6.4 - Isly - Chanzy

VI - Les témoignages - Grande Poste les blessés, leur famille et amis

Isly - Chanzy

1 - CAZAYOUS Annie épouse FONTAS
2 - FILIPPI Jean-Pierre
3 - GERVAIS Pierre
4 - PENALBA Charles

 

 

1 - CAZAYOUS Annie épouse FONTAS

Extrait du témoignage d'Annie Cazayous épouse Fontas pour sa mère,  sœur de Jacqueline décédée aux côtés de sa mère rue Chanzy

Cazayous2

Cazayous1

 

95

 

84

Madame Cazayous et sa fille Jacqueline

 

56

 

Jacqueline Cazayous

0005OK3
Plan du quartier

 

10057

Perpendiculaire la rue d'Isly
En diagonale sur la gauche le boulevard Bugeaud et sur la droite la rue Pasteur
Au bas du plan horizontale la rue Chanzy
Les traits sont les tirs.
La rue Chanzy est la 3° zone de tirs

La foule est prise dans la nasse comprise entre les barrages - début de la rue d'Isly (Lieutenant Ouchène) - entrée avenue Pasteur dans la rue d'Isly et le deuxième barrage à la hauteur de la rue Chanzy  (Lieutenant Brossolet)

Le cœur de la fusillade, de part et d'autre du 1er barrage se trouve en coloris foncé en haut du plan


VI - Les témoignages - Grande Poste les blessés, leur famille et amis

2 - FILIPPI Jean-Pierre : Simone Planche témoigne -: les blessures avaient été faites à bout touchant

Publié dans Le Livre Blanc - Le Livre interdit de Francine Dessaigne page 46

Dès que la première rafale de F.M. eut cessé, et alors que les manifestants qui étaient allongés sur le sol se levaient, hébétés par ce qui se passait, une seconde rafale aussi violente nous cloua tous à terre, puis elle cessa.

En rampant je suis arrivée jusqu’au couloir de  « Tam publicité » (n° 55) où j’ai pu m’abriter et attendre la fin de la fusillade.

Là il y avait des morts, des blessés et du sang partout.

Les blessés furent transportés dans les bureaux de « Tam » où deux médecins civils ne tardèrent pas à arriver et à prodiguer leurs soins

J’ignore le nom de ces docteurs mais ils me firent remarquer que les blessures avaient été faites à bout touchant, celles-ci étaient noires comme ce fut le cas pour Monsieur Jean-Pierre Filippi, blessé aux reins, par exemple.

Simone PLANCHE
S.N.C.F.A. boulevard Saint Saens - Alger

 

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Le gros trait rouge indique les sous-secteurs militaires
Les deux traits verts indiquent "Tam Publicité" et le rond vert le numéro 55 de la rue d'Isly en face de la rue Chanzy.
La foule coloriée en rouge arrive au Plateau des Glières par les boulevards Péguy et Laferrière, les avenue Pasteur et du 9ème Zouave et la rue Lacépède au début de la rue d'Isly

Le numéro 55 de la rue d'Isly se trouve au bas du plan à droite, face à la rue Chanzy. en vert

 

02


Il s'agit du 3ème déclenchement du tir, angle Pasteur -Isly

Lire le commentaire du Docteur Vincent Laforge : ICI


VI - Les témoignages - Grande Poste les blessés, leur famille et amis

3 - GERVAIS Pierre : tous mes voisins étaient morts, excepté une femme et moi ... une rafale l'acheva

A hauteur de la deuxième entrée de maison (à hauteur de chez Claverie), j’ai entendu une rafale de mitraillette et aussitôt après une rafale de F.M. : je reçois une balle au flanc droit. Je m’affaissai sur la chaussée et en rampant je gagnai l’abri du hall de chez Claverie.

Et le massacre commença : une rafale de mitraillette tire par deux ou trois militaires, suivies de plusieurs autres rafales,  arrosa les gens réfugiés avec moi ; tous mes voisins étaient morts, excepté une femme et moi ; cette femme en question cria : "arrêtez le feu ! », et aussitôt une rafale l’acheva.

Moi : blessé, je me baissai à plat ventre, encore plus près de la porte d’entrée de chez Claverie, porte qui était fermée.
Pendant cette fusillade les balles avaient brisé les vitrines de côté et un militaire musulman brisa la vitrine centrale avec la crosse de son fusil et s’embusqua au fond du magasin.

Le calme était alors revenu, quand un militaire français lui dit : « sors d’ici » ! Qu’est-ce que tu fous là ? » . Le militaire interpellé sortit sans rien dire et moi, toujours à plat ventre dans le hall, je le suivis et me voyant seul rescapé de cet endroit, je poursuivis mon chemin en titubant, quand derrière moi, j’entendis un militaire dire à son interlocuteur : "Je me suis régalé ».

Pierre GERVAIS
4 rue Mogador – Alger.

Le magasin Claverie après le numéro 60 de la rue d'Isly.

 

Claverie

 

01

 

02

3ème déclenchement du tir


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4 - PENALBA Charles

Mardi 16 mai 2006

"Chère Madame,

Le 26 mars 1962, répondant à un appel de la population française vivant en Algérie, je me suis rendu à la manifestation pacifique qui devait témoigner de notre solidarité avec l'autre population française séquestrée dans le quartier de Bab el Oued par l'armée française

Les consignes des principaux organisateurs algérois avaient été données, aucune arme à feu, et aucune blanche  ne devaient se trouver en possession des manifestants pacifistes français.
Naïveté de ces organisateurs qui ne se souvinrent pas du massacre du "messieurs les Anglais ,tirez les premiers!"

Les Français de France eux avaient appris leur leçon, ils tirèrent les premiers sans le moindre ordre sur une foule désarmée.

Je me trouvais rue d'Isly lorsque d'une rue tangente nous vîmes surgir des soldats musulmans de "l'armée française". Ces soldats formèrent une barrière et nous ne comprîmes pas, sur le moment, pourquoi ils interrompaient la marche de la foule qui suivait. Ce n'est qu'une ou deux minutes plus tard que nous nous aperçûmes que la même action s'était déroulée deux cents mètres plus loin, toujours sur la rue d'Isly. Nous étions pris en étau.

C'est alors que le mitraillage a commencé, nous étions pris en sandwich entre deux feux. Ce fut l'enfer.

Ce que j'ai vu et pour lequel je porte témoignage:

1) Le premier coup de feu est sorti d'un fusil mitrailleur tenu par un soldat musulman, ce soldat se trouvait à trois ou quatre mètres, en plein milieu de la chaussée, je me trouvais sur le trottoir gauche allant vers Bab el Oued . Ce soldat que je regardais avec interrogation, parce que musulman, a commencé par mitrailler devant lui sans avoir entendu le moindre ordre de tirer; il a tiré tout simplement  parce qu' il devait le faire ou parce qu' il avait répondu à son instinct.

2) Pris de panique, tandis que je voyais autour de moi les Français se coucher volontairement ou se faire éclater la poitrine, la tête et les reins par les balles , je me suis enfui dans une impasse qui donnait sur le cinéma "Le Paris". En haut de cette impasse de 30 mètres par rapport à la rue d'Isly, se trouvaient des escaliers en forme de Z qui rejoignaient le tunnel de la rue Berthezène.
Là, à la hauteur du deuxième palier de ces escaliers, j'ai vu de mes yeux avec horreur et incompréhension, un policier français C.R.S. casqué , m'ajuster avec une mat 49. J'ai dû plonger dans la vitrine des portes du cinéma dans un réflexe spontané. Je fus touché à la jambe ainsi qu'à poitrine.

3) Blessé dans le hall du cinéma, j’entendais dehors le mitraillage et des cris si puissants et si perçants que je les entends encore aujourd'hui au travers du temps.

4) Le policier tirait dans l'impasse  tandis que j'entendais mes frères français qui n'arrivaient pas jusque dans le cinéma , crier et crier et crier. Lorsque un enfer plus tard, on me prit sur une civière pour me placer dans une ambulance garée dans la rue d'Isly, j'ai vu, alors que les ambulanciers me descendaient de l'impasse, les corps qui jonchaient le sol dans des rigoles de sang et des flaques de sang.

Je n'ai jamais su, si ce policier français avait reçu la Légion d'Honneur pour son acte héroïque et je témoigne pour qu'enfin justice soit faite et qu'il la reçoive !

Quant au musulman qui a tiré dans la foule, j'espère qu'il a reçu la médaille militaire française pour acte de bravoure devant un ennemi désarmé, sans quoi mon témoignage doit lui servir car j'en suis témoin privilégié.

Charles PENALBA, Blessé du 26 mars 

 

plan général1

10: La Grande Poste
Rue Tancrède où se trouve le cinéma "Le Paris"
Au fond l'ascenseur ou les escaliers pour rejoindre la rue Berthezène

 

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