6.10 - Plainte contre l’État français "pour transfert forcé de population" par Claude et Michelle Asnar - Rennes - 2014

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PAU – Cinquante-deux ans après avoir fui l’Algérie, « La valise ou le cercueil » (S.G.), un couple attaque la France pour « transfert forcé de population »

Monsieur C.A et Madame M. A. assignent l’Etat en justice.

Revues de presse.

- SUD-OUEST 15 janvier 2014

Pau : des pieds-noirs attaquent l’État pour leur « exil forcé »

C'est leur baroud d'honneur pour tenter de refermer une cicatrice toujours ouverte cinquante-deux ans après leur exil forcé. Et, surtout, pour que la France regarde en face son passé, dise enfin la vérité et reconnaisse ses fautes pendant la guerre d'Algérie", explique Me Jacques Bernadet.

L'avocat palois défend un couple de pieds-noirs béarnais qui accuse l'État d'avoir abandonné les Français d'Algérie après la signature des accords d'Évian, le 18 mars 1962, l'attaque devant le tribunal administratif de Pau pour le crime contre l'humanité de « transfert forcé de population » et demande près de 9 millions d'euros en réparation de ses préjudices. De l'avis de juristes, cette requête plaidée hier constituerait une première.

« La valise ou le cercueil »

Claude A. et son épouse Michelle [1] sont nés en 1936 à Oran. Enseignant, le premier s'y est trouvé devoir faire son service militaire comme officier commandant une unité de harkis avant de récupérer son poste de professeur, en 1961. La seconde était la fille d'un important négociant en voitures. Tous deux fuiront l'Algérie à quelques mois d'intervalle. Pour Michelle, « enceinte jusqu'au cou », ce sera quelques jours après la fusillade de la rue d'Isly, à Alger, où des militaires français tirent sur des civils pro-Algérie française, faisant une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.

Pour Claude, ce sera en juin, après avoir longtemps attendu une réponse de son administration sur son rapatriement et échappé à quatre tentatives d'enlèvement après la soudaine disparition, en mai 1962, de l'escorte militaire qui l'accompagnait jusqu'à son collège.

« Peu après, il est arrivé en retard, un matin, au lieu de rendez-vous. Sept de ses collègues ont été enlevés et n'ont jamais été retrouvés », assure son avocat. « Le seul choix qui a été offert à mes clients fut la valise ou le cercueil. Ils ont tout perdu et, s'ils ont gardé la vie sauve, ce n'est pas grâce à leur pays, qui les a abandonnés avant de les accueillir comme des chiens », assène Me Bernadet.

Et resurgissent les vieux démons. Ceux qui ont fait des milliers de morts et de disparus entre la signature du cessez-le-feu et la déclaration d'indépendance de l'Algérie, en juillet 1962, et sont toujours, en grande partie, couverts par le secret, les archives officielles sur cette période n'ayant été que partiellement ouvertes.

Les attentats des pro-Algérie française de l'OAS, les exactions des indépendantistes contre les harkis et contre ceux qui avaient servi pour l'armée française ou en étaient soupçonnés, « avec l'aide de barbouzes français de la mission C », insiste Me Bernadet.

Pour lui, « c'est en pleine conscience et à dessein que le gouvernement français de l'époque, sous le commandement du général de Gaulle, a provoqué l'exode des pieds-noirs et le massacre de dizaines de milliers de harkis. Les mobiles sont d'ordre politique et ethnique ». L'avocat voit là « le crime contre l'humanité de transfert forcé de population ».

Décision le 28 janvier

Une attaque en règle que le rapporteur public, Karine Butéri, ne minimise pas, rappelant les récentes reconnaissances - la première étant de Jacques Chirac, en 2001 - de l'État français sur ses manquements pendant cette période plus que trouble. « Ces efforts, on le sait, n'ont pas répondu à toutes les souffrances des pieds-noirs et des harkis », avoue la conseillère.

Mais elle conclut au rejet de la requête. D'abord pour incompétence du tribunal administratif « à juger d'un accord international, comme sont considérés les accords d'Évian », ou à statuer sur « la complaisance de l'État français envers une politique de purification ethnique du FLN, la mission C ayant eu une mission de police judiciaire pour combattre l'OAS ».

Puis sur le fond, parce que le transfert forcé de population « n'était pas à l'époque classé parmi les crimes contre l'humanité ». Enfin parce que « les enlèvements et les meurtres allégués commis après les accords d'Évian ne sont pas le fruit de la guerre mais des incompétences du FLN ». « Encore une fois, on nous demande d'avaler la pilule sans mot dire. Mais seule la vérité peut affronter la justice », réplique Me Bernadet, citant Camus.

Le tribunal administratif a mis sa décision en délibéré au 28 janvier. Claude A. et sa femme ne comptent pas en rester là : « Nous allons saisir, dans les prochains jours, le procureur général de la cour d'appel de Paris d'une plainte contre un membre historique du FLN, Abdelaziz Bouteflika [NDLR : l'actuel président de la République algérienne], pour crime contre l'humanité », annonce Me Bernadet.

[1] Ils souhaitent conserver l'anonymat.

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Pour Me Bernadet, « c’est à dessein que le gouvernement français de l’époque a provoqué l’exode de pieds-noirs ».
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Photo t. S.

 

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- L’ECLAIR DES PYRENEES 15 janvier 2014

Un couple pied-noir demande 9 millions d'euros à l'État.

 

Les époux Asnar accusent la France de crime contre l'humanité pour «exil forcé» et lancent des actions devant les instances internationales.

C'est une première sur le plan judiciaire: les époux Asnar, un couple de pieds-noirs vivant dans le Béarn après avoir dû quitter l'Algérie en 1962, poursuivent l'État pour «crime contre l'humanité» et réclament 9 millions d'euros en réparation du préjudice moral et matériel subi, estimant avoir été dépossédés de leurs biens et contraints à l'exode. Personne n'avait jusqu'à présent osé attaquer l'État sur ses responsabilités.

«Le transfert forcé de population est un crime contre l'humanité», a plaidé leur avocat, Me Jacques Bernadet, en faisant notamment référence à l'article 7 du Statut de Rome, texte fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Un million de rapatriés et des dizaines de milliers de harkis persécutés par le Front de libération nationale (FLN) algérien après les accords d'Évian du 18 mars 1962 avaient dû regagner la France «dans un climat d'épouvante», se souvient le couple.

«En 1962, la France de Charles de Gaulle ne peut pas ignorer que l'objectif du FLN est d'exterminer la population française. Il y a complicité d'épuration ethnique», affirme la voix de ces pieds-noirs qui «eurent pour tout choix la valise ou le cercueil».

Le 28 janvier, le tribunal administratif (TA) de Pau a rejeté la requête des époux Asnar, un rejet non pas fondé sur une appréciation concernant le fond mais sur l'incompétence de la juridiction administra­tive, s'agissant d'accords internationaux. Ce que conteste vivement Me Jacques Bernadet, qui, se fondant sur un arrêt de 2001 du Conseil d'État, estime que les accords d'Évian ne sont pas des accords internationaux. L'incompétence du TA a aussi porté sur son impossibilité à juger des actes accomplis par les services de police judiciaire, faisant référence aux actions de la «mission C» (C pour choc, NDLR), qui avaient pour objet le
démantèlement de l'OAS. «Il ne s'agit pas d'actes de police judiciaire mais d'assassins qui ont procédé à des exactions et des enlèvements!» conteste Me Bernadet.

Le comité des droits de l'homme de l'ONU est saisi.

Enfin, le Tribunal Administratif a estimé que le transfert forcé de population «n'était pas à l'époque classé parmi les crimes contre l'humanité». «Alors on se fout de la convention de Genève de 1951 et du statut de Nuremberg de 1945? rétorque Me Bernadet. Ce qui a fait partie du droit positif français pour condamner les Papon et autres Barbie ne fait plus partie du droit aujourd'hui?»

Déterminés, l'avocat et le couple ont décidé de poursuivre leurs actions en faisant appel. Ils vont saisir la Cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux mais aussi engager d'autres procédures devant les instances internationales, notamment le comité des droits de l'homme de l'ONU.

Par ailleurs, une plainte déposée en juillet dernier pour «crime contre l'humanité», «complicité de géno­cide» et «apologie de crime contre l'humanité» visant Abdelaziz Bouteflika, président de l'Algérie, Hocine Aït Ahmed, un des leaders du FLN, mais aussi Hervé Bourges, François Hollande et le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, est toujours à l'étude. Pour ces deux derniers, le couple de pieds - noirs es­time qu'ils se sont rendus coupables d'«apologie de crime contre l'humanité», lors de voyages officiels le 22 décembre 2012 et le 11 mars 2013 en rendant respectivement hommage à Maurice Audin,
militant communiste engagé aux côtés du FLN, et en se recueillant sur le monument érigé en la mémoire des hommes du FLN, avec dépôt de gerbe et minute de silence.

 

Classée sans suite par le procureur de la République de Paris, elle fait aussi aujourd'hui l'objet d'un recours.

 

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LE POINT

La France ne sera pas jugée pour le "transfert" des pieds-noirs

BORDEAUX (Reuters)

Le tribunal administratif de Pau s'est déclaré mardi incompétent pour juger la requête d'un couple de pieds-noirs d'Algérie qui avait assigné l'Etat français pour "transfert forcé de population" considéré par eux comme crime contre l'humanité.

Le tribunal a suivi les conclusions du rapporteur public, magistrat chargé de donner en toute indépendance son appréciation sur les faits et les règles de droit.

Karine Butéri avait, lors de l'audience du 14 janvier dernier, estimé que le tribunal ne pouvait juger des faits liés à un accord international, en l'occurrence les accords d'Evian signés en mars 1962 accordant l'indépendance à l'Algérie.

Mais elle avait reconnu les manquements de l'Etat dans la protection de ses populations en 1962, comme l'avait fait le président de la République Jacques Chirac en 2001.

L'avocat du couple, Me Jacques Bernadet, a annoncé qu'il ferait appel de cette décision.

Le couple de pieds-noirs - originaires d'Oran et âgés de 77 ans - accuse Paris d'avoir abandonné les Français d'Algérie.

Le mari était enseignant et avait fait son service militaire en tant qu'officier dans une unité de harkis, des supplétifs de l'armée française. Elle était la fille d'un commerçant.

Ils disent avoir été contraints de fuir leur pays dans des circonstances qui justifient les poursuites engagées.

La femme a fui vers la métropole quelques jours après la fusillade de la rue d'Isly à Alger le 26 mars 1962, lorsque l'armée française a ouvert le feu sur des civils pro-Algérie française qui manifestaient, faisant une cinquantaine de morts.

Le mari était enseignant et avait fait son service militaire en tant qu'officier dans une unité de harkis, des supplétifs de l'armée française. Elle était la fille d'un commerçant.

Ils disent avoir été contraints de fuir leur pays dans des circonstances qui justifient les poursuites engagées.

La femme a fui vers la métropole quelques jours après la fusillade de la rue d'Isly à Alger le 26 mars 1962, lorsque l'armée française a ouvert le feu sur des civils pro-Algérie française qui manifestaient, faisant une cinquantaine de morts.

"CRIME CONTRE L'HUMANITÉ"

L'homme avait fui quelques mois plus tard, en juin, après avoir attendu en vain l'ordre de rapatriement de son administration et avoir échappé à quatre tentatives d'enlèvement, abandonné qu'il était par son escorte habituelle.

Pour l'avocat, c'est au cours de cette période, entre janvier 1962 et la déclaration d'indépendance de l'Algérie en juillet, que la France va commettre l'irréparable.

"C'est en pleine conscience que le gouvernement français a provoqué l'exode des pieds-noirs et le massacre de dizaines de milliers de harkis pour des raisons politiques et ethniques", assure Me Bernadet qui y voit un "crime contre l'humanité".

Pour leur préjudice, le couple de pieds-noirs demandait près de 9 millions d'euros de dédommagement.

"Nous ferons appel bien évidemment", a dit l'avocat, rappelant avoir déjà déposé une plainte auprès du procureur de Paris en juillet dernier, notamment contre l'actuel président algérien Abdelaziz Bouteflika, un des fondateurs du Front de libération nationale algérien, pour "apologie de terrorisme".

L'avocat a engagé un recours contre le classement sans suite de cette plainte qui vise aussi François Hollande et le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone auxquels les plaignants reprochent d'avoir fleuri les tombes de combattants indépendantistes du FLN.

Claude Canellas, édité par Yves Clarisse

 

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