4.1 - Un travail de mémoire

I - Une journée historique - La page n'est pas tournée.

1 - A la mémoire de tous ceux morts "par la France" et "pour l'honneur de la France": de l'Algérie française aux massacres de 1962   

2 - Témoignage de Simone GAUTIER : A la mémoire de ceux morts "pour la France" : l'enfer des tranchées - à la mémoire des Poilus de Verdun.

3 -Témoignage de Madame Maury Pierrot : "Le devoir de mémoire s'adresse plus particulièrement à la jeunesse, car c'est à elle qu'appartient l'Avenir ...

4 - "Ballade de ceux qui n’oublient pas" de Louis de Condé - Cellule 23 - Cellule des Condamnés à mort - Fresnes CNO  - août 1965


 

 

 

I - Une journée historique - La page n'est pas tournée. 

1 - A la mémoire de tous ceux morts" par la France" et "pour l'honneur de la France": de l'Algérie française aux massacres de 1962  

Je me suis enfermée pendant quarante trois ans dans le silence et l’oubli, en refoulant l’angoisse intolérable du 26 mars 1962 à Alger.

J’ai dû neutraliser ma mémoire de ce traumatisme, la préserver de toute représentation mentale, des images, par des compensations qui ont duré toutes ces années. J’ai dû mobiliser toute mon énergie pour me défendre contre cette angoisse intolérable et cela ne m’a pas permis de passer à autre chose. Oublier, mettre de côté, se contenter de souvenirs, tourner la page ... ne signifient rien. Il y avait seulement plus urgent à satisfaire.

 Et puis, le moment est venu. J’ai fini par acquérir, sans doute, une meilleure capacité à me défendre de cet intolérable, en le libérant. Je m’en libère en l’écrivant, en en parlant, en construisant ce site, en utilisant cette angoisse liée aux souvenirs enfouis dans ma mémoire, en allant à la rencontre de nos mémoires plurielles.

Pour tous nos martyrs du 26 mars 1962 à Alger, il est aussi une mémoire familiale inscrite dans l’histoire de chacun d’eux, transmise de génération en génération. C’est en rendant hommage à tous nos massacrés de ce jour-là, c’est en sortant leur drame des ténèbres, enfoui au plus profond de cet infâme secret d’ État, que nous contribuerons à la mémoire collective. La conscience de ce qui s’est passé ce jour-là par les révélations successives de chacun d’entre nous aide à poursuivre l’œuvre créatrice de nos mémoires familiale et collective.

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4. Les corps

26 mars 1962 - La morgue à l'hôpital Mustapha

 

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Philippe GAUTIER

 

Nos morts occupent une si grand place dans l ’Histoire de l’Algérie française et dans la signification et l’enjeu qu’il faut donner au récit de leur massacre, qu’ils nous interrogent : quel groupe humain initial, quelle culture initiale, quelle civilisation passée ou présente, de la plus rudimentaire à la plus sophistiquée, quelle religion depuis la nuit des temps jusqu’à aujourd’hui, n’a pas honoré ses morts, n’honore pas ses morts ? Nous ne tournerons pas la page sur nos morts et la souffrance des vivants.

En refusant d’honorer nos morts l’ État français signe dans le sang cet assassinat collectif de Français, ce massacre de masse, la solution finale du problème algérien. Dans cette préméditation, la décision du 26 mars a quelque chose de systématique, qui est mise en place. Par le feu ....

 Le "travail de mémoire" est différent du "devoir de mémoire" qui revient à la société toute entière. Je laisse aux associations le pieux devoir de mémoire, qui rend compte de l’exigence, non seulement de notre communauté toute entière, mais aussi du peuple français tout entier.

 Ce travail de mémoire me parait la mission de tous les témoins de ces massacres, qui contient et dépasse l’émotion, pour permettre une réflexion qui dure au-delà de l’évènement pour en donner la compréhension dans ses causes et ses effets. Que tous nos témoignages  permettent la transmission, c'est notre mission.

Je voudrais que ce site soit un lieu de "travail de mémoire", pour nous tous, tous ensemble concernés. Car comment transmettre une mémoire qui n’est pas celle d’un individu mais de milliers d’êtres humains.

Le petit port de Pointe Pescade où se coudoient Bâb El Oued, la Casbah et Saint Eugène.

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Sous les ombrages du Clos Salembier, la piscine du centre de jeunesse Fréderic LUNG.
(Photos extraites du "Grand Alger" Edition Sepia pour les services de la ville d'Alger juillet 1961).

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I - Une journée historique - La page n'est pas tournée.

2 - Témoignage de Simone GAUTIER : A la mémoire de ceux morts "pour la France" : l'enfer des tranchées - à la mémoire des Poilus de Verdun.
 

Lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai voulu retrouver mon grand-père, dans cette interrogation existentielle ... mais d'où je viens ?

Je savais qu'il était mort à Verdun par ma grand-mère. Mais dans mon souvenir jamais personne ne s'est rendu à Verdun.

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Ma grand-mère disait : " Votre grand-père est mort pour la France et vous devez en être fières ". Alors ma sœur et moi, nous étions fières.

J'ai mis deux ans à retrouver sa petite croix blanche dans la nécropole nationale de Chattencourt car il a été enterré avec une faute d'orthographe à son nom. C'est maintenant rectifié.

Je l'ai trouvé, je me suis effondrée sur sa tombe et je lui ai dit : cher grand-père, ai-je bien mérité de toi ? Je voudrais tant que tu sois fier de moi !

Il était brancardier. Il est mort, rapatrié dans sa tranchée, à Bettincourt, qui n'existe plus, intoxiqué  par les gaz. Une mort horrible, dans de grandes souffrances m'a confirmé un médecin militaire.

Alors depuis je vais à Chattencourt, fleurir cette petite croix blanche.

Depuis j'ai appris qu'ils sont deux par croix. Alors n'oubliez pas, si vous allez fleurir une petite croix blanche, n’oubliez pas, ils sont deux par croix.

J'ai aussi cherché la petite croix blanche du mari de Zohra, celle qui m'a élevée après la mort de ma mère... Je ne l'ai pas trouvée...

Oui, moment de ferveur, de mémoire, de reconnaissance, de recueillement, de piété, de silence, de spiritualité, de transcendance...Vous les morts de Verdun, je vous aime !

 

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** Un message de Georges Festa adressé  le 28 mai 2016

Merci à vous et bravo.
Ce qui est frappant, justement, ce sont ces milliers de croix laissées à l'abandon par les descendants : un constat qui en dit sur les traumatismes subis (au point de susciter une véritable amnésie collective), mais aussi l'absence -délibérée- ? au nom de l'amitié franco-allemande ou de l'idéal européen ? - d'une véritable politique mémorielle au sens plein du terme, c'est-à-dire intergénérationnelle et éduquant aux valeurs de solidarité et de civisme. Nous en sommes loin. Et ce désert de croix blanches en témoigne. Mais il ne faut jamais désespérer. Cela, les Arméniens nous l'apprennent. Eux qui n'oublient rien des exodes et des massacres subis. Eux qui commémorent régulièrement le 24 avril 1915.
Amitiés

Soyez remercié. S. Gautier

 

** Réponse du Souvenir français en date du 26 janvier 2017
De : LE SOUVENIR FRANÇAIS SIEGE - Secrétariat
À : "simone.gautier
Cc : LE SOUVENIR FRANÇAIS SIEGE - Président

Objet : DU CGA BARCELLINI A MME GAUTIER - Meilleurs voeux du Souvenir Français

Chère Madame,

J’ai toujours pour habitude de lire les mails que l’on m’adresse – même en réponse de vœux !
Je suis très sensible à votre remarque sur la cérémonie de Verdun du 27 mai 2016.
Ayant appris la scénographie par avance, je l’ai contesté et me suis abstenu de me rendre à la cérémonie.
Je partage donc totalement votre remarque sur le respect nécessaire qui doit entourer nos cérémonies.

Je vous prie de croire, Madame, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Signé : le contrôleur général des armées Serge BARCELLINI,
Président Général de l’association « Le Souvenir Français ».

Avec toute ma gratitude. Merci S.Gautier

 


 

I - Une journée historique - La page n'est pas tournée.

3- Témoignage de Madame Maury Pierrot : "Le devoir de mémoire s'adresse plus particulièrement à la jeunesse, car c'est à elle qu'appartient l'Avenir ... "

 Courrier de Madame Maury Pierrot

Bonjour madame,

Votre article parue sur " Aux Échos d'Alger" de septembre m'a beaucoup émue, étant moi- même concernée par la bataille de Verdun notamment.

"Le devoir de mémoire s'adresse plus particulièrement à la jeunesse, car c'est à elle qu'appartient l'Avenir et c'est à chacun de nous d'en être l'interprète"
JP. Massaret- Chargé des Anciens Combattants./(1914/18)


En ce qui me concerne, j'ai souhaité que mon travail de recherche sur cette dramatique période contribue à maintenir la mémoire d'une génération sacrifiée  :  4 années de combats harassants, héroïques et meurtriers, des milliers de victimes, des familles meurtries, décimées, des esprits bouleversés.

Tel fut le prix à payer avant que ne retentisse le clairon de la victoire le 11 novembre 1918.

Ce sont 3 hommes de ma famille qui ont combattu dans cette effroyable guerre :

Michel Capella2

- Michel Capella, mon oncle-  né à Mouzaïaville le 03.10.1890. Le 27.10.1916 il décède des suites de ses blessures à Zeiterlink en Grèce. De violents combats  se déroulaient dans les Balkans (Salonique-Dardarnelles). 
Le nom de Michel Capella figurait sur la liste des Morts pour la France, gravée dans le marbre du Monuments aux Morts de Mouzaïaville.

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- Eugène Legrand. (mon grand-père maternel - né le11.01.1880 né à Neuilly sur Seine. Il subira les affres des gaz asphyxiants utilisés par les Allemands en avril 1915 et décède le 23 .06.1918 à St Dizier.dans de terribles souffrances. Il laissait une femme et 2 enfants -15 et 10 ans.

 

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- Paul Capella mon papa, né à Mouzaïaville le 15 avril 1893 - classe 13. Il décède le 07.03.1969 à Varennes dans le Tarn et Garonne.

Par quel miracle papa  est sorti de ces longues années d'horreur ? Il a eu la capacité d'endurer la souffrance, le froid, la faim...Des terribles souvenirs lui revenaient sans cesse, comme les voix de ses camarades tombés à ses côtés qui hantaient  ses nuits.

Ses longs silences étaient peuplés d'images, comme ce corps à corps pour la vie avec un soldat Allemand, où il fut grièvement blessé, blessure qui s'ajoutait à d'autres ..... Cette lettre  qui arrive trop tard et qui  annonce la naissance de son enfant à son meilleur copain qui vient de tomber à ses côtés....

Dans le cadre ses médailles:.
Soldat du 6ième Régiment de Tirailleurs Capella Paul. A fait toute la campagne 1914-1918.Partant de gauche:

                                   - Médaille commémorative                               - Médaille interallié   

                                                                            - Médaille de Verdun

                                   - Médaille du Combattant                                 - Médaille des blessures                  

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J'espère chère madame avoir répondu à votre attente, (ne pas avoir été trop bavarde) n'hésitez pas à me demander pour d'autres renseignements si nécessaire.

Bien cordialement.

Madame Maury Pierrot

 


I - Une journée historique - La page n'est pas tournée. 

4 - "Ballade de ceux qui n’oublient pas" de Louis de Condé - Cellule 23 - Cellule des Condamnés à mort - Fresnes CNO - août 1965  

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Extrait du recueil "Voyages"  272 pages Charmeil -  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Louis de Condé a d'abord servi sous l'uniforme en Algérie (étudiant-stagiaire dans une SAS de l'Ouarsenis puis E.V.D.A. - Engagé Volontaire par Devancement d'Appel dans la brigade des paras  Coloniaux - puis E. O. R. - Élève Officier de Réserve - puis sous-lieutenant de Légion ) puis dans l'O.A.S. (sans uniforme mais c'était encore l'armée.

Après m'être battu les armes à la main, en prison, je me suis battu avec ma plume, pour faire connaître à nos contemporains et peut-être aussi aux générations futures, ce que fut la tragédie et qui fut le traitre, le plus grand traitre de l'histoire de France. J'ai dénoncé aussi la lâcheté des métropolitains qui ont accepté l'abandon et les massacres. Comme toi je cherche encore à remplir mon devoir de mémoire.

J'ai parcouru ton site, extrêmement riche et foisonnant. Je me réserve bien entendu de le lire intégralement. Je cherche une photo, puisque tu me le demandes, qui puisse être placée sur ton site. Merci pour tout. A bientôt.

Je t'embrasse -  Louis - 19 juin 2017

 

 

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