3.2 - L'exil et le silence

1 - Avant propos  : l'Exil - Citations

"Cette peine de l'exil a cela de cruel qu'elle fait beaucoup souffrir et n'apprend rien. Elle immobilise en quelque sorte l'esprit de ceux qui l'endure, le détient à jamais dans les idées qu'il avait conçues ou dans celles qui avaient cours au moment où il a commencé.
Pour lui, les faits nouveaux qui se produisent dans le pays et les nouvelles mœurs qui s'y établissent, ne sont pas.
C'est comme l'aiguille qui reste fixe sur l'heure à laquelle on l'a arrêtée, quel que soit désormais le cours du temps."
Tocqueville, Deux chapitres sur le Directoire.

L'exil c'est la nudité du droit
Victor HUGO - Correspondance

L'exilé est un mort sans tombeau
Publius Syrius - Sentences

08

 

09

 

10

 

Exil 21


I - Une journée historique - L'exil ou la patrie perdue.


2 - Ces inconnus qui arrivent d’Algérie  -  Extraits de la revue Rallye Jeunesse 1962

Interview
À la rentrée, vous allez vous retrouver côte à côte avec des milliers de nouveau, les jeunes rapatriés d’Algérie.
Comme Marie-Paule, lectrice de Lyon, donc vous lirez la lettre ci-dessous vous demanderez sans doute : qui sont-ils ? Qu’attendent-ils de nous ?

« Les derniers événements m’ont un peu choquée et je voudrais avoir l’opinion du Rallye sur « les Pieds-Noirs » nouveaux rapatriés d’AFN, non pas pour les haïr mais pour les aimer comme les français habitant la France. D’après les adultes on dirait qu’ils ont volé je ne sais quoi. »

Marie-Paule - 15 ans

*19 heures. Le grand hall d’arrivée du passager de l’aéroport d’Orly est encore inondé de soleil. Il fait très chaud. Dans un coin, un peu à l’écart, se trouve un comptoir. Derrière le comptoir, attendent patiemment plusieurs personnes portant brassard. Nous nous trouvons au bureau d’accueil de ce qu’il est convenu d’appeler les « rapatriés » d’Algérie.

« Les passagers en provenance d’Oran seront là dans quelques minutes », me dit une hôtesse.

Les nouvelles attentes. Les voilà qui arrive enfin en ordre dispersé, par groupe de deux ou trois. Ils ont le visage marqué par la fatigue, certains ont les yeux rouges. Peu de jeunes parmi eux. En voici un, enfin. Un garçon d’une quinzaine d’années, lourdement chargés. Il passe devant nous sans que nous voulions l’arrêter, retenu par une certaine pudeur. Comment va-t-il accueillir nos questions ?
Tant pis, il faut y aller.

Il s’appelle Pierre. Il a près de 15 ans. Les cheveux bruns, les traits réguliers, l’air résolu. Il a une façon de vous regarder en face qui vous donne tout de suite confiance. On sent en lui une telle maturité qui accentue encore ses vêtements de coupes très classique : un pantalon gris et un blazer bleu marine. C’est un « Pied-Noir ». Il est né à Sidi Bel Abbès, une petite ville de l’Oranais. Il a quitté sa maison, son pays, le matin même. Voilà. Les présentations sont faites. Elles ont été facilitées par le fait que Pierre connaît bien Rallye jeunesse. C’est en prenant un pot que nous allons bavarder un moment.

Q- Peux-tu nous parler de ton cadre de vie, de ta situation familiale, de tes études ?

R- Je suis en classe de troisième, au lycée Laperrine, à Bel Abbès. Toute la famille est rentrée en France, sauf mon père qui est resté à Bel Abbès où il a son travail.

Q- Dans quelle région aimerais-tu vivre ?

- Dans le Midi, bien sûr ! Sans cela, vous savez, le soleil nous manquerait trop !

- Est-ce que tu désires retourner en Algérie ?

- Oui, bien sûr. Mais je ne pense pas que cela soit encore possible. Vous comprenez les parents sont commerçants. Alors, on n’aura pas besoin de là-bas.

- Est-ce que tu penses pouvoir t’adapter facilement à la vie d’ici, ou bien as-tu des appréhensions ?

- J’ai surtout peur de ce que les gens pensent de nous. On nous appelle les « sauterelles », vous savez. Bien sûr, je pourrais vivre et faire mes études. Mais pour trouver des amis, je ne sais pas si cela sera possible.

- Est-ce que tu désires te faire des amis ici bien-penses-tu fréquenter uniquement des jeunes originaires d’Algérie ?

- Je voudrais bien me faire des amis ici. L’Algérie, maintenant, c’est fini. On ne peut pas vivre sur le passé. On peut être ami même si l’on a des idées différentes sur certains points pourvus qu’on ait un idéal en commun. Les jeunes qui viennent d’Algérie et ceux de France ont beaucoup à apprendre les uns des autres.

- Une dernière question, Pierre, avant de te rendre ta liberté : quelles sont les valeurs auxquelles tu attaches plus d’importance ?

- Si difficile. Je n’y ai jamais trop réfléchi… Je crois que c’est l’amitié, la solidarité et l’amour. Tout ce qui rapproche les hommes entre…

01

02

Durant notre conversation un autre appareil avait atterri venant d’Alger. Dans le flot beaucoup plus serré des passagers qui défile devant nous, nous remarquons une jeune fille accompagnée de sa mère ; poursuivant sur notre lancée, nous lui demandons la permission de lui poser quelques questions. Un sourire, un oui timide… Nous nous asseyons de nouveaux à la table que nous venions de quitter.

Dressons tout d’abord rapidement la fiche traditionnelle d’identité. Prénom : Colette ; âge : 19 ans ; profession : dactylo ; lieu de naissance : Relizane dans l’oranais.
Jolie brune aux yeux verts, ce qui est assez rare, le visage mince, Colette et vêtue d’une robe d’été jaune et d’une veste en plastique vert.

- Est-ce que c’est la première fois que vous venez en France ?

- Non. Je suis déjà venu en vacances. Il y a deux ans. J’avais passé un mois à Paris. J’y ai des cousins. C’était en septembre le ciel était bien gris, mais j’en ai gardé un très beau souvenir.

- Avez-vous l’intention de repartir en Algérie ?

- Je ne pense pas. J’avais toujours rêvé de venir en France. Si cela s’arrange là-bas et si l’on peut un jour y vivre comme avant, j’y retournerai peut-être, mais cela m’étonnerait.

- Quelles sont maintenant vos principales préoccupations ?

- Mon père, bien sûr. Il est resté là-bas et nous nous y faisons beaucoup de souci pour lui. Il faut aussi que je trouve rapidement du travail. Dans l’immédiat, c’est cela qui m’inquiète le plus. À part cela, j’ai un peu peur des gens d’ici. Je crois qu’ils pensent beaucoup de mal de nous. Peut-être que quand on se connaîtra cela ira mieux. De toute façon, moi, j’ai décidé de refaire ma vie ici et je voudrais bien me faire des amies.

- Qu’est-ce que vous regretterez le plus de ce que vous avez abandonné ?

- C’est difficile à dire. Tout. Les souvenirs, mes amis, le soleil et la Méditerranée ; pourtant j’ai été bien privé de distraction. Avec les événements, mes parents ne voulaient pas que je sorte beaucoup. Une séance de cinéma de temps en temps, c’est à peu près tout.

03

 

Pour voir le diaporama, cliquez sur l’image ci-dessous.
Pour arrêter l'image cliquez sur pause. Pour avancer cliquez sur "Next" et pour revenir à l'image précédente cliquez sur "Prev".

Vous pouvez agrandir l'image pour mieux lire en tenant appuyée la touche "Ctrl " de votre clavier et en appuyant sur " + " de votre pavé numérique. Pour revenir à l'image normale, tenez appuyé "Ctrl" et appuyez sur " - " de votre clavier.

 


I - Une journée historique - L'exil ou la patrie perdue.

3 - Série de documentaires. « Les pieds-noirs : histoire d’une blessure ». « Les années romantiques » réalisée par Gilles PEREZ et Karine BONJOUR - Article de Jean-Claude Guillebaud

Une remarquable série sur l’histoire de ces exilés trahis en leur temps par leur patrie, la France, et oubliés depuis ou presque : les pieds-noirs.

45 ans après, le temps serait-il enfin venu d’écouter cette souffrance-là ? Elle fut si longtemps refoulée. Ou niée. Je parle de celle des pieds-noirs, ces Français d’Algérie que la métropole n’accueillit que du bout des lèvres en 1962, quand ils durent choisir entre « la valise ou le cercueil », et quitter leur pays, leurs maisons et leurs cimetières. Pendant des décennies cette souffrance-là n’eut pas très bonne presse. Ne s’agissait-il-t-il pas de ces « colons » ? De privilégiés ? D’exploiteurs ? N’était-elle pas-comme celle des harkis-, surtout montée en épingle par l’extrême droite méridionale ?

Alors, ces Pieds-Noirs, on accepte bien par la suite, de célébrer la réussite, leur intégration métropolitaine et leur bonne humeur, mais à condition qu’ils fassent à peu près silence sur le reste. D’accord pour écouter Guy Bedos, Enrico Macias ou Marthe Villalonga ; d’accord pour lire les romanciers venus de « là-bas » se souvenir des déchirements d’Albert Camus, mais pas davantage. La France, en somme, ne s’intéressa jamais vraiment à l’histoire de cette turbulente communauté faite d’Espagnols, de Juifs Séfarades, de Maltais, d’Italiens ou d’Alsaciens-Lorrains que l’Algérie avait fondus en un peuple français véritable. Avec ses naïvetés. Avec son goût du bonheur et son attachement à la patrie métropolitaine, qu'on venait défendre en traversant la Méditerranée, via la campagne d’Italie et en chantant « C’est nous les Africains ».

Si la France n’en a pas encore fini avec sa mémoire algérienne, si l’obligation lui est faite de regarder ce passé en face, on aurait tort de croire que seules les souffrances algériennes et musulmanes sont concernées. Il y a aussi celles des pieds-noirs, menu peuple de Bab-el-Oued, de Constantine ou d’Oran qui fut bel et bien berné par le régime gaulliste. Et abandonnée à son sort : l’exil et le silence.

C’est cette histoire-là alors, que le réalisateur Gilles Perez a entrepris de rapatrier pour de bon (si l’on peut dire) dans la mémoire nationale, par le truchement de ces trois épisodes, tous les trois bouleversants. Le romantisme des origines, c’est celui de l’édification d’un pays et de la création d’une manière de peuple créole, mais plus français que les gaulois eux-mêmes. Les années dramatiques se sont celles qui vont de 1954 à 1962 : un rêve se brise, l’horreur prend le dessus. Les années mélancoliques, enfin, ce sont celles des « événements » (on ne disait pas la guerre), des meurtres de masse, des enlèvements d’européens à Oran, de la fuite des pieds-noirs vers la métropole, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne leur tendait pas le bras.

En écoutant parler, murmurer plutôt, quelques rescapés de la fusillade de la rue d'Isly en 1962, qui vit l’armée française tirer sur une foule désarmée et faire (officiellement) 56 morts et 150 blessés ; en entendant ces hommes et ces femmes dirent leur horreur et expliquer pourquoi ils se sentirent -a jamais !- trahis , on se pose mentalement une question troublante. Celles-ci : au cours des 45 années passées, avait-on déjà pris la peine, dans les grands médias, d’écouter aussi attentivement cette douleur ravalée ? Probablement pas. Ou si peu. Et si mal. Il faut regarder, enregistrer et revoir encore ces trois épisodes.

Jean-Claude Guillebaud

11

04

12

 


I - Une journée historique - L'exil ou la patrie perdue.

4 - Pieds-Noirs : l'exil et le silence Samedi 24 mars 2007 sur France 3

05

06

07

Pour voir le diaporama, cliquez sur l’image ci-dessous.
Pour arrêter l'image cliquez sur pause. Pour avancer cliquez sur "Next" et pour revenir à l'image précédente cliquez sur "Prev".

Vous pouvez agrandir l'image pour mieux lire en tenant appuyée la touche "Ctrl " de votre clavier et en appuyant sur " + " de votre pavé numérique. Pour revenir à l'image normale, tenez appuyé "Ctrl" et appuyez sur " - " de votre clavier.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour Sommaire

Informations supplémentaires