5.19 - HUGUES Pauline née BERTHON 66 ans

 

1 - Témoignage de Jacques Berthon, son neveu

Ce fut pour nous tous gravissime.
Ma tante, Pauline HUGUES, était veuve. Elle était la sœur de mon père. Elle était Directrice d’école primaire et retraitée de l’Education nationale. Elle avait 65 ans. Elle est partie seule à la manifestation pour porter secours aux gens de Bâb el Oued.

Moi, j’étais instituteur à El Golea.
C’est mon père qui m’a raconté et je ne sais plus qui l’a averti.
Après des recherches angoissées, le corps de ma tante fut retrouvé à l’hôpital Mustapha. Son corps était nu. On a fini par retrouver son corps au milieu d’autres corps, entièrement nus, empilés les uns sur les autres. Ce fut épouvantable. Mon père a reconnu sa sœur grâce à la couleur et à l’abondance de ses cheveux. Elle avait une chevelure très blanche, très épaisse. Elle était nue sous une pile de cadavres. Elle a été tuée à bout portant, d’une balle dans la poitrine. Nous avons su qu’elle s’était réfugiée, avec d’autres, dans une entrée d’immeuble, avenue Pasteur. Elle a été tuée délibérément à bout portant, alors qu’elle se croyait protégée. »

Mon père a été très marqué par cette mort tragique. Il n’en plus jamais parlé. Cela faisait trop mal. Il est resté très secret, enfermé sur lui-même. Nous avons respecté son silence.

Nous n’avons plus de relations familiales mais je veux témoigner pour ma tante. Son petit-fils est journaliste. Il présente le "7 à 8" sur TF1.

Jacques BERTHON 2 rue Jean Fabry 11 100 Narbonne

J’ai voulu prendre contact avec son petit-fils, journaliste (FR3). Il ne m’a pas répondu. J’ai abandonné la recherche de son témoignage ou de son soutien

(Simone GAUTIER)

02

03

El GOLEA


VI - Les témoignages - Grande Poste Les familles, les amis, les journaux

2 - Témoignage de Ladame LAUMONIER
Trois jours plus tard les funérailles

Jeudi 29 mars 1962, j’assistais aux obsèques de Madame Hugues, Chevalier de la Légion d’honneur, tuée au cours de la fusillade du lundi.

Rendez-vous fixé à 8 heures 30 à l’hôpital Mustapha. A 8 heures , j’apprends qu’il faut se rendre directement à El Alia où le gardien nous fait savoir que les corps des victimes ne sont pas encore là mais, nous dirigeant vers le monument aux morts du cimetière, nous découvrons les cercueils dans un petit réduit où nuitamment, en camions bâchés, ils ont été transportés là.

Six cercueils à même le sol, chacun dans un coin, celui que nous cherchons face à l’entrée. Les gens écartent les gerbes, essayant de déchiffrer les noms. Pas une chaise pour les familles. Pas un cierge.

Le dernier cercueil est en bois blanc, hâtivement fait. Dehors aucune autorité, pas traces de pompes funèbres. Un prêtre s’avance et dit : "Le service religieux aura lieu devant le monument aux morts. Le prêtre qui officiait et trois autres auprès de lui donnent à l’enterrement un air de dignité cependant qu’un hélicoptère tournoie sans arrêt au-dessus de nous.

A la fin de la cérémonie, un camion militaire passe auprès des cercueils avec des soldats en armes, mi- européens, mi- musulmans, sans esquisser le moindre geste de respect, ils passent restant assis sur leurs bancs. Un sentiment de gêne parcourt l’assistance. Sur le camion vide, en partant, nous voyons ce papillon fixé par une main anonyme :
NOUS ENTERRONS NOS MORTS ASSASSINES PAR L’ARMÉE FRANÇAISE ? AYEZ LA PUDEUR DE NE PAS VOUS MONTRER.

Attente de plus d’une demi-heure du conservateur. Certaines familles sont obligées d’aller chercher le permis d’inhumer.

Dans les fosses hâtivement creusées, quelques incidents, fosse trop étroite, on risque de se tromper de trou. Pas de condoléances. Chacun repart.

Si les prêtres n’avaient essayé de donner un peu de grandeur à ces enterrements, ces six victimes auraient été enterrées comme des chiens.

Madame B. Laumonier
Le Livre Blanc - Francine Dessaigne.

POSITION DE L’ARMÉE AU MOMENT DU DÉCLENCHEMENT DU TIR


05

06

Retour Sommaire

Informations supplémentaires