6.1 - L'attentat du Petit Clamart - 22 août 1962

VII -Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - JM Bastien-Thiry - L'attentat du petit Clamart - 22 août 1962

1 - L'opération Charlotte Corday.   22 août 1962 – L’attentat du Petit-Clamart

2 - Les membres du commando Charlotte Corday.

3 - Lajos Marton - Envoi de Jean-Pierre Rondeau 

 

 VII -Après le 19 mars 1962 le mensonge d'Evian - JM Bastien-Thiry - L'attentat du petit Clamart - 22 août 1962

1 - L'opération Charlotte Corday. 22 août 1962 – L’attentat du Petit-Clamart

L’attentat du Petit-Clamart, désigné par ses auteurs sous le nom d’opération Charlotte Corday, (par référence au personnage historique qui assassina Jean-Paul Marat en 1793). Le nom de l'opération désigne un assassinat politique.

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Journal Le Figaro

Il s'agit d'un groupe (OAS-Métropole / OAS-CNR) dirigé par le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, visant à assassiner le président Charles de Gaulle, le 22 août 1962 à Clamart.  

Le CNR (Conseil national de la Résistance) est un conseil secret fondé le 20 mai 1962, à Rome, par Georges Bidault, Jacques Soustelle, Antoine Argoud et Pierre Sergent. Le CNR est créé en référence au Conseil national de la Résistance de 1943. Il succède au "Comité de Vincennes" pour la défense de l'Algérie française.

Bastien-Thiry est secondé par un autre métropolitain, Alain de La Tocnaye, qui considère de Gaulle comme un « cryptocommuniste » au même titre que les Hongrois Lazlo Varga, Lajos Marton et Gyula Sari, eux-aussi farouchement anticommunistes. Le reste du commando est composé de métropolitains et de Pieds-Noirs. Ces derniers entendent venger les exactions commises contre leur communauté, notamment la fusillade de la rue d'Isly (80 morts et 200 blessés civils, ainsi que la perte de l'Algérie française).

Le 22 août 1962, aux environs de 19 h 30, deux Citroën DS 19 banalisées et escortées de deux motards quittent le palais de l'Élysée vers la base aérienne de Villacoublay pour y prendre un hélicoptère à destination de Colombey-les-Deux-Églises. À bord de la seconde, se trouvent de Gaulle, de retour d'un Conseil des ministres et son épouse Yvonne ; le colonel Alain de Boissieu, gendre et aide de camp du président, est quant à lui assis à côté du chauffeur. Alors que le cortège arrive, vers 20 heures,  à environ trois cent mètres avant le rond-point du Petit Clamart, le commando Bastien-Thiry est dissimulé en guet-apens...

Le commando est constitué de douze hommes équipés d'armes automatiques, d'explosifs et de quatre véhicules. Bastien-Thiry est dissimulé avant le croisement, dans une Simca 1000, d'où il donne le signal en agitant un journal. Cinq hommes sont dans une Estafette Renault jaune, dont deux armés de pistolets-mitrailleurs, dérobés le 7 janvier 1962 au camp de Satory par l'adjudant Robin, membre de l'OAS. La Tocnay est à bord d'une ID 19 bleue avec Georges Watin et Prévost. Une camionnette Peugeot 403, dans laquelle sont embusqués Condé, Magade et Bertin, également avec des armes automatiques, est en réserve.

Alors que la voiture présidentielle arrive à la hauteur de l'Estafette, le commando ouvre le feu sur la DS, les armes automatiques surgissent de l'arrière et crachent un feu violent. Plusieurs projectiles trouent la carrosserie de la DS et crèvent deux pneus. Avec un sang-froid remarquable, le chauffeur accélère. Cent mètres plus loin, au coin de la rue du Bois, nouveau tir venu de la  Citroën ID-19 bleue qui démarre en trombe et prend en chasse la voiture présidentielle, se plaçant entre celle-ci et la voiture d'escorte. Les occupants ouvrent le feu à plusieurs reprises. Georges Watin, envoie une rafale de MAT 49 à l'arrière de la voiture où sont assis De Gaulle et son épouse. La glace arrière, côté de Gaulle, vole en éclat.

Réalisant l'échec de l'attaque, Gérard Buisines tente d'éperonner la DS avec l'Estafette tandis qu'à ses côtés Alain de La Tocnaye, par-delà la portière, tente de mitrailler la DS.

La Citroën va être abandonnée  à hauteur du carrefour du Petit-Clamart.

Lors de l'assaut, in extremis, Boissieu crie aux De Gaulle de se baisser, ce qui leur évite d'être touchés. Boissieu ordonne au chauffeur, Francis Marroux (le même chauffeur pilotait la DS 19 présidentielle, le 8 septembre 1961, lors de l'attentat de Pont-sur-seine) d'accélérer, ce qu'il fait et il parvient, malgré l'état de la voiture et le sol mouillé, en maîtrisant difficilement la DS qui tangue sur ses pneus crevés,  à gagner à vive allure le terrain d'aviation de Vélizy-Villacoublay.


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A l'analyse il ressort :
Le chef du commando, Bastien-Thiry, se tenait à trois cents mètres en amont. Au passage du cortège, il devait agiter un journal. A ce signal, le feu serait ouvert instantanément par les deux FM de l'Estafette, dont l'arrière avait été aménagé en conséquence. La voiture présidentielle devait donc être prise de face sous un feu d'enfilade, commencé loin devant.

Mais, à cette heure, la visibilité était médiocre. Les tireurs de l'Estafette virent trop tard le signal du journal. Au lieu de commencer le tir comme prévu, ils ne purent ouvrir le feu qu'au dernier moment, alors que la DS, filant déjà à leur hauteur, allait disparaître, ne s'exposant qu'une fraction de seconde à leurs coups incertains.

Un véhicule lancé à quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure parcourt vingt-cinq mètres en une seconde. En face, le FM 24-29, avec sa cadence relativement lente (cinq cents coups à la minute) ne pouvait tirer que huit ou neuf coups par seconde, trop peu pour avoir des chances de toucher efficacement le bolide passant à très courte distance par le travers.

Ce fut encore pire avec l'ID bleue, dont les pistolets-mitrailleurs tiraient des projectiles moins rapides et moins puissants que ceux des FM. Il est extrêmement hasardeux, pour ne pas dire impossible, de toucher une cible qui passe très rapidement et perpendiculairement au tireur et à courte distance. Tous les chasseurs savent cela.

Sur les 187 balles tirées par le commando, 14 impacts seront identifiés sur la DS dont une dans le dossier du passager avant où était assis de Boissieu et plusieurs à hauteur des visages de Mme de Gaulle et du général...

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Les points d'impact à l'arrière de la DS Citroën

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Points d'impact sur le côté


Selon certains auteurs, Jean-Pax Méfret et le membre du commando Lajos Marton, les conjurés auraient bénéficié d'un appui secret au sein de l'Élysée, principalement celui du commissaire Jacques Cantelaube. Ce dernier, contrôleur général de la police et directeur de la sécurité du président, démissionna un peu avant l'attentat. Il éprouvait de l'antipathie envers l'homme dont il était chargé d'assurer la protection suite à sa conduite des affaires algériennes à partir de 1959. En fait, Jean Bastien-Thiry  se fondait sur les appels téléphoniques de guetteurs placés autour de l'Élysée — notamment d'un certain « Pierre » — sitôt qu'était prévu un déplacement du chef de l'État. »


Interpellations, jugements et verdicts.

Une gigantesque chasse à l'homme était lancée au soir du 22 août pour retrouver les auteurs de l'attentat. Au bout de quinze jours, une quinzaine de suspects étaient interpellés, alors que certains d'entre eux mettaient au point une nouvelle opération visant de Gaulle.

C'est donc à la suite de hasards et d'étonnantes imprudences que la plupart des membres du commando furent arrêtés dans les semaines suivantes. Leurs aveux et la capture de plusieurs armes ayant participé à l'attentat devaient permettre de comprendre ce qui s'était passé.

À l'occasion du procès contre les auteurs de l'attentat, le général Alain de Boissieu, gendre de De Gaulle, affirme que l'attentat fut « téléguidé » par des « milieux politiques » sans aucun rapport avec l'OAS et le CNR ». Cependant Bastien-Thiry lui même lors de sa déclaration au procès évoquera des motifs d'ordre humanitaires pour justifier son action: selon lui, l'impératif était d'arrêter le massacre des harkis restés fidèles à la France, massacre qui eut lieu en totale violation des accords d'Evian, et dont selon lui de Gaulle était directement responsable:
« Nos motifs d'action sont liés aux conséquences de l'effroyable drame humain et national qui, à la suite des événements qui se sont déroulés en Algérie depuis bientôt cinq ans, ont mis en jeu, et mettent encore journellement en jeu la liberté, les biens et la vie de très nombreux Français; après avoir mis en jeu l'existence même, en tant que telles, de collectivités nationales dans leur ensemble, et l'existence même du principe de l'unité nationale. »

Le procès s'est tenu au fort de Vincennes. Lors de la première séance, neuf accusés comparaissaient devant la Cour militaire de justice le 28 janvier 1963 : Jean-Marie Bastien-Thiry, Alain de La Tocnaye, Pascal Bertin, Gérard Buisines, Alphonse Constantin, Étienne Ducasse, Pierre-Henri Magade, Jacques Prévost et Lazlo Varga. Six autres accusés furent jugés par contumace. Les absents se nommaient Serge Bernier, Louis de Condé, Sari Gyula, Lajos Marton, Jean-Marie Naudin, et Georges Watin. Ce dernier s'est enfui en Suisse où il fut arrêté en janvier 1964 et mis au secret en prison afin d'échapper à la police française. Cette Cour militaire de justice avait pourtant été déclarée illégale par l'arrêt du Conseil d'État du 19 octobre 1962, au motif qu'elle portait atteinte aux principes généraux de droit, notamment par l’absence de tout recours contre ses décisions. De Gaulle prolongea malgré tout l'existence de cette Cour pour cette affaire...

Le 4 mars 1963, à l'issue de l'instruction à charge contre l'officier Bastien-Thiry, la Cour militaire de justice l'a jugé coupable d'avoir planifié et orchestré l'opération Charlotte Corday.

Jugés en tant que simples exécutants, les tireurs furent condamnés à différentes peines de réclusion mais bénéficièrent en 1968 de la grâce présidentielle. Mais Jean-Marie Bastien-Thiry, Alain de la Tocnaye et Jacques Prévost furent condamnés à mort. Alain de la Tocnaye et Jacques Prévost furent graciés ; les cinq accusés absents furent condamnés par contumace à des peines de mort ou de réclusion et bénéficièrent eux aussi beaucoup plus tard de la grâce présidentielle.

Seul Bastien-Thiry fut exécuté, fusillé au fort d’Ivry le 11 mars 1963, par un peloton militaire. Il fut condamné à la peine capitale aux motifs de complot contre la sûreté de l'État et tentative d'assassinat contre le président de la République.

Âgé de 35 ans, il laissait à son exécution une veuve et trois orphelines. Il restera comme le dernier condamné à mort fusillé en France.

 

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