9.9 - Témoignages des Français de l'étranger: Evian ou le crime d'Etat

CIRCONSTANCES AGGRAVANTES : L'AFFAIRE SI SALAH

Il y a certainement d´autres circonstances aggravantes que l´affaire Si Salah encore appelé  opération Tilsit, mais celle-ci est si grave qu´elle mérite d´être mentionnée.
Je ne pourrai ici n´en donner qu´un bref aperçu, mais elle a été évoquée plusieurs fois dans des périodiques comme par exemple  La Lettre de Veritas et dans des ouvrages comme par exemple celui du général Maurice Challe : Notre révolte.
Ne pouvait-on pas argumenter que même sans défaite, la capitulation était inévitable, en raison d´un contexte international hostile, et qu´il n´y avait eu jusqu´alors aucune possibilité d´arriver à une solution raisonnable?
Non: ce qu´on appelle l´affaire Si Salah en est l´illustration. Il y a avait une possibilité d´apporter une issue au conflit armé  deux avant la signature des Accords. De Gaulle n’en voulut pas.
Au cours du printemps 1960, le FLN est vaincu sur le terrain, l´ALN n´existe pratiquement plus, la victoire militaire et la pacification sont un fait. L´armée française compte plus de 200.000 Français musulmans sous les drapeaux.
C´est à cette époque que se situe l´affaire Si Salah du nom du chef de la willaya 4 qui entre en contact avec les autorités françaises, fait le voyage de Paris avec le commandant Mohammed et le responsable politique Lakhdar, est reçu à l´Élysée le 10 juin 1960 par de Gaulle en personne et propose de déposer les armes entre les mains de l´autorité civile pourvu qu´aucune représailles ne soit exercée contre eux.
Jacques Soustelle, dans L´espérance trahie, commente:
Ce qui conférait à cette négociation, conforme, je le rappelle, à ce que j´avais moi-même toujours souhaité, une importance absolument capitale, c´était que, pour la première fois, une wilaya entière envisageait de renoncer à la lutte, et c´était celle du centre, de la région-clé: en outre, le chef de la wilaya 3 (Kabylie) avait été tenu au courant des pourparlers, et aurait sans doute suivi en cas de succès; enfin une telle démarche consacrait la rupture entre les combattants de l´intérieur  et le prétendu GPRA de Tunis.
Quatre jours plus tard, de Gaulle s´adresse à ce même GPRA, évoque l´Algérie algérienne:
Je leur déclare que nous les attendons ici pour trouver une fin honorable aux combats qui se traînent encore.
Le 25 juin, arrive à Melun une délégation du FLN. Les négociations n´aboutissent pas. Mais des indiscrétions ou des révélations ont eu lieu, le GPRA est mis au courant de l´initiative de Si Salah.
De Gaulle avait préféré à la paix des braves la continuation de la guerre pendant deux ans de plus.
Le sénateur M. de Maupéou déclare dans le Compte-rendu analytique officiel du Sénat le 17 octobre 1961:
On pouvait choisir alors entre deux politiques. La première était celle de la pacification par les armes et la paix des braves, offerte en 1958, et elle s´imposait d´autant plus que les émissaires rebelles apportaient la reddition des trois cinquièmes des combattants…Mais l´Élysée, qui se réserve jalousement la politique algérienne, a choisi de négocier avec les exilés. À la politique de l´arrêt des combats, il a préféré la voie humiliante qui nous a menés de Melun à Évian et à Lugrin, tandis que de jeunes Français continuent à mourir en Algérie.
Écoutons enfin ce qu´écrit Nicolas Kayanakis dans Algérie 1960 : La victoire trahie: Le secret plaqué sur l´affaire Si Salah ne peut masquer cette constante: le rejet de la victoire en Algérie et la capitulation – de fait – sans conditions devant Tunis qui conduirait la France à une situation, sans doute unique dans l´histoire d´un pays vainqueur livrant à un ennemi en déroute la province et les populations objet du conflit ainsi que cent mille soldats.

2)    DEUXIEME POINT : LA PREMEDITATION

Je passerai rapidement sur la question de la préméditation mais elle est patente et bien documentée aussi bien en paroles qu´en actes. Le référendum de septembre 1958 avait un triple but: la création d´une nouvelle constitution pour remédier à la faillite du régime précédent, un plébiscite en faveur de de Gaulle et la confirmation de l´Algérie comme terre de France. Quelles que soient les ambiguïtés dont certains juristes peuvent se prévaloir, il est clair que le référendum de 1958 confirmait la volonté de garder l´Algérie à la France et je pourrais aisément citer, avant 1958, nombre de déclarations de responsables politiques de toutes tendances qui vont dans ce sens. Les déclarations du Chef de l´État vont dans le même sens et je ne parle pas seulement du fameux je vous ai compris. Le message, comme l´ont prétendu certains historiens qui se targuent d´objectivité, et non des moindres, n´était pas ambigu, il était clair. Que de Gaulle ait dit le contraire de ce qu´il pensait ne change rien à l´affaire. Cela fait de lui comme de son Premier ministre Michel Debré et de nombre d´autres responsables un menteur et un renégat.  
L´Algérie française reste l´axe de la champagne orchestrée par le ministre de l´information. Jacques Soustelle le rappelle dans L´espérance trahie:
Du 8 juillet au 28 septembre, je ne cessai de reprendre le thème de l´Algérie française par tous les moyens à ma disposition et le général de Gaulle non seulement ne s´y opposa pas, mais ne formula jamais une observation ou une restriction […] ”Algérie française” n´était pas le slogan de tel ou tel groupement, mais la devise officielle, incessamment répétée à tous les échelons.
C´est la raison pour laquelle je juge que le but que s´était donné de  Gaulle, l´abandon de la souveraineté française en Algérie nécessitait la préparation de cet abandon selon une évolution bien connue mais dont je rappellerai toute de même les étapes, de juin 1958 avec son je vous ai compris aux Accords d´Évian en passant par la paix des braves d´octobre 58, l´autodétermination à trois alternatives (la sécession étant exclue) de septembre 1959, la solution la plus française de janvier 1960, l´Algérie algérienne de mars 1960, l´Algérie aura son gouvernement de juillet 1960, un État en novembre 1960, un État indépendant en avril 1961 etc. sans compter la trêve unilatérale dans le sillage de la première négociation d´Évian. (Je renvoie sur ce sujet à l´excellente analyse du Dr. Pierre Cattin dans "La lettre de Veritas no. 153 de mai 2011, pp. 4-5: La trêve unilatérale").
Quant au référendum de janvier 1961, on connaît la duperie. Comme le rappelle Jacques Soustelle dans l´ouvrage précédemment cité, les Français devaient répondre par oui ou pas non sur un ensemble de deux questions qui s´annulaient l´une l´autre, relatives à un problème immédiat et brûlant à propos duquel on entretenait la confusion la plus noire.
La préméditation doit aussi être considérée comme la date ultime et le terme d´une série de négociations avec le FLN: rencontres secrètes de Melun en juin 1960, première conférence d´Évian en mai 1961, conférence de Lugrin en juillet 1961, et les dernières négociations des Rousses en février 1962.

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