de l’armée circuler chez elle, maintenant que De Gaulle a signé l’abandon de l’Algérie. Une première patrouille est désarmée à 8h00 sans incident. A 9h30 le scénario se répète et c’est l’incident.

C’est ce que les autorités attendaient. Immédiatement un bouclage complet du quartier se met en place. Des automitrailleuses puis des chars sont appelés en renfort et tirent sur les façades pendant que les T6 tirent sur toutes les terrasses. La seule gendarmerie reconnaîtra avoir tiré sur la population française plusieurs dizaines de milliers de balles de tous calibres et même 18 obus de 37mm dans un rapport publié par la Revue Historique des Armées en son numéro 268.

Un couvre-feu intégral est imposé. Pendant une semaine tous les logements sont perquisitionnés et ouverts par la force. Tous les hommes de 18 à 40 ans systématiquement arrêtés. Au-dessus de 40 ans c’est à discrétion. La gendarmerie mobile et les CRS qui mènent ces opérations ne reculent devant aucune exaction. Dans un même rapport la gendarmerie se plaindra de la Croix Rouge et des pompiers « qui ravitaillent ouvertement les habitants » et reconnaîtra n’avoir pratiquement pas trouvé d’armes de guerre. Ce sont 20 000 militaires qui seront déployés contre un quartier de 50 000 français. Et le rapport de la Gendarmerie notera : « C’est la dernière fois où l’armée française a engagé des moyens aussi importants contre des français »

C’est dans ce contexte que le 26 mars un défilé pacifique et non armé d’algérois des autres quartiers, s’organise rue d’Isly. Protestant contre le traitement inhumain réservé aux européens il se transformera en tuerie : l’armée française mitraille la population sans défense faisant près de 80 morts et plus de 200 blessés.

Jean-Pax Méfret, devenu grand reporter au Figaro Magazine, a publié le 28 mars 1992, 30 ans après, un dossier accablant avec photos et plan détaillé, positions des tireurs etc. La fusillade durera 12 interminables minutes pendant lesquelles les soldats continuent de s’acharner sur les blessés qui crient ensanglantés « Ne tirez pas ! ».

Le lieutenant Daoud Ouchène, jeune officier berbère, commande la section du 4éme régiment de tirailleurs qui a ouvert le feu, régiment composé à 60% de jeunes musulmans, habitués au djebel et déconcertés en ville. Les ordres sont « d’arrêter la manifestation, au besoin en faisant feu ! ». Par radio Ouchène dit à son capitaine « on me tire dessus, qu’est-ce que je fais ? » : « Ripostez !». Aujourd’hui le capitaine dit sa conviction que l’incident était voulu, « était-ce le pouvoir ? » se demande-t-il.

Un tireur situé dans un immeuble, que les militaires ont atteint, sera évacué par deux mystérieux civils suivis par les gardes mobiles et disparaîtra. Il était vietnamien, comme de nombreux Barbouzes, et s’appelait Tra Trong Dey, né à Hanoï en 1932. Pierre Mesmer, ministre de la Défense, se rendra quelques jours après à Alger, non pour rendre visite aux victimes, mais pour « déculpabiliser », selon son expression, les tirailleurs : « Le dénouement de l’affaire algérienne ne pouvait être que sanglant » ajoutant avec le cynisme gaulliste, et comme nous sommes quelques jours après Evian « Du sceau teinté du sang des victimes ». Incroyable !!!

Ouchène, qui le 26 mars 62 s’est effondré en larmes, quittera l’armée deux ans plus tard, devenant par décret, Michel Duchêne, et le ministre de la Défense lui attribue la Légion d’Honneur !! Durement éprouvé par des dépressions qui l’obligeaient à séjourner en unités psychiatriques, il décède en 1989.

Le dossier accablant de Jean-Pax Méfret n’a nullement été contesté par les Pouvoirs Publics, ce serait difficile car un reporter d’Europe I, René Duval, sur place le 26 mars 1962, a tout filmé et enregistré, y compris les discussions d’Ouchène avec ses sergents. Mais le secret des archives qui devait être levé après 30 ans en 1992, est prolongé de 70 ans.

Tout cela paraît surréaliste et à l’époque j’avais du mal à y croire quand je recevais des courriers d’européens d’Algérie. Pourtant les témoignages sont formels et non contestés.

Envoi de Jean-Michel LOISEUR
Commentaires de Philippe NOBILI

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L’armée est désemparée et De Gaulle fait une « tournée des popotes »en Algérie :
il fait croire aux militaires qu’il est pour la solution la plus française, qu’il est inimaginable que
De Gaulle puisse abandonner l’Algérie, que l’autodétermination est une manœuvre
destinée à faire cesser les attaques de l’ONU.

 

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