4.14 - Le Putsch des Généraux - Alger du 20 au 25 avril 1961

III - Histoire et récits - De 1945 à 1962 les évènements

1 - Le putsch d’Alger de Jean BALAZUC dans "Guerre d'Algérie - Une chronologie mensuelle - mai 1954 - décembre 1962"  - 2015

2 - Le Putsch 26 avril 1961 - Le Point - L'Algérie 1830-1962  -  Une passion française -  février 2010

3 - "Comment De Gaulle fit échouer le putsch d'Alger"  de Maurice Waïsse  -  février 2011

4 - Les putschistes : Hélie DENOIX de SAINT MARC: déclaration du 5 juin 1961  -  Commandant Georges ROBERT  -  Colonel Roger CECCALDI  -  Colonel Yves GODARD

5 - Le 22 avril 1961 : le putsch d'Alger -  Extraits   " L'aventure et l'espérance"  Hélie Denoix de Saint-Marc

 

1 - Le putsch d’Alger de Jean BALAZUC dans "Guerre d'Algérie - Une chronologie mensuelle - mai 1954 - décembre 1962"  - 2015

 50 ans ont passé depuis cet acte de désespoir qui a marqué l’armée française pour des décennies. Sans aucun esprit revanchard de polémique-mais il fallait quand même se souvenir de cette page de notre histoire à laquelle furent mêlées de grandes unités parachutistes-nous avons demandé à Jean Balazuc de retracer les faits marquants qui ont amené à la révolte, d'en résumer le déroulement et d’en tirer les conclusions (NDLR).

Les préparatifs, les promesses

Janvier 1961 : à Paris, à l’école de guerre, où le colonel Charles Lacheroy est affecté, des réunions réunissent le général Jacques Faure et les colonels Antoine Argoud, Joseph Broizat, Roland Vaudrey, Pierre Château Jobert, Jean Callet et Hervé de Blignières. Ce dernier commence un travail de contacts et d’unification des divers groupes près au clash.

10 février 1961 : à Madrid, naît l’organisation de l’armée secrète, O.A.S. avec Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde. Elle bénéficie de certaines protections dans les milieux espagnols.

Février 1961 : le général Maurice Challe, en retraite anticipée, s’active désormais et participe aux réunions des six, avec Jacques Soustelle, Georges Bidault, Max Lejeune, Marc Lauriol et les généraux Valluy et Zeller.

9 mars 1961 : contacté sans relâche depuis deux mois par le colonel Antoine Argoud, le général Jacques Massu, après des hésitations, des demis accords parfois, mais bien repris en main par Madame Solange Massu, donne une réponse définitive : il refuse de diriger le putsch.

Le 11 avril 1961 : « Un État algérien souverain » : à Paris, au cours d’une conférence de presse, le président de la république Charles De Gaulle, annonce la création d’un « État algérien souverain au-dedans et au-dehors ». Le président Charles De Gaulle vient de reconnaître, de facto, le GPRA.
Le général Challe donne son accord à ses amis, il se jette à l’eau ou l’honneur et par devoir, il estime avoir 20 % de chances de réussite.

Le putsch d’avril 1961 est la riposte des partisans de l’Algérie française à l’évolution de la politique algérienne du président de la république Charles De Gaulle.

 12 avril 1961 : à Paris, dans l’appartement de Raphaël, se réunissent les généraux Challe, Zeller, Jouhaud, Faure, et Gardy. Le général Vanuxem, André Regard et Georges Bidault se joignent à la réunion. Le comité décide qu’une action en Algérie sera entreprise dans la nuit du 20 au 21 avril. Une action est prévue en métropole avec les membres de l’ACUF (environ 2000 hommes), des unités de Rambouillet, d’Auxerre et d’Orléans et les parachutistes de Pau, mais le général Challe refuse cette action.

À Alger, tous les officiers, généraux, colonels et capitaines, impliqués dans le putsch arrivent clandestinement par des vols réguliers ou par des vols spéciaux de Nord 2501.

À Constantine, le colonel Argoud et le colonel Gardes débarquent à l’aérodrome de Constantine où ils sont accueillis par le lieutenant-colonel de la Chapelle, patron du 1er REP. Le général Ducournau est parti en permission en métropole. Le général Gouraud, le chef du C.A. de Constantine, n’a pas encore tout à fait adhéré au mouvement.

À Oran, il paraît improbable que le général de Pouilly marche avec les putschistes. Ceux-ci comptent sur le général Lhermitte mais ce dernier est parti en permission en métropole.

Le déroulement des quatre jours du putsch

Dans la nuit du 20 au 21 avril 1961 : la villa Poirson du GCP-RG aux Tagarins se remplit de généraux et de colonels venus de métropole. Le général Jouhaud est là pour les accueillir. Le GCP-RG fournit réception, hébergement et protection aux dirigeants du putsch.

21 avril 1961 : le général Challe reçoit le commandant Élie Denoix de Saint-Marc (Voir images en fin d'article) qui commande le 1er REP, en l’absence du chef de corps. Après une entrevue dramatique, il se rallie avec une seule réserve. Les commandants Denoix de Saint-Marc et Robin demande au colonel Godard que « les activistes ne viennent pas se mêler à cette affaire ».

Le colonel Yves Godard fixe les objectifs au 1er REP et au GCP-RG. (Voir images en fin d'article)

À 16 heures, le lieutenant-colonel Rivière, chef de la sécurité militaire de la région territoriale d’Alger, reçoit de Tizi-Ouzou des indices d’un déclenchement d’un putsch.

À Zéralda, le commandant de Noix de Saint-Marc prenant la parole devant les commandants de compagnie, offre à chacun le droit de refuser de le suivre. La prise d’Alger est une opération risquée. L’acte est d’autant plus grave qu’il concerne une troupe étrangère. Deux ou trois capitaines ne sont pas très chauds, mais la cohésion du Ier REP est si forte que la solidarité des légionnaires, une fois encore, est la plus forte.

Des informations sont recueillies par les R.G. À Paris et en Algérie, un putsch se prépare, le général André Vézinet, commandant du C.A. d’Alger, le général Jean Simon, commandant la Z.E.A. À Tizi- Ouzou, et le colonel Moullet, patron d’Alger-Sahel sont prévenus par le lieutenant-colonel Rivière de la S.M. Le plan Jupiter est déclenché et les gardes doublées au C.A.A. Le délégué général, Jean Morin, improvise après le dîner, un conseil de guerre avec les généraux Cambiez et Vézinet : à la demande du colonel Moullet, des barrages de gendarmerie sont mis en place par le lieutenant-colonel Debrosse.

Dans la nuit du 21 au 22 avril : prise d’Alger

À Alger, en ce samedi, les généraux Challe, Jouhaud, Zeller ont avec eux  le 1er REP où les capitaines Sergent et Ponsolle et les lieutenants de la Briffe, Godot et de La Bigne doublent ceux qui les ont remplacés trois mois plus tôt, 1er REC avec les harkis d’Edgar-Quinet du commandant Guizien et le GCP-RG du commandant Robin, avec huit commandos composés de 70 % d’appelés du contingent et de 30 % de harkis. Le 1er REP quitte Zéralda avec les G.M.C. du G.T.507 du lieutenant Gorry, avec la jeep du capitaine Sergent et du lieutenant Rubin de Cervens conduite par le légionnaire Sladeck en tête du convoi. Il franchit sans trop de problèmes les barrages des gendarmes mobiles. Les généraux Gambiez et Saint-Hillier sont faits prisonniers par le lieutenant Durand-Ruel qui se trouve dans les premières jeeps. Le 1er REP a pris Alger sans coup férir avec ses sept compagnies commandées par les capitaines Bésineau, Bonelli, Carette, Estoup et les lieutenants Durand-Ruel, Picot d’Assignies et Rubin de Cervens. Leurs objectifs sont l’école de police d’Hussein-Dey du commandant Trogoul du groupe de sûreté nationale, la caserne Pélissier où le général Vézinet, gaulliste inconditionnel, est arrêté, le gouvernement général et la station de radio d’Ouled- Fayet. Un seul accident à l’émetteur d’Ouled-Fayet : le sous-officier de garde Pierre Brillant tire sur les paras du 1er REP, les prenant pour des fellaghas. L’adjudant Hugo Glubi, le tue, en réponse. Les commandos de l’air du lieutenant-colonel Maurice Emery s’emparent du quartier Rignot. Les commandos Gris du capitaine Jean-Jacques Vallaury et Orange du lieutenant Bernard Mertz du GCP-RG s’occupent des villas du général Gambiez et de l’amiral  Querville. Les commandos Rouge du capitaine Murat et Bleu du lieutenant Basset sous les ordres du commandant Fohran, s’assurent du contrôle du palais d’été. Le capitaine Boisson, sans attendre l’arrivée tardive du capitaine Mosconi de la B.A.P. de Blida, avec une section de parachutistes, s’assurent de la maîtrise du P.C. d’Alger-Sahel au Fort l’Empereur que les gendarmes mobiles ne défendent pas farouchement. Au palais d’été, le commandant Guyard donne l’ordre à ses gendarmes de tirer sans sommation sur tout agresseur, mais l’ordre n’est pas respecté sur les commandos parachutistes du commandant Fohran qui arrête le délégué général Jean Morin et un ministre, Robert Buron, pris au piège alors qu’il était de passage à Alger.

À Paris, à 2h15, prévenus par le délégué général Jean Morin, le premier ministre Michel Debré et le secrétaire général de la présidence Geoffroy de Courcel, font réveiller le président de la république De Gaulle, par un aide de camp de l’Élysée.

À Paris, dans la nuit se tient une réunion à l’Élysée. Michel Debré, Louis Joxe et Jacques Foccart sont là. Roger Frey est resté au ministère de l’intérieur. Le président de la république est d’un calme olympien.

22 avril : premier jour du putsch, avec des ralliements et des reniements.

Vers 3h30, le 1er REP a atteint ses objectifs.

À 4 heures du matin, le général Challe commence son opération téléphone. Le premier coup de fil et pour le général Gouraud à Constantine, un peu surpris, celui-ci donne son adhésion.

À 6h30, Radio France diffuse pour la première fois depuis des mois le champ des Africains. Les Algérois explosent de joie lorsqu’ils l’entendent : « Ici Radio France. Les généraux Challe, Jouhaud et Zeller ont pris le pouvoir à Alger… Vive l’armée. Vive la France. »

Le général Challe parle à la radio. Son message est destiné à l’armée qui est loin d’être ralliée tout entière à sa cause. Les rues européennes pavoisent.

À Alger le général L’Héritier, chef d’état-major du général Gambiez et le colonel Lennuyeux ne suivent pas. Le colonel Coustaux, chef du 3è bureau, ancien patron du 1er R.C.P., donne son accord. Il devient chef d’état-major du général Challe. Le colonel Godard reprend le commandement du secteur d’Alger-Sahel au colonel Moullet. Les officiers d’état-major à Alger éprouvent de la sympathie pour les putschistes mais il ne manifeste en général que peu d’enthousiasme. Presque tous restent à leur poste.

À l’amirauté, le lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume met en communication le général Challe avec l’amiral de Querville, enfermé dans la presqu’île. Celui-ci refuse de se rallier au putsch, accepte les directives opérationnelles de l’autorité de fait et informe Paris de la situation. Puis il quitte le port d’Alger pour Mers el-Kébir à bord de la vedette P 755.

Deux GMC emplis de gens d’autorité arrivent au camp de Zéralda. Le commandant Denoix de Saint-Marc les conflits au lieutenant Favreau.

Le 1er RCP du lieutenant-colonel Plassard est aérotransporté de Philippeville sur Alger, aérodrome de Maison-Blanche pour en assurer la garde.

À Alger, le général Challe refuse catégoriquement de faire participer les civils au mouvement car il n’accepte pas qu'une ombre politique vienne planer sur un geste  pur de toute compromission avec les activistes. L’OAS reste donc dans la clandestinité.

À Alger le général Bigot, Pied-noir, le patron de l’armée de terre, marche à fond mais il est seul. Ses officiers ne le suivent pas.

À Paris, à 13h30, une déclaration du premier ministre Michel Debré, est diffusée par la radio-télévision. Syndicats et partis politiques prennent position contre le putsch.

En Kabylie, le général Simon, patron de la 27e DIA et de la ZEA, décide de suivre les instructions opérationnelles d’Alger, mais il refuse de suivre les décisions administratives.

À Aïn-Taya, le colonel Bocquet, commandant le secteur, contre le putsch, est arrêté par le commando de l’air numéro 40. Mais amené à la caserne Pélissier, il arrive à s’échapper.

À Médéa, le général Arfouilloux, patron de la 20e D.I. et de la ZSA, envoie son adjoint le colonel Goubard à Alger pour tâter le pouls. Vieux soldat des troupes indigènes le colonel est effaré par la place accordée à l’improvisation dans la préparation du putsch.

À Oran le général de Pouilly, commandant le C.A. d’Oran refuse catégoriquement d’aider les comploteurs. Il comprend tout à fait les motifs qui poussent ses camarades à la révolte mais ne voit pas, comme beaucoup de ses pairs, « sur quoi tout cela peut déboucher… ».

À Orléansville le général Prieur, patron de la 9è D.I.C. et de la ZOA, après une hésitation se déclare contre le putsch.

À Mostaganem, le général de Menditte, patron de la 5è DB et de la ZNO, revient sur un premier engagement de principe est reste légaliste.

À Sidi-Bel-Abbès, le général Perrotat, patron de la 29e D.I. et de la ZCO, refuse le ralliement Alger : le colonel Brothier patron du 1er R.E, ne veut pas engager la Légion Etrangère, bien que cela bouge dans les REI. Pour lui « la légion étant par définition étrangère n’a pas à intervenir dans une affaire purement française ». Tous les régiments de légion sont en effervescence compte tenu des liens très étroits de la légion avec l’Algérie. Mais la majorité respecte la fidélité à leur chef de corps ou à son adjoint.

À Constantine, la situation est confuse : le général Gouraud donne son accord à 4 heures du matin puis se rétracte à 5 heures du matin. Le délégué général Jean Morin demande à Maxime Roux, IGAME de Constantine, de convaincre le général Gouraud de ne pas bouger. Le préfet de Constantine  Belhaddad se déclare contre le putsch. Le général Lennuyeux, patron de la 14e D.I. à Constantine, bafouille au téléphone et sa réponse au général Challe est inaudible. Il est contre le putsch.

À La Calle, le colonel Buchoud, chef du secteur, ancien chef de corps du 9è RCP, se radio putsch avec quatre autres colonels.

À Bône, le général Ailleret, chef de la zone, patron de la 2è D.I.M., procède à un vote de ses subordonnés, qui se révèle défavorable aux putschistes. Après s’être montré d’abord favorable putsch, il se déclare contre et se range dans le camp loyaliste.

À Batna, le général Ducounau, plutôt favorable, s’est empressé de partir en métropole.

À Telergma, le général d’aviation Fourquet reste inconditionnel.

À Khenchela, les appelés du 18e BCP s’opposent aux menées de quelques officiers.

Le colonel Antoine Argoud dirige une colonne composée des paras du 14e RCP avec le lieutenant-colonel Pierre Lecomte et des paras du 18e RCP avec le lieutenant-colonel Georges Masselot et des EBR du 1er REC. Les paras sont ovationnés de Constantine à Alger. Le général Challe donne Oran comme objectif au colonel Argoud. La colonne fait une escale de nuit à l’Alma, à 35 km d’Alger.

Au Sahara, le général Mentré revient sur sa décision mais son adjoint, le général Petit, reste fermement acquis au putsch, il accepte la charge du C.A. d’Alger.

À Colomb-Béchar, le général Arnoux de Maison-Rouge, initialement favorable au putsch, prétexte une crise de paludisme pour ne pas bouger. Il se défile après son déclenchement.

Chez les parachutistes, le général de Saint-Hillier, commandant la 10e DP, reste un gaulliste inconditionnel. Son adjoint le colonel Ceccaldi, compagnon de la libération, prend le commandement de la 10e DP. Le général Autrand et l’état-major de la 25e DP restent neutres, sauf le colonel Jean Bréchignac, le chef d’état-major prend le commandement de la 25e DP : les généraux sont remplacés par leurs adjoints.

Chez les parachutistes, si quelques problèmes se posent au chef de corps, il ne s'en pose aux cadres subalternes. L’immense majorité des parachutistes se bat pour l’Algérie française.

Tous les commandos parachutistes de l’air sauf le CPA 50, participent au putsch.

En Algérie, notamment Alger les appelés confinés dans leurs casernes et dans leurs quartiers investis par les paras sont des témoins passifs du putsch.

À Paris, à 17 heures, le président de la république Charles-de-Gaulle préside un conseil des ministres exceptionnel. Il décrète l’état d’urgence. Le ministre d’État chargé de l’Algérie Louis Joxe reçoit délégation « pour prendre en Algérie au nom du gouvernement les décisions qu’imposent des circonstances ». Le général Olié, chef d’état-major de la Défense nationale est nommé commandant en chef en Algérie.

À Paris, Roger Frey réussit un coup de filet au domicile du commandant Philippe Bléhaut. Les officiers de métropole qui ont participé aux réunions du colonel Charles Lacheroy, sont arrêtés.

En Allemagne, le général Vanuxem, adjoint au commandant en chef des forces françaises, et mis aux arrêts dans sa villa. Le colonel Dufour est arrêté à Offenburg.

À Oran, le ministre Louis Joxe et le général Olié arrivent à la base aéronavale de Lartigues. Une première réunion à la base de Mers-el-Kébir, plus sûre que l’état-major d’Oran, rassemble l’amiral Cornuau, le général de Pouilly, le général Perrotat, le général de l’armée de l’air Clausse, le préfet d’Oran Gey et le préfet de police Plettner. Les deux émissaires de Paris préfèrent partir vers Constantine avant l’arrivée de la colonne du colonel Argoud. Le général Olié décide également qu’à la moindre pression de l’OAS ou de la légion, l’état-major du C.A. d’Oran et les autorités civiles se replient sur Tlemcen.

À Paris, en fin de journée, sur l’insistance de son entourage et de Michel Debré, le président De Gaulle parle à Radio France : « la France n’abandonnera jamais les musulmans. Nous assurons des Européens qu’ ils ne se verront pas obligés de quitter leur terre natale ». Il annonce ensuite la proclamation de l’état de siège à  Alger.

À Telergma, le ministre Louis Joxe et  le général Ollié se rendent à Constantine puis à Telergma sous la protection du Général Fourquet. Cependant une colonne de parachutistes de la 10e DP, sous les ordres du colonel Roger Ceccaldi roule vers la base aérienne. Le général Ailleret décide alors que les deux hommes passeront la nuit à Bône, au PC de la 2è DIM. Les parachutistes s’emparent facilement de cette base aérienne.

En Algérie, dans la population européenne, c’est bien évidemment l’euphorie. Côté musulman, c’est le calme et le silence absolu. Pour les centurions, c’est une explosion de joie et d’espoir car le général Challe est un homme intelligent et honnête : c’est une certitude de succès. Ce sentiment est partagé par les officiers SAS, mais il est loin d’être général.

En Algérie, au soir du 22, les appelés en savent un peu plus sur le putsch. Certains officiers ne leur cachent pas qu’ils vont obéir au gouvernement. Le premier ministre engage alors « la bataille des transistors ». Le gouvernement va transmettre ses instructions par la radio.

En Algérie, la plupart des chefs de corps adoptent une attitude de prudence. Bien que le général Challe ait encore un prestige immense un an après son départ, l’armée ne le suit pas.

23 avril : deuxième jour du putsch

À Alger, le général Zeller trouve avec le secrétaire général adjoint Salah Bouakouir et les autres directeurs de la délégation, une solution pour relancer les rouages complexes de l’administration. Les sous-directeurs ne se révèlent pas très coopératifs mais les fonctionnaires subalternes -tous pieds-noirs-apportent une aide efficace au général.

À Madrid, aidés par l’ancien ministre Serrano Suner, gendre du général Franco, le général Raoul Salan, le capitaine Ferrandi, Jean-Jacques Susini s’échappent. Ils arrivent discrètement à Alger dans un petit avion. La réception par le triumvirat n’est pas encourageante.

À Alger, le clivage entre les partisans d’une opération strictement militaire et ceux  d'un  soulèvement national est visible : le général Jouhaud et les colonels Broizat, Gardes et Lacheroy multiplient les contacts avec l’OAS.

Le général Challe fait venir de petite Kabylie le colonel Georges de Boissieu, son ancien chef d’état-major. Le colonel Coustaux redevient le chef du troisième bureau.

À Alger, le général Challe peut faire un premier bilan. Comme prévu, les troupes de chocs ont suivi. Mais il a gagné la bataille du téléphone. Il ne dispose que d’une quinzaine de régiments. Les unités ralliées, avec plus ou moins de déterminations sont donc :

la 10e DP, derrière le colonel Roger Ceccaldi, sans le 3è RPIMA.

La 25e DP derrière le colonel Jean Bréchignac sans le 8è RPIMA.

Les 1er REC et 2è REC, le 2è REI, le 5è REI, la 13e DBLE, des sahariens légionnaires (en fait le 2è REI et la 13e DBLE resteront légalistes).

Le 16e Dragons, le 27e Dragons, le 1er Cuirs, le 6è RCA de Mostaganem et le 7è RCA, le 7è RTA, sans oublier le 4è RTA très Algérie française, le 4è Hussards à Souk-Ahras.

Les commandos de l’air, le GCP-RG et les fusillés marins de la DBFM.

Les harkis d’Edgar-Quinet du commandant Guizien, un bataillon du 1er RIMA.

Après l’échec du putsch, les ralliements seront soigneusement revus et corrigés.

À Paris, l’ordre est donné à l’échelon gouvernemental de s’opposer à une incursion aérienne rebelle « par tous les moyens ». La formule pour les aviateurs, exclut l’ouverture du feu.
Sur les 300 généraux d’active des trois armées réunies, seuls les généraux Bigots, Nicot, Gouraud et Petit sont engagés dans le putsch.

À Alger, du balcon du GG, les quatre généraux galvanisent des Algérois contenus par une rangée de parachutistes. Tout le monde se met au garde-à-vous pour la marseillaise.

À Constantine, finalement le général Gouraud se rallie après avoir reçu le général Zeller, venu d’Alger avec le capitaine Borel et le lieutenant de La Bigne.

À Oran, le colonel Argoud  et quelques officiers du 1er REI et du 5è REI ont des difficultés à organiser leur affaire. Le général Perrotat tient ferme. Le général de Menditte à Mostaganem refuse d’engager la 5è DB. Les paras du 14e RCP et 18e RCP font une marche triomphale d’Alger à Oran sous les ovations de la population. Ils sont reçus à bras ouverts dans certains régiments importants mais les régiments ne se rallient pas. L’accueil est glacial à la base aérienne de la Sénia où les appelés sont légalistes. En fin de journée, les 14è et 18è RCP prennent en main Oran, une ville en liesse, pavoisée aux trois couleurs.

À Oran le colonel Argoud et le capitaine de la légion étrangère Pompidou n’arrêtent pas le général de Pouilly, commandant le C.A. d’Oran. C’est une lourde faute mais il ne dispose pas d’une unité susceptible de faire pression sur les hésitants. Son adjoint par intérim le général Hublot et le général d’aviation Clausse restent inconditionnels. L’amiral  Querville mène la résistance dans la base navale de Mers-el-Kébir. Le préfet Gey et le préfet de police Plettner sont contre le putsch. Ces autorités rejoignent Tlemcen, le général Lennuyeux, commandant la Z.O.O. où est le général Fourquault est encore à la tête de la 12e D.I.

À Méchéria, le général Ginestet, patron de la 13è D.I., est prisonnier dans son PC et il ne peut pas organiser la parade à des infiltrations de rebelles au sud de Saïda.

À Tizi-Ouzou le colonel Roca, rallié aux putschistes, a pris la place du Général Simon, loyaliste, parti organiser la résistance dans le Constantinois.

À Médéa, le général Arfouilloux hésite avec une attitude préoccupante puis opposée.

À Constantine, le préfet Mahdi Belhaddad représente gouvernement après l’assignation à résidence de l’I.G.A.M.E. Maxime Roux par les parachutistes. Le colonel Weil chef de corps du 16e Dragons se charge de sa protection. Le général Lennuyeux reste fidèle au gouvernement.

À Bône, le général Ailleret renvoie sèchement le colonel Buchoud et quatre colonels qui le pressent de se rallier. C’est avec Tlemcen un centre de résistance au putsch. D’une façon générale, les putschistes ne sont pas de vrais révolutionnaires. L’élimination physique des tièdes et des opposants leur répugne.

À Paris, dans l’après-midi, le ministre des armées Pierre Messmer réunit les chefs militaires et leur parle de l’ouverture du feu. Il sent aussitôt plus que des réticences chez le général Gazin, commandant la région militaire d’Île-de-France et surtout si le général Nicot.

À Paris, dans l’après-midi, le ministre Louis Joxe et le général Olié, partis précipitamment de Bône, rendent compte de leurs missions en Algérie : les incertitudes militaires, l’état d’esprit du contingent et les risques croissants entre les appelés et leurs officiers et enfin le dévouement et la fidélité d’une grande partie des fonctionnaires de l’administration préfectorale, des PTT et de l’enseignement, prêts à saboter le coup d’état.

À Paris, à 20 heures, le président de la république, le masque dur, qui a repris sa tenue de général de brigade para à la TV pour stigmatiser un pouvoir insurrectionnel établi en Algérie par un pronunciamiento militaire : « ce pouvoir a une apparence, un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité, un groupe d’officiers partisans, ambitieux et fanatiques ». Il interdit à tous soldats de n’exécuter aucun de leurs ordres. Il termine par un « Français, françaises, aidez-moi ». L’état d’urgence est déclaré pour la France entière.

La révolte des appelés passe au stade supérieur. C’est la victoire des transistors. Les officiers légalistes trouvent brutalement l’appui d’appelés.

À Paris, le premier ministre demande au général Nicot de préparer l’instruction écrite et formelle sur l’ouverture du feu par l’aviation. L’ordre est signé à 23h30.

À Paris, c’est une nuit de folie après un appel délirant du premier ministre Michel Debré, mal rasé et livide, lancé à 23h45, à propos d’une opération aéroportée sur Paris. Le premier ministre et d’autres ministres n’écoutent pas les avis du général d’aviation Puget, adjoint du chef d’état-major, qui sait que les putschistes ne disposent pas d’avions Nord 2501. Le ministre de l’intérieur Roger Frey fait distribuer des armes à la population pour défendre Paris contre les parachutistes. Le PCF en profite pour armer ses milices rouges.

Le président De Gaulle est furieux de l’exhibition de son premier ministre, qui a pourtant un effet inattendu : les Français prennent conscience de la gravité de la situation.

À In-Salah, prévenus à 22 heures, sont envoyés à deux heures du matin, en résidence surveillée dans un hôtel transatlantique au bordj d’In-Salah, à la garde de l’immensité des sables et d’un élément de légionnaires parachutistes, le ministre Robert Buron, le délégué général Jean Morin, les généraux Cambiez, Vézinet, Saint-Hillier, Gombaut, Leroux, les colonels Moullet, Debrosse, Faig, Bassoncourt et le préfet de police René Jannin.

À Paris, vers 23h30, à l’hôtel Matignon, le premier ministre rejoint les responsables de l’ordre qui au nombre de trente ou quarante, sont réunis dans le grand salon: les grands chefs militaires, les commandants des unités de gendarmerie, de la garde et des CRS. Il confirme l’ordre d’ouverture du feu. Le ministre des armées donne explicitement à l’aviation l’ordre d’aller jusqu’aux tirs de destruction. Tous les généraux ne sont pas prêts à obéir.

À 4h25, le général Nicot se décide enfin à donner l’ordre d’ouverture du feu, c’est-à-dire avec cinq heures de retard. Le danger, si danger il y a eu, et alors écarté.

24 avril : troisième jour du putsch

À Paris, le parti communiste ne ferme pas. Chaque mairie communiste devient un poste de commandement, un centre de liaison, de rassemblement.

Alger les hommes de Dominique Zattara et de Claude Capeau s’installent à l’hôtel de ville mis à disposition des civils par le colonel Godard. L’OAS se reprend contact avec le général Salan et Jean-Jacques Susini.

En Allemagne, le général Gribius, un ancien du coup d’état du 13 mai, se voit confier le commandement des blindés qui viennent d’Allemagne en France, les lundi 24 et mardi 25. Cependant, par précaution, les chars et les équipages sont embarqués sur des convois différents.

À Blida, les bases aériennes de Maison-Blanche, Blida et Boufarik cessent le travail : les appelés font la grève. Les pistes d’aviation sont mises en service. Quelques croix de Lorraine sont dessinées et même des drapeaux rouges apparaissent.

Un Nord 2501 décolle de la base de Blida près d’Alger, puis c’est le tour de deux autres.
Les bérets verts du 1er REP et du 1er REC doivent être envoyés sur la base aérienne de Maison-Blanche pour contrôler une situation qui peut devenir explosive.

En Algérie, des pétitions et des tracts circulent chez les appelés qui suivent les mots d’ordre de grève. Quelques manifestations peuvent faire croire que les appelés font échouer le putsch. C’est l’indécision des cadres qui fait renoncer le général Challe.

Les paras quittent Oran jusqu’à Sainte-Barbe-du-Tlelat puis jusqu’à Sidi-Bel-Abbès ils restent en alerte avec pour objectif Tlemcen. Des appelés du 14e RCP se posent des questions.

À Mers-el-Kébir, l’amiral Querville ces réfugiés après son départ de l’amirauté d’Alger, la marine se déclare contre tout mouvement subversif.

À Tlemcen, le lieutenant-colonel Masselot quitte Sidi-Bel-Abbès et part avec l’intention de convaincre le général de Pouilly d’aller discuter avec le général Challe afin d’éviter un assaut sur Tlemcen. Le général de Pouilly se rend à Oran puis à Alger. La réunion est infructueuse et le général de Pouilly se retrouve à In-Salah.

À Alger, les relations se tendent entre les paras du 1er REP et les appelés de la caserne Pélissier, les zouaves du 9è RZ de la caserne d’Orléans. Les gendarmes mobiles dans la caserne des Tagarins sont aussi déterminés. Au centre Sirocco, ce sont des officiers qui organisent la résistance. En effet des élèves gradés, en provenance des commandos Marine et bataillons de la DBFM ont des sympathies pour les putschistes.

À Constantine, après la prise de Telergma, les appelés du 9è RCP, du 2è RPIMA et du 6è RPIMA sont tranquillement installés dans les faubourgs de Constantine.

À Méchéria, le général Ginestet a reçu d’Alger la latitude d’appliquer au sud un de ces plans d’opérations : les commandos Marine s’apprêtent à contrer les katibas.

À Oran, c’est déjà la débâcle. Le général Gardy est très fatigué.

À Alger, en fin d’après-midi, les quatre généraux se retrouvent sur le balcon du forum, acclamés par la foule : 100 000 Algérois sont là. C’est la dernière grande manifestation.

À Paris, un décret destitue les officiers généraux et supérieurs impliqués dans le putsch d’Alger. Le président De Gaulle institue en se fondant sur l’article 16 de la constitution, un haut tribunal militaire devant lesquels les accusés sont déférés par décret.

25 avril : quatrième et dernier jour du putsch

En métropole, une grève générale de 10 millions de travailleurs s’oppose au putsch.

À Alger, le général Challe ne peut que constater la débâcle. Il se rend aux raisons de son chef d’état-major le colonel de Boissieu décide tout arrêter dès 9heures. Il donne l’ordre au général Gaudi de ramener sur Alger les 14è  et 18è RCP.

À Blida, c’est l’hémorragie à la base aérienne. Tous les Nord 2501 décollent vers la France.

Des 10 heures, les officiers subalternes s’en remettre à leur chef de corps.

À 14 heures, le général Gouraud publie un communiqué qui annonce fidélité au gouvernement.

À 16 heures convoqués par le général Challe, les chefs de corps arrivent à l’EMI, accablés mais résignés : pour eux l’affaire est terminée. Le général Zeller frappé de stupeur comprend la situation. Les généraux Salan et Jouhaud s’insurgent.

À Alger, les hésitations du colonel de la Chapelle du 1er REC vont le conduire à quitter la ville pour retourner dans le bled avec son régiment.

À 17h30, Jean-Jacques Susini tente de convaincre le général Challe de signer le projet de mobilisation de huit classes de Pieds Noirs, préparé par le général Salan.

À 20 heures, la foule se rassemble sur le forum, attendant un miracle. Les quatre généraux lancent un dernier appel à la population d’Algérie.

À 22h15, les forces loyalistes commencent à réoccuper Alger.

Vers 22h30, un jeune parachutiste désespéré lance un dernier rappel sur Radio France : « nous sommes trahis, tous au forum » ou « population d’Alger, rendez-vous immédiatement au forum pour empêcher la trahison de l’emporter ».

À 24 heures, la foule d’Alger ameutée converge une dernière fois vers le forum aux cris d’Algérie française. Elle crie sa haine au président De Gaulle et son attachement à ceux, qui pourtant, au risque de se perdre, ont méprisé son renfort : elle pardonne tout aux généraux, homme courageux, tout, même leur échec. Puis l’abattement de cette foule fait peine avoir.

À une heure du matin, le colonel Cousteau chef opérationnel de l’EMIA d’Alger est prêt à reprendre le commandement de l’état-major. Le général L’Héritier masse des compagnies de gendarmes mobiles au-dessus du forum. Les officiers du GCP rassemblent leurs hommes. Dans la nuit du 25 au 26 avril, les gendarmes mobiles et le 9è zouave relèvent les légionnaires parachutistes du 1er REP et les commandos parachutistes du GCP-RG.

À 1h30, les légionnaires se dirigent sur Zéralda emportant les généraux vaincus. Les commandos se replient vers la villa Poirson. Arrivés à Zéralda, les généraux Salan et Jouhaud décident de fuir. Ils partent dans la clandestinité.

À cinq heures du matin, François Coulet qui a quitté sa planque et a retrouvé son bureau, téléphone au ministre Louis Joxe : « la légalité et rétablie ».

Les généraux Challe et Zeller et les chefs d’unité, les colonels de la Chapelle, Lecomte et Masselot, les commandants de Saint-Marc et Robin attendent leur arrestation. Mais de nombreux officiers s’éclipsent dans la foule.

Le putsch a duré cinq nuits et quatre jours moins de cent heures

  • L’OAS n’a joué qu’un rôle minime.
  • Le commandant Denoix de Saint-Marc remet le premier REP dans les mains lieutenant-colonel Guy Roux revenu de permission en catastrophe, qui ne lui fait aucun reproche.

L’échec, les promesses non tenues

  • Le putsch ne pouvait pas réussir car la France, dans son immense majorité, avait renoncé à l’Algérie française. En Algérie même, le contingent était dans le même état d’esprit. De plus les auteurs, soldats avant tout, n’avaient pas la mentalité de révolutionnaires. Le putsch s’est effondré aussi vite pour une raison principale : les dérobades des généraux et colonels qui prirent du recul dans l’attente d’y voir plus clair. Enfin le putsch manquait de souffle et aucune mesure spectaculaire n’a été prise : libération et rapatriement du contingent.
  • Le putsch a touché quelques unités militaires et surtout quelques officiers valeureux sur les champs de bataille, hommes d’honneur, mais manquant en l’occurrence de jugement politique.

L’échec du putsch peut aussi s’expliquer pour trois raisons principales :

-        rien n’était prévu pour l’Élysée et son hôte

-        n’avoir voulu tuer personne

-        n’avoir pas fait appel aux civils

Jean Balazuc et

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Jean Balazuc e6b8a

 

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