2.8 - MICUCCI Jean-Claude : pour avoir vécu activement les événements tragiques...

VI - Les témoignages - Bâb el Oued - Les assiégés

MICUCCI Jean-Claude 83 400 Hyères
A.C. volontaire - Ancien interné

Pour avoir vécu activement les évènements tragiques survenus à Bâb el Oued le 23 mars 1962 et le blocus qui dura cinq jours, je veux apporter mon témoignage.

Les T6 qui ont évolué le 23 mars après-midi au-dessus de notre quartier n'ont pas fait que des tirs d'intimidation. Auparavant il serait bon de se remémorer le contexte du moment. Après la parole d'Evian et du "cessez-le-feu bidon du 19 mars", dans un dernier élan de résistance, l'OAS Alger avait interdit l'entrée de patrouilles militaires dans Bâb el Oued, réputé comme le noyau dur de cette résistance, espérant provoquer un sursaut favorable de l'armée, très perturbée par la part belle faite au FLN à qui De Gaulle venait de livrer l'Algérie. Le 23 mars au petit matin le camion d'une première patrouille d'appelés du Train dérapait sur de l'huile répandue sur la chaussée. Vite entourée par de nombreux jeunes non armés, ils n'opposèrent pas de résistance à la récupération de leurs armes ....ne voulant pas tirer sur cette foule.

Une seconde  patrouille de deux camions se présenta un peu plus tard.

Dans l'un d'eux un militaire (d'origine musulmane) arma sa Mat 49, prêt à faire feu. Un commando OAS, infiltré la veille venant de la Mitidja, avait installé un FM Bar, en protection du groupe de jeunes sans armes. Le tireur vida son chargeur. Est-ce  par manque de sang-froid ou a-t-il sauvé la vie de certains intervenants ? Le pire drame venait de se produire, les balles avaient fauché à mort six militaires et en avaient blessé d'autres, vite transportés par la population dans les hôpitaux proches. Le cauchemar de ce petit peuple devait commencer en début d'après-midi. Chars et automitrailleuses EBR entrèrent en action, tirant sur toutes les façades et balcons. Suivirent les troupes à pied, gardes mobiles et zouaves, occasionnant de nombreuses victimes à l'intérieur des appartements et cherchant le contact avec le commando de la Mitidja. Un hélicoptère Alouette s'évertuait à jeter des grenades sur les terrasses des immeubles quand une 12.7 (mitrailleuse) lui répondit, et c'est alors qu'intervinrent les T6, à la mitrailleuse et à la roquette qui tuèrent les servants. Ils continuèrent à arroser les terrasses alentour touchant les appartements situés en-dessous.

Après le passage "des hordes" lancées par Paris, Bâb el Oued ressemblait à un petit Budapest. Le bilan officiel de vingt morts et quatre vingt blessés dans la population civile ne reflétait pas la réalité ; jusqu'à la levée du blocus certaines familles ne déclarèrent pas leurs morts et leurs blessés !

Tout ceci étant dit avant que les voix ne s'éteignent.

Témoignage paru en décembre 2005 dans la revue l'algérianiste

Reçu le 20 décembre 2011

Informations supplémentaires