5.1 - Lettre de Simone GAUTIER, au Ministre des Anciens Combattants - 2006

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Cannes le 7 décembre 2006

Monsieur Hamlaoui MEKACHERA Secrétaire d’État aux anciens combattants
37 rue de Bellechasse – PARIS

Monsieur le Ministre,

Il a été assassiné par l’Armée française peu après son service militaire, effectué à la frontière entre l’Algérie et le Maroc, en 1958 – 1959 : assassiné au Plateau des Glières, devant les marches de la Grande Poste, à Alger, ce lundi 26 mars 1962.

Il s’appelle Philippe Henri Jean Antoine GAUTIER. Il s’agit de mon mari. Son courage, sa générosité, sa valeur lui ont valu d’une part, une citation à l’ordre de la Brigade et d’autre part une citation à l’ordre du Corps d’Armée avec étoile de vermeil.

Le 26 mars 1962 relève du réel.

Monsieur le Ministre, lorsque vous nous dites : « il n’y a rien à voir » ou encore « il n’y a rien à savoir », vous devez bien savoir pourtant que lorsque l’on parle du réel, on parle aussi du retour du refoulé. Lorsque ce réel est expédié dans les ténèbres, il reste toujours vivant dans la conscience. Le réel ne peut s’effacer, ne peut se nier. Vous n’êtes pas sans savoir quels sont les traumatismes qui découlent du déni. Lorsque nous serons tous morts, ce que sûrement les puissants de ce pays attendent, le 26 mars 1962 sera toujours vivant, dans les ténèbres, mais vivant, attendant l’heure de la lumière.

Nous éprouvons tous, que ce silence sur le 26 mars est un aveu terrible, une conscience collective ravagée par la tourmente du déni. Comment appelle-t-on l’éradication d’une nation, d’un peuple ? Comment appelle-t-on l’éradication de la mémoire ? S’agit-il d’une tentation idéologique ? Car alors cela s’appellerait la tentation du nazisme ?

Je suis une vieille dame, une vieille dame « pied-noir » de rien du tout, et forcément je vais mourir dans pas longtemps. Pardonnez-moi ma liberté, que voulez-vous que je craigne aujourd’hui, vous aussi vous allez mourir, tout comme moi, dans pas longtemps. Nos enfants seront forcés de régler nos comptes. L’Histoire les attend.

La mare de sang au Plateau des Glières a sans doute fini par sécher. Mais la tache de sang qui reste, est indélébile.

Je pense à ces vers de Victor HUGO – La légende des siècles – La Conscience – « …… « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ».

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations très distinguées

P.J. Le Plateau des Glières « N’oubliez jamais », et citation ordre Brigade, Ordre Corps d’Armée

Madame Simone GAUTIER 14 avenue de France 06400 Cannes.

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