10.4 - Axel Nicol - novembre 1962

VI - Les témoignages - Les journaux, les lecteurs

Dans « La bataille de l’OAS », Axel Nicol (Ed. Les sept couleurs, novembre 1962)

L’auteur ne fait pas mystère de son appartenance à l’OAS. Le 26 mars il se trouve place de la Poste mêlé à la foule. Il remarque, une chose insolite « il y avait des soldats sur les terrasses, notamment sur celle de l’agence Havas ». Son chef lui a dit son inquiétude, qu’il n’était pas possible « d’arrêter ça » (la manifestation) et ne lui a donné aucune directive. Désemparé il revient vers le boulevard Saint Saëns et se rend chez une amie.

C’était un roulement continu, si dense qu’on n’en définissait pas la nature. On aurait dit le grondement d’une cascade. Il diminua un moment pour reprendre de plus belle. Nous nous entre-regardions terrifiés… »

Le lendemain à son bureau il reçoit des renseignements : « on racontait des histoires qui dans un autre contexte auraient paru incroyables. Des soldats avaient marqué à la craie W4 (willaya 4) sur leurs casques. La chose me fut rapportée un grand nombre de fois….un civil vietnamien avait été trouvé tué par une balle perdue sur un toit, un fusil mitrailleur à ses côtés.

Ces détails avaient leur valeur mais n’étaient pas contrôlés. Ce qui importait au premier chef c’était la concordance des récits. La foule avait été prise au piège comme dans une nasse.

« Bientôt j’eus dans les mains des photographies de la tuerie, suivies d’autres prises à la morgue. En fin d’après-midi, on m’apporta plusieurs boîtes extrêmement précieuses. Presque toutes les caméras, les appareils photographiques des reporters français et étrangers avaient été saisis par les CRS ou les gendarmes mobiles et les pellicules détruites. Deux américains, l’un travaillant pour CBS l’autre pour une compagnie américaine dont j’ai oublié le nom, avaient réussi à sauver leurs films et enregistrements. Ils étaient accompagnés d’un membre de l’organisation à qui ils passaient les bobines impressionnées au fur et à mesure… » L’auteur les reçoit avec mission de les expédier en métropole pour leur acheminement pour le Canada et les USA.

Il veut en garder une copie mais il n’y a pas à Alger de laboratoires capables d’exécuter ce travail. Je dus abandonner ce projet, toutefois je pris un duplicata des bandes magnétiques.

Ce document unique réalisé au cœur même du feu était hallucinant. Il débutait par un bruit d’ambiance de foule. Au loin on chantait la Marseillaise, à côté de l’opérateur, des gens parlaient, on les entendait très distinctement. Une voix juvénile disait : « Ah, vous connaissez ma sœur ! ». Puis c’était la fusillade, les cris des blessés, les râles … ». Plus loin il précise : «  Il est à noter que les enregistrements sont d’une technique parfaite. On y entend le vrombissement lointain d’un hélicoptère, le bruit d’un klaxon situé au moins à 200 mètres à vol d’oiseau puisque le périmètre de la manifestation était interdit à la circulation des automobiles. On n’y perçoit pas une seule sommation, pas un seul de ces coups de feu préliminaires tirés sur le service ‘ordre, si l’on en croit la version officielle... »

Le précieux colis fut acheminé vers l’Amérique. Où est maintenant le duplicata des bandes magnétiques ? Le pseudonyme gardant bien son secret, nous ne le saurons pas.

Il reste qu’il se dégage de ce livre bien vite écrit après les événements, un accent de sincérité et des détails qui confirment qu’ils furent vécus. Le civil vietnamien tué dont aucun journal n’a parlé apparaît ici pour la première fois, de même que la destruction des pellicules par le service d’ordre.

“Un crime sans assassins” de Francine DESSAIGNE et Marie-Jeanne Rey - Page 318.

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Les soldats sur le toit de l'agence Havas ont vue sur toute la nasse dans laquelle se trouvent pris les manifestants, rue Chanzy, rue d'Isly, boulevard Laferrière qui traverse la plateau des Glières, juste devant la Grande Poste, de l'autre côté du boulevard Bugeaud, juste après le Crédit Foncier à droite

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