5.25 - MAZARD Guy 28 ans

VI - Les témoignages - Grande Poste Les familles, les amis, les journaux

2 - TÉMOIGNAGE DE MARIE LOUISE SEIBERRAS

Le 26 mars 1962, en début d’après-midi, mon jeune cousin germain, passa me voir et insista pour que j’aille avec lui à la manifestation en faveur des habitants de Bâb el Oued. Comme j’étais dans l’impossibilité de l’accompagner, il s’y rendit avec son père, et laissa sa voiture rue Edgard Quinet, près de chez moi, car il craignait que « les forces de l’ordre » ne lui fassent subir des dégâts. Il ne pensait évidemment pas prendre lui-même des risques graves.

Dans la soirée, ma tante m’appela et je n’entendis qu’une phrase « on m’a tué mon fils ».

Bien que nous ayons pu ramener le corps à son domicile, les obsèques de Guy se déroulèrent à la sauvette. Le chanoine Lecocq vint donner une bénédiction à la maison car on nous avait interdit l’église. Au cimetière un petit détachement de militaires bien indifférent à notre douleur nous surveillait. Un jeune officier se permit d’avertir : « attention pas de manifestations ! ». Ulcéré, mon oncle répondit : « foutez-moi la paix ! Laissez-moi enterrer mon fils … ou je vous mets dans le trou avec lui ».

Note de Francine DESSAIGNE : A l’égal du témoignage de Monsieur ZELPHATI ou de celui de L.M. VENGUT ( que nous verrons plus loin) la sobriété même du court récit de Madame SEIBERRAS nous permet d’imaginer le surcroît de douleur imposé aux familles par les difficultés rencontrées à offrir, à leurs morts, les obsèques décentes qui leur étaient dues.

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