1.5 - Les homélies de Monseigneur Jean-Yves Molinas Vicaire Général de Fréjus-Toulon

XII - 50 ans après - Lundi 26 mars 1962. 

2 - Homélie du Père Jean-Yves Molinas prononcée le 26 mars 2015, en l'église de Fréjus lors de la célébration de la messe en mémoire du drame du 26 mars 1962

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Chers frères et sœurs
Chers compatriotes
Chers amis

Depuis maintenant 53 ans, nous célébrons la mémoire de ceux et celles qui sont tombés le 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger. Ce drame né de ce que certains nomment un crime d’État, ne peut cependant s’apparenter à la seule raison d’État. Cette raison qui a fait qu’en certaines circonstances, les dirigeants de pays sont amenés à prendre - souvent contre leur gré et parce qu’il n’y a pas d’autres issues - des décisions dont va souffrir le peuple ou une partie du peuple, mais qui assureront du mieux possible l’avenir de la nation. En ce qui concerne la fusillade du 26 mars 1962 il s’agit bien d’un crime d’État planifié, voulu et engendré par la haine, et programmé par la trahison.

Toutes les actions gouvernementales qui suivront auront le même but, c’est-à-dire briser toutes tentatives de résistance à l’abandon des départements français d’Algérie : les enlèvements de civils qui se compteront par milliers à partir du pseudo cessez-le-feu du 19 mars, la collaboration entre les forces terroristes du FLN, leurs représentants du GPRA et certains des organismes de l’État français dont des responsables n’hésiteront pas à livrer à l’ennemi des renseignements qui faciliteront l’élimination des résistants.

Il faut noter aussi qu’après l’indépendance - l’Algérie étend donc définitivement perdue - toutes ces ignominies ne suffisant pas, c’est la haine, essentiellement la haine, qui présidera massacre du 5 juillet à Oran. En effet, quelle autre raison que la haine pourrait justifier que l’on ait interdit aux milliers de soldats français encore présents à Oran ce 5 juillet, d’intervenir pour sauver leurs compatriotes poursuivis et abattus comme des bêtes par une foule fanatisée et manipulée.

L’horrible fin réservée à des dizaines de milliers de nos frères harkis, - abandonnés par un État qui les avait pourtant appelés à servir sous le drapeau tricolore - est, quant à elle, le fruit de la trahison du gouvernement français de l’époque, et de la haine insatiable des égorgeurs devenus désormais les nouveaux maîtres de l’Algérie.

En fait, le 26 mars 1962 va sonner l’hallali contre tous ceux qui auraient encore l’outrecuidance d’envisager pour l’Algérie, une autre destinée que celle de l’abandon. Car, là aussi comment expliquer la mise en place de troupes de tirailleurs algériens presque exclusivement musulmans, pour un maintien de l’ordre qui, sous l’effet de la présence active de personnages troubles, va très vite se transformer en un bain de sang.

En cette après-midi printanière de la terre africaine, lorsque les corps de manifestants désarmés joncheront les marches de la Grande poste d’Alger et les pavés du commencement de la rue d’Isly, le la trahison meurtrière du chef de l’État, ne fera plus aucun doute. Il est aujourd’hui historiquement prouvé que, ce jour-là, c’est bien lui qui a donné l’ordre de faire usage des armes contre la population civile.

Dès lors, que pouvait faire notre petit peuple, sinon refuser d’être désigné comme le bouc émissaire responsable d’une situation et d’une guerre dont il était lui aussi la victime. Que n’a-t-il pas fallu entendre et supporter dans ce combat inégal où nous nous sommes retrouvés seuls contre tous, ou mais tu mets la quantité de sept ou de presque si on fait l’exception de français métropolitains qui n’avaient pas été séduits par la voix du « grand homme », et qui, renonçant au carriérisme et à l’avancement, ne pouvaient se résoudre à une telle forfaiture : militaire ou civil qui n’hésitèrent pas à donner leur vie pour cette parole donnée que d’autres avaient reniée.

Des décades sont passées, et il nous est toujours reproché, ne pas dire interdit, d’honorer nos héros et nos martyrs. Un premier ministre n’a-t-il pas qualifié récemment notre devoir de mémoire de « nostalgie rance » ? Non, Monsieur le premier ministre, il ne s’agit pas d’une nostalgie rancie ! D’ailleurs nous ne sommes pas nostalgiques, mais déterminé à poursuivre jusqu’à son terme notre combat pour la vérité, la justice et honneur. Écartons donc de la bassesse de tels propos et, fort de notre foi en un Dieu juste et miséricordieux, dénonçant encore et encore cette faute donc une certaine France s’est entachée.

Mais nous ne cessons pas de croire en cette France que l’on nous a enseignée sur les bancs des écoles de notre Algérie, et dont on voudrait nous faire croire aujourd’hui qu’elle n’est qu’une vue de l’esprit. Oui, nous croyons en la France de Saint-Rémi, de Sainte Blandine, de Philippe Auguste, de Saint-Louis, de Sainte Jeanne d’Arc, de Duguesclin, de Bayard et de tant d’autres : car malgré tout, malgré la trahison dont nous avons été les victimes, nous restons attacher à cette France pour laquelle se sont battus dès 1870, nos aïeux, grands-pères et pères.

Oui, nous croyons en cette France fille aînée de l’église qui a envoyé ses missionnaires dans le monde entier pour y apporter la Bonne Nouvelle du salut et aussi l’œuvre civilisatrice de l’Europe chrétienne. Oui, nous y croyons car nous ne voulons pas laisser croire que nos martyrs du 26 mars 1962 à Alger, ceux qui les ont précédés dès 1945 et ceux qui les suivirent, seraient morts pour rien. Non, par le nom de leur vie, ils ont rejoint les Durand, Martin, Lopez, Martinez, di Pizzo, di Constanzo Cohen, Kouider qui, avant eux, s’étaient sacrifiés pour la patrie. Aussi, n’en déplaise à certains, ils sont morts pour la France. Puissent-ils tous reposer dans la douce miséricorde de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Amen

Monseigneur Molinas, Vicaire Général de Fréjus - Toulon

Source Pieds-Noirs d'Hier et d’Aujourd’hui n°223 mai juin 2015 

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