6.4 - Isly - Chanzy

VI - Les témoignages - Grande Poste les blessés, leur famille et amis

4 - PENALBA Charles

Mardi 16 mai 2006

"Chère Madame,

Le 26 mars 1962, répondant à un appel de la population française vivant en Algérie, je me suis rendu à la manifestation pacifique qui devait témoigner de notre solidarité avec l'autre population française séquestrée dans le quartier de Bab el Oued par l'armée française

Les consignes des principaux organisateurs algérois avaient été données, aucune arme à feu, et aucune blanche  ne devaient se trouver en possession des manifestants pacifistes français.
Naïveté de ces organisateurs qui ne se souvinrent pas du massacre du "messieurs les Anglais ,tirez les premiers!"

Les Français de France eux avaient appris leur leçon, ils tirèrent les premiers sans le moindre ordre sur une foule désarmée.

Je me trouvais rue d'Isly lorsque d'une rue tangente nous vîmes surgir des soldats musulmans de "l'armée française". Ces soldats formèrent une barrière et nous ne comprîmes pas, sur le moment, pourquoi ils interrompaient la marche de la foule qui suivait. Ce n'est qu'une ou deux minutes plus tard que nous nous aperçûmes que la même action s'était déroulée deux cents mètres plus loin, toujours sur la rue d'Isly. Nous étions pris en étau.

C'est alors que le mitraillage a commencé, nous étions pris en sandwich entre deux feux. Ce fut l'enfer.

Ce que j'ai vu et pour lequel je porte témoignage:

1) Le premier coup de feu est sorti d'un fusil mitrailleur tenu par un soldat musulman, ce soldat se trouvait à trois ou quatre mètres, en plein milieu de la chaussée, je me trouvais sur le trottoir gauche allant vers Bab el Oued . Ce soldat que je regardais avec interrogation, parce que musulman, a commencé par mitrailler devant lui sans avoir entendu le moindre ordre de tirer; il a tiré tout simplement  parce qu' il devait le faire ou parce qu' il avait répondu à son instinct.

2) Pris de panique, tandis que je voyais autour de moi les Français se coucher volontairement ou se faire éclater la poitrine, la tête et les reins par les balles , je me suis enfui dans une impasse qui donnait sur le cinéma "Le Paris". En haut de cette impasse de 30 mètres par rapport à la rue d'Isly, se trouvaient des escaliers en forme de Z qui rejoignaient le tunnel de la rue Berthezène.
Là, à la hauteur du deuxième palier de ces escaliers, j'ai vu de mes yeux avec horreur et incompréhension, un policier français C.R.S. casqué , m'ajuster avec une mat 49. J'ai dû plonger dans la vitrine des portes du cinéma dans un réflexe spontané. Je fus touché à la jambe ainsi qu'à poitrine.

3) Blessé dans le hall du cinéma, j’entendais dehors le mitraillage et des cris si puissants et si perçants que je les entends encore aujourd'hui au travers du temps.

4) Le policier tirait dans l'impasse  tandis que j'entendais mes frères français qui n'arrivaient pas jusque dans le cinéma , crier et crier et crier. Lorsque un enfer plus tard, on me prit sur une civière pour me placer dans une ambulance garée dans la rue d'Isly, j'ai vu, alors que les ambulanciers me descendaient de l'impasse, les corps qui jonchaient le sol dans des rigoles de sang et des flaques de sang.

Je n'ai jamais su, si ce policier français avait reçu la Légion d'Honneur pour son acte héroïque et je témoigne pour qu'enfin justice soit faite et qu'il la reçoive !

Quant au musulman qui a tiré dans la foule, j'espère qu'il a reçu la médaille militaire française pour acte de bravoure devant un ennemi désarmé, sans quoi mon témoignage doit lui servir car j'en suis témoin privilégié.

Charles PENALBA, Blessé du 26 mars 

 

plan général1

10: La Grande Poste
Rue Tancrède où se trouve le cinéma "Le Paris"
Au fond l'ascenseur ou les escaliers pour rejoindre la rue Berthezène

 

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