6.6 - Plainte contre FR3- B.F.C Production et Faouzia Fekiri réalisatrice "Porteuses de feu" pour apologie de terrrorisme par le Comité Veritas (plaignante Nicole Guiraud)- Paris - 2008-2011

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1 - Lettre de Nicole GUIRAUD à Patrick de Carolis, président de FR3 - 04 janvier 2008


2 - Lettre ouverte de Gérard LEHMANN  -  Université de Danemark Hesselager  à FR3 - 31 janvier 2008


3 -Communiqué du Comité VERITAS - message de Nicole Guiraud aux adhérents - 2009


4 -
 Compte rendu d'audience de Maître Pierre Courbis - Avocat à Cannes -  le 14 novembre 2011 : "Les Porteuses de Feu"

 

 

1 - Lettre de Nicole GUIRAUD à Patrick de Carolis, président de FR3  -  04 janvier 2008

  Francfort sur Main,   04.01.2008

                 Mr Patrick de Carolis                                 
  Président de France -Télévision
7 Esplanade Henri de France
75907   Paris cedex 15

Monsieur le président,

Je vous écris pour vous faire part de mon indignation et de ma colère au sujet d’un documentaire diffusé samedi 26 janvier 2008 sur France 3 chaîne publique, sous le titre “Les porteuses de feu”, de la réalisatrice algérienne Faouzia Fekiri, dans la série PASSÉ SOUS SILENCE .

En tant que victime, à l’âge de 10 ans, d’un attentat à la bombe à Alger qui m’a mutilée et traumatisée, je voudrais dire ainsi que de très nombreuses personnes victimes elles aussi ou témoins de ces carnages, qu’il est inadmissible de laisser diffuser de tels films d’apologie du terrorisme FLN sans débats, sans commentaire, sans entendre la voix des victimes concernées par ces crimes, sans le moindre cadre pédagogique pour relativiser la violence du message porté par cette œuvre surtout à l’heure actuelle, ou nous aurions besoin d’un dialogue de paix et non de culture de la haine …

Plus de 45 ans après la fin de la guerre d’Algérie, il n’est plus acceptable que l’on continue à n’entendre encore qu’une seule voix, à ne reconnaître qu’une seule version, celle du FLN et de ses alliés …

Depuis des décennies, les Français d’Algérie et tout particulièrement les nombreuses victimes civiles du FLN ont été insultés, instrumentalisés comme “victimes expiatoires” ou, le plus souvent, absents et littéralement PASSÉS SOUS SILENCE dans le paysage médiatique français.

Aujourd’hui, ces personnes meurtries par le “Vent de l‘Histoire” en ont assez, elles veulent être enfin respectées.

Bien sur, la presse est libre, le droit des auteurs aussi ...  

Mais la voix des victimes doit l’être tout autant !

Il est temps aujourd’hui de l’entendre, et de donner enfin la parole aux victimes civiles du terrorisme FLN, a ceux des Français d’Algérie qui ont le plus souffert, dans leur âme et dans leur chair, de ce terrible conflit.

Je joins ma Lettre Ouverte,qui vous paraîtra peut-être amère, mais qui vous donnera le point de vue partagé par l’immense majorités des Français d’Algérie, Pieds-noirs comme Harkis.

Je vous prie d’agréer, monsieur le président, mes très respectueuses salutations.

Nicole3

Nicole Guiraud
          Victime du FLN
          Artiste plasticienne


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2 -  Lettre ouverte de Gérard LEHANN  -  Université de Danemark Hesselager  à FR3 - 31 janvier 2008

 

Ass. Prof. Gérard Lehmann                                                                                          31.01.2008
Syddansk Universitet
Engvejen 18

DK - 5874 Hesselager

 

Monsieur le médiateur,

Je vous remercie de m´avoir répondu avec diligence et de m´avoir transmis les réponse des responsables de l´unité documentaires et magazines de FR3.

Je ferai en réponse les observations suivantes:

Je me félicite que la télévision publique diffuse des films ayant trait à l´histoire, et en particulier à l´histoire de France. Je suis parfaitement au courant de la carrière de Faouza Fékiri et ne conteste ni la qualité de son film ni celle de Pontecorvo sur la bataille d´Alger. Mais je leur conteste toute objectivité historique.

Je suis également d´accord avec vous pour penser que la guerre d´Algérie (on devrait d´ailleurs dire les guerres d´Algérie) est un sujet sensible et délicat qui doit faire l´objet d´un traitement qui en tienne compte. Et c´est d´ailleurs l´objet de mon intervention.

Le film de Faouza Fékiri est fort bien agencé: mêlant des interviews des tueuses du FLN, de leurs familles, d´un militaire français impliqué dans cette guerre et des images empruntées au film de Pontecorvo qui ont le caractère d´images d´archives.

Vous avancez qu´il y est beaucoup moins question du FLN, et du conflit colonial au sens large, que de la situation des femmes en pays musulman […], de femmes impliquées dans cette guerre.

Je suis en désaccord total sur ce point: le film tout entier est construit sur la guerre d´Algérie, sur la bataille d´Alger et particulièrement sur le terrorisme urbain exercé par le FLN, et sur une justification de ce terrorisme urbain. Cette justification est exprimée par les femmes terroristes, les images du film de Pontecorvo leur donnent un arrière-plan visuel fort, et les propos du militaire français les confortent.

Or, ce qui fait de ce sujet quelque chose de délicat et de sensible, c´est un problème d´éthique. Nous savons la somme d´horreurs que représente une guerre, nous savons la diversité des interprétations possibles, nous savons que la violence n´est pas toujours et partout inévitable, mais nous sommes d´accord sur une chose: faire de civils innocents des otages, en faire des cibles privilégiées de la bombe, du couteau ou du fusil, parce que justement, ce sont des civils, des innocents, et de préférence des enfants, cette stratégie qui fut un élément capital de la guerre menée par le FLN, cette pédagogie de la terreur, nous la condamnons comme barbare, comme un crime contre une certaine idée de l´homme. Tout comme nous condamnons la violence exercée contre des innocents, d´où qu´elle vienne, et qui s´appuie sur l´idée de la responsabilité collective d´un peuple et donc justifie d´en sanctionner n´importe quel membre, fût-il un bébé dans sa poussette.

C´est avec cela que je demande que l´on se mette en règle, pour reprendre l´expression d´Albert Camus. Que l´on se mette en règle avec l´idée, défendue par Sartre et Merleau-Ponty, de la terreur progressiste, de l´innocence sacrifiée pour des lendemains de bonheur. Que l´on se mette en règle avec l´idée totalitaire qui fit éclore ses fleurs empoisonnées au siècle dernier. Avec l´idée que la fin justifie tous les moyens.

Il y a des choses qui ne sont pas négociables.

Vous exprimez que l´absurdité de la violence et de la guerre, l´existence de victimes innocentes sont des évidences lorsqu´on aborde de tels sujets, et dans chaque image montrée on ne peut s´empêcher d´y penser.

Eh bien non, me voilà de nouveau en désaccord avec vous. Vous me dites que le film traite de la situation de la femme en pays musulman, et un peu plus loin qu´on ne peuts´empêcher de penser, à chaque image, àl´existence de victimes innocentes. Il y a là, d´une part contradiction dans vos propos et d´autre part une affirmation contestable: si l´on pense, dans ce film, aux victimes innocentes, on y pense comme des absents et des absentes du sujet, comme des victimes du silence. Et ce silence fait écho à celui qui recouvre le siège de Bab El Oued, les massacres du 26 mars 1962 à Alger, les milliers d´enlèvements avant et surtout après le 19 mars, la capitulation d´Évian, l´Oradour du 5 et 6 juillet 1962 à Oran, le sort des harkis. Les crimes d´État.

Le choix délibéré de parler des victimes comme des abstractions, le plaidoyer d´assassins, la justification de leurs crimes par d´autres crimes, ces extraits d´une fiction ayant le caractère d´un documentaire, c´est-à-dire prétendant refléter une certaine vérité historique, tout dans le film Les porteuses de feu, est justification des crimes commis contre des victimes innocentes. Vous précisez que ce film ne contient aucune incitation à la violence et ne fait pas l´apologie de crimes contre l´humanité. Sur ce plan, n´ayant pas qualité pour le faire, je ne poserai pas ici la question de savoir si nous avons affaire ou non au viol de la loi. Ce n´est pas mon domaine de compétence.

Vous évoquez la liberté de l´artiste, et vous avez raison. J´ai regretté que, dans le film, il n´y ait pas eu le moindre mot de regret sur les civils innocents, pour atténuer un peu l´insolence du sourire, pas la moindre question sur le sujet. Mais après tout, on ne demande pas à l´artiste d´être objectif, on lui demande d´être bon.

Laissant le choix total à l´artiste de faire partiel et partial, j´évoquerai alors votre responsabilité morale, je vous parlerai de délicatesse, d´équité, de dignité.

Vous auriez pu programmer ce documentaire dans le cadre d´un débat, vous auriez pu donner la parole à Nicole Guiraud, l´une des victimes, à dix ans, de la bombe du Milk-Bar, vous auriez pu consacrer un quart d´heure à la diffusion de son court-métrage La valise à la mer, qui a reçu de nombreux prix, et qui, lui, ne respire pas l´odeur de la vengeance et de la haine. Vous auriez pu, si vous aviez voulu.

Je formule deux souhaits, en conclusion de cette seconde lettre ouverte que je diffuserai pareillement.

Le premier est que vous preniez en compte les réserves formulées et que vous songiez à un débat sur ce problème, si actuel aujourd´hui, du bon usage de la terreur. D´après les nombreux témoignages que j´ai reçu en un temps très court, je peux me permettre de dire que beaucoup partagent mon avis. Je les remercie de s´être manifestés.

Le second est que Faouzia Fékiri s´associe sans aucune réserve à la déclaration suivante:

Aucune raison n´a jamais justifié et ne justifiera jamais le sacrifice de vies innocentes.

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3 - Communiqué du Comité VERITAS -  message de Nicole Guiraud aux adhérents  -  2009

Bonjour amis de VERITAS,

De retour à Montpellier après un saut à Paris, hier 30 septembre, pour entendre le jugement du procès des porteuses de feu.
Quelques compatriotes des associations ainsi que les deux représentants des associations de victimes du terrorisme (AFVT et MPC) qui m’avaient contactée, étaient présents pour me soutenir dans ce moment difficile.

Au bureau du greffe, nous avons pu lire le résumé du jugement (sans les motivations) dans lequel il est question de REQUALIFICATION de la plainte.

Ce n’est pas positif, ce n’est pas, non plus, entièrement négatif… A étudier lorsque le dossier sera transmis à Maître Courbis.

Simone Nicole
Nicole GUIRAUD en compagnie de Simone GAUTIER en 2ème instance du TGI de Paris

 

Evidemment, nous attendons que notre avocat, Maître Pierre Courbis, reçoive et étudie ce jugement et nous vous tiendrons informés des suites de cette affaire.

Il semblerait que le Tribunal civil se soit déclaré incompétent, déboutant notre partie civile, sur la forme, mais non sur le fond.

Pour le Tribunal, il s’agit d’une apologie du terrorisme. C’est ainsi que la plainte a été requalifiée, relevant désormais, de ce fait, du Tribunal pénal.

Notre avocat et ami, Maître Pierre Courbis, va analyser, dès qu’il en recevra les pièces, les détails de ce jugement.

Que Nicole Guiraud, qui a eu, seule, le courage de se porter partie civile, malgré tous nos appels aux autres victimes, se rassure. Le comité VERITAS ne l’abandonnera pas, et continuera, avec elle, ce dur chemin de croix vers la justice.

Il est à noter que, dans le procès que nous avions mené contre Joseph Katz, un juge d’instruction avait requalifié le pogrom d’Oran, le 5 juillet 1962, en enlèvements suivis de tortures et d’assassinats.

Nous avons poursuivi la procédure, mais, hélas, Katz a eu la mauvaise idée de mourir pendant celle-ci, et nous ne saurons jamais si c’était de peur ou de remords.        

                                                                                                                      Le comité VERITAS


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4 - Compte rendu d'audience de Maître  Pierre Courbis - Avocat à Cannes -  le 14 novembre 2011 - Les Porteuses de Feu

 La Cour d'Appel de Paris a rendu son arrêt le 7 Octobre 2011, dans le procès engagé par Mme Nicole Guiraud contre le documentaire diffusé sur France 3 le 26 Janvier 2008, intitule "Les porteuses de feu".

Ce film d'une part légitimait et glorifiait les poseuses de bombes du FLN des années 1956-1957, notamment à Alger, et d'autre part, niait totalement l'existence même des victimes de ces attentats. Nicole Guiraud et son avocat Me Pierre Courbis, avaient assigné France 3, la productrice BFC Productions et la réalisatrice Faouzia Fékiri en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par elle, victime et téléspectatrice, et en publication dans Le Monde, Le Figaro et Libération, sur la base des articles 16 du Code Civil et 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

L'article 16 du Code civil retient: "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie". L'article 3 de la convention Européenne édicte: "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants". Rappelons que Nicole Guiraud avait été grièvement blessée à l'âge de 10 ans, lors de l'explosion de la bombe au Milk Bar d'Alger, le 30 septembre 1956, attentat qui fit 3 morts et 50 blessés, dont 12 amputés, toutes victimes civiles, femmes et enfants.

En première instance, dans un jugement du 30 septembre 2009, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait requalifié l'action engagée sur le fondement des articles 16 du Code Civil et 3 de la Convention Européenne en apologie d'actes de terrorisme, délit prévu et réprimé par l'article 24, alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881, et déclaré nulle l'assignation délivrée les 19 et 25 juin 2008. Ce jugement était éminemment critiquable. Il n'avait certes pas échappé à Nicole Guiraud et à son conseil, que le premier aspect de leur demande concernait l'apologie d'actes terroriste, délit pénal réprimé par l'article 24, alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, loi qui nécessite une procédure particulière, très protectrice des organes de presse et de communication, et qui, sur le plan pénal, concernant l'apologie de terrorisme, ne peut être engagée que par le représentant du Parquet, et non par les victimes.

Aussi le choix avait été fait d'élargir la demande à un deuxième aspect celui de la négation des victimes, victimes nullement évoquées dans le film et notamment pas par la réalisatrice ni par la chaîne de télévision. Cette négation constituait une deuxième atteinte insoutenable à la dignité de victime de Nicole Guiraud et à sa dignité même de personne humaine. Et les deux aspects justifiaient le recours aux articles 16 de Code Civil et 3 de la Convention Européenne. Le tribunal de Paris en avait décidé autrement en englobant les deux aspects sous la seule qualification d'apologie d'actes terroristes. Pour faire cet amalgame, le tribunal avait retenu: - que la négation des victimes n'est que le corollaire de l'apologie d'actes terroristes ;

- que Nicole Guiraud n'est, personnellement, ni nommée, ni désignée, ni montre dans le documentaire litigieux ;

- que la seule vision du film, à laquelle chaque téléspectateur (et donc Nicole Guiraud) pouvait à son gré mettre un terme à tout moment ne saurait aucunement s'assimiler à « I‘infliction volontaire de souffrances mentales d'une intensité particulière »;

- que le documentaire constitue une contribution parmi d'autres à la compréhension d'un évènement historique et un éclairage sur les ressorts ayant pu animer tel ou tel de ses acteurs.

Nicole Guiraud et son conseil avaient décidé d'interjeter appel de ce jugement.

Devant la Cour d'Appel de Paris, ils ont plaidé avec force :

- que la négation des victimes n'est pas forcément le corollaire de I 'apologie d'actes de terrorisme : si, bien sûr, les terroristes font fi, par définition, de leurs victimes dans leurs actes comme dans leurs propos, un producteur et un réalisateur peuvent fort bien dans leur œuvre faire état du point de vue des terroristes et en faire l'apologie, en justifiant par exemple leur cause, tout en évoquant ou en donnant la parole aux victimes ;

- qu'il importe peu que Nicole Guiraud ne soit ni nommée ni montrée dans le film à partir du moment où elle fit hélas incontestablement partie des victimes, victimes qui, juridiquement, constituent un groupe restreint où chaque victime encore vivante ne peut que se sentir concernée ;

- qu'il est indécent de soutenir que Nicole Guiraud aurait pu tourner le bouton de sa télévision alors même qu'il s'agissait d'un film sur sa propre histoire dramatique et que le personnage central du documentaire était justement Zohra Drif celle-là même qui posa la bombe meurtrière au Milk Bar ;

- qu'il y a bien eu "infliction volontaire de souffrances mentales d'une particulière intensité" à partir du moment où le producteur, le réalisateur et France 3 savaient pertinemment qu'en diffusant ce film en France, où les Pieds-Noirs ont trouvé refuge, il serait forcément vu par certaines victimes, premières concernées par le sujet ;

- que le documentaire ne se contente pas de donner la parole aux « acteurs » (les terroristes) pour « éclairer leurs ressorts », il est aussi une prise de position propagandiste de la réalisatrice par ses commentaires, sa mise en scène, ses prises de vue, et la preuve de son mépris total des victimes par leur oubli et leur négation;

- qu'enfin toute une jurisprudence récente existe permettant d'agir de façon autonome de ta loi de 1881 sur le fondement des atteintes aux droits de la personnalité dont fait partie le droit à la dignité de la personne humaine .

Dans son arrêt du 7 Octobre 2011, la Cour d'Appel de Paris s'est contentée de reprendre les attendus du jugement de première instance pour confirmer ce jugement et pour rejeter les demandes de Mme Guiraud.

Celle-ci et son avocat analysent la possibilité d'un pourvoi en Cassation.

A Cannes le 14 novembre 2011 Me Pierre Courbis.

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