3.2 - L'exil et le silence

I - Une journée historique - L'exil ou la patrie perdue.


2 - Ces inconnus qui arrivent d’Algérie  -  Extraits de la revue Rallye Jeunesse 1962

Interview
À la rentrée, vous allez vous retrouver côte à côte avec des milliers de nouveau, les jeunes rapatriés d’Algérie.
Comme Marie-Paule, lectrice de Lyon, donc vous lirez la lettre ci-dessous vous demanderez sans doute : qui sont-ils ? Qu’attendent-ils de nous ?

« Les derniers événements m’ont un peu choquée et je voudrais avoir l’opinion du Rallye sur « les Pieds-Noirs » nouveaux rapatriés d’AFN, non pas pour les haïr mais pour les aimer comme les français habitant la France. D’après les adultes on dirait qu’ils ont volé je ne sais quoi. »

Marie-Paule - 15 ans

*19 heures. Le grand hall d’arrivée du passager de l’aéroport d’Orly est encore inondé de soleil. Il fait très chaud. Dans un coin, un peu à l’écart, se trouve un comptoir. Derrière le comptoir, attendent patiemment plusieurs personnes portant brassard. Nous nous trouvons au bureau d’accueil de ce qu’il est convenu d’appeler les « rapatriés » d’Algérie.

« Les passagers en provenance d’Oran seront là dans quelques minutes », me dit une hôtesse.

Les nouvelles attentes. Les voilà qui arrive enfin en ordre dispersé, par groupe de deux ou trois. Ils ont le visage marqué par la fatigue, certains ont les yeux rouges. Peu de jeunes parmi eux. En voici un, enfin. Un garçon d’une quinzaine d’années, lourdement chargés. Il passe devant nous sans que nous voulions l’arrêter, retenu par une certaine pudeur. Comment va-t-il accueillir nos questions ?
Tant pis, il faut y aller.

Il s’appelle Pierre. Il a près de 15 ans. Les cheveux bruns, les traits réguliers, l’air résolu. Il a une façon de vous regarder en face qui vous donne tout de suite confiance. On sent en lui une telle maturité qui accentue encore ses vêtements de coupes très classique : un pantalon gris et un blazer bleu marine. C’est un « Pied-Noir ». Il est né à Sidi Bel Abbès, une petite ville de l’Oranais. Il a quitté sa maison, son pays, le matin même. Voilà. Les présentations sont faites. Elles ont été facilitées par le fait que Pierre connaît bien Rallye jeunesse. C’est en prenant un pot que nous allons bavarder un moment.

Q- Peux-tu nous parler de ton cadre de vie, de ta situation familiale, de tes études ?

R- Je suis en classe de troisième, au lycée Laperrine, à Bel Abbès. Toute la famille est rentrée en France, sauf mon père qui est resté à Bel Abbès où il a son travail.

Q- Dans quelle région aimerais-tu vivre ?

- Dans le Midi, bien sûr ! Sans cela, vous savez, le soleil nous manquerait trop !

- Est-ce que tu désires retourner en Algérie ?

- Oui, bien sûr. Mais je ne pense pas que cela soit encore possible. Vous comprenez les parents sont commerçants. Alors, on n’aura pas besoin de là-bas.

- Est-ce que tu penses pouvoir t’adapter facilement à la vie d’ici, ou bien as-tu des appréhensions ?

- J’ai surtout peur de ce que les gens pensent de nous. On nous appelle les « sauterelles », vous savez. Bien sûr, je pourrais vivre et faire mes études. Mais pour trouver des amis, je ne sais pas si cela sera possible.

- Est-ce que tu désires te faire des amis ici bien-penses-tu fréquenter uniquement des jeunes originaires d’Algérie ?

- Je voudrais bien me faire des amis ici. L’Algérie, maintenant, c’est fini. On ne peut pas vivre sur le passé. On peut être ami même si l’on a des idées différentes sur certains points pourvus qu’on ait un idéal en commun. Les jeunes qui viennent d’Algérie et ceux de France ont beaucoup à apprendre les uns des autres.

- Une dernière question, Pierre, avant de te rendre ta liberté : quelles sont les valeurs auxquelles tu attaches plus d’importance ?

- Si difficile. Je n’y ai jamais trop réfléchi… Je crois que c’est l’amitié, la solidarité et l’amour. Tout ce qui rapproche les hommes entre…

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Durant notre conversation un autre appareil avait atterri venant d’Alger. Dans le flot beaucoup plus serré des passagers qui défile devant nous, nous remarquons une jeune fille accompagnée de sa mère ; poursuivant sur notre lancée, nous lui demandons la permission de lui poser quelques questions. Un sourire, un oui timide… Nous nous asseyons de nouveaux à la table que nous venions de quitter.

Dressons tout d’abord rapidement la fiche traditionnelle d’identité. Prénom : Colette ; âge : 19 ans ; profession : dactylo ; lieu de naissance : Relizane dans l’oranais.
Jolie brune aux yeux verts, ce qui est assez rare, le visage mince, Colette et vêtue d’une robe d’été jaune et d’une veste en plastique vert.

- Est-ce que c’est la première fois que vous venez en France ?

- Non. Je suis déjà venu en vacances. Il y a deux ans. J’avais passé un mois à Paris. J’y ai des cousins. C’était en septembre le ciel était bien gris, mais j’en ai gardé un très beau souvenir.

- Avez-vous l’intention de repartir en Algérie ?

- Je ne pense pas. J’avais toujours rêvé de venir en France. Si cela s’arrange là-bas et si l’on peut un jour y vivre comme avant, j’y retournerai peut-être, mais cela m’étonnerait.

- Quelles sont maintenant vos principales préoccupations ?

- Mon père, bien sûr. Il est resté là-bas et nous nous y faisons beaucoup de souci pour lui. Il faut aussi que je trouve rapidement du travail. Dans l’immédiat, c’est cela qui m’inquiète le plus. À part cela, j’ai un peu peur des gens d’ici. Je crois qu’ils pensent beaucoup de mal de nous. Peut-être que quand on se connaîtra cela ira mieux. De toute façon, moi, j’ai décidé de refaire ma vie ici et je voudrais bien me faire des amies.

- Qu’est-ce que vous regretterez le plus de ce que vous avez abandonné ?

- C’est difficile à dire. Tout. Les souvenirs, mes amis, le soleil et la Méditerranée ; pourtant j’ai été bien privé de distraction. Avec les événements, mes parents ne voulaient pas que je sorte beaucoup. Une séance de cinéma de temps en temps, c’est à peu près tout.

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