6.3 - Déclaration de Jean-Marie Bastien-Thiry lors de son procès à Vincennes - 28 janvier 1963

2 - "Le véritable devoir des officiers français"

Nous n’avons pas à nous justifier devant votre juridiction d’avoir accompli l’un des devoirs les plus sacrés de l’homme, le devoir de défendre des populations victimes d’une politique barbare et insensée.

Nous ne devons de comptes qu’à ces populations, nous ne devons de comptes qu’au peuple français et à nos enfants.

En faveur de ces populations, nous avons exercé le droit qui est au cœur de l’homme, le droit qui exprime sa volonté de vivre et de survivre, et qui est le droit de légitime défense.

Nous n’avons transgressé ni les lois morales, ni les lois constitutionnelles en agissant contre un homme qui s’est placé lui-même hors de toutes les lois, hors des lois morales, hors des lois constitutionnelles, hors des lois humaines.

C’est pourquoi, si vous vous conformez aux lois de la République, vous devez nous reconnaître innocents.

Car, avant de nous faire condamner, le pouvoir de fait devrait  faire modifier par le Parlement l’un des points essentiels de la Constitution qui reconnaît à l’homme, en tant que droit fondamental et inaliénable, le droit de résistance à l’oppression.

Pour nous, nous avons agi contre Charles De Gaulle en tant qu’il est un citoyen justiciable comme les autres citoyens français des lois de la Nation, et en tant que ce citoyen est responsable d’innombrables morts et d’immenses souffrances, en tant que ce citoyen est responsable chaque jour de nouveaux meurtres et de nouvelles souffrances, et en tant que c’est notre droit et que nous avons considéré que c’était notre devoir de défendre légitimement les victimes de ces meurtres et de ces souffrances.

Nous n’avons pas de sang sur les mains, mais nous sommes solidaires de ceux qui ont été  amenés à verser le sang au cours d’une guerre civile qui a été imposée par les parjures et par la trahison du pouvoir de fait.

Nous sommes solidaires du lieutenant Degueldre, qui a tenu son serment d’officier de se battre pour ne pas livrer l’Algérie au F.L.N., et qui est mort.

Nous sommes solidaires des Généraux de la prison de Tulle, de ceux que les circonstances ont conduit à verser le sang, comme de ceux que les circonstances ont conduit à ne pas verser le sang et que le pouvoir de fait a tenté récemment de séparer à la suite d’une manœuvre de division conforme à la ligne de conduite de ce pouvoir qui n’a fait que diviser et que détruire.

Nous croyons avoir dit la vérité, après beaucoup d’autres hommes qui ont dit cette vérité en de nombreux discours et en d’innombrables écrits.

Nous pensons que tôt ou tard cette vérité sera connue des Français et l’emportera sur l’imposture et sur les mensonges des hommes au pouvoir, sur les déclarations lénifiantes de beaucoup et sur les silences complices de la radio d’État, de la télévision d’État et de certains organes de presse.

Peut-être nos propos seront-ils déformés par la radio d’État, par la télévision d’État et par ces organes de presse comme ont été déformés ceux que nous avons tenus au moment de notre arrestation. On n’empêchera pas qu’ils reflètent l’expression de la vérité.

Malgré l’extraordinaire mauvaise foi des hommes au pouvoir, malgré leur extraordinaire cynisme, c’est une vérité qu’il y a eu, qu’il y a, en France et en Algérie  des milliers de morts et de martyrs, qu’il y a des milliers de disparus et des centaines de milliers d’exilés, qu’il y a des camps de détention et de tortures, qu’il y a eu de nombreux viols et de nombreux massacres, qu’il y a des femmes françaises obligées de se prostituer dans les camps du F.L.N.

C’est une vérité que le pouvoir de fait aurait pu épargner ou limiter toutes ces horreurs s’il l’avait voulu. C’est aussi une vérité que ce pouvoir fait le jeu du communisme en divisant le monde libre.

C’est une vérité que l’homme contre lequel nous avons agi est, à tous moments, passible de la Haute Cour, et qu’il suffirait d’un minimum de clairvoyance et de courage de la part des parlementaires pour l’y traduire.

Le dossier de ses forfaitures, de ses crimes et de ses trahisons existe et des milliers d’hommes sont prêts à témoigner de la réalité de ces forfaitures, de ces crimes et de ces trahisons.

Nous avons exercé le droit de légitime défense contre un homme, au nom de ses victimes, au nom de nos concitoyens et  au nom de nos enfants.

Cet homme est ruisselant de sang français et il représente la honte actuelle de la France. La morale, le droit  et la raison humaine s’unissent pour le condamner.

La vérité que nous avons dite, et que bien d’autres que nous ont dite avant nous, restera attachée au nom de cet homme, où qu’il aille et quoi qu’il fasse. Un jour cet homme rendra compte de ses crimes, devant Dieu, sinon devant les hommes.

 COLONEL JEAN-MARIE  BASTIEN-THIRY

 

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Paris Match1 

Photo parue dans Paris Match

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Les photos interdites
Le soldat perdu s'entend condamner à mort
L'aventure de l'OAS se termine devant la Haute Cour de Justice. La France métropolitaine a tourné le dos à ses "soldats perdus". C'est ainsi que de gaulle les appelle dans le discours qu'il adresse à Strasbourg à plusieurs centaines d'officiers réunis au garde à vous, devant lui, dans cette ville pour qui tant d’officiers français sont tombés..

Fusillé à l'aube en criant "Vive la France" le colonel Bastien-Thiry, qui organisa soigneusement l'attentat du Petit Clamart où de gaulle failli périr, deviendra le martyr de la cause désespérée de l'OAS.

A Bourg-la-Reine, est une tombe toujours fleurie, celle de Jean-Marie Bastien-Thiry - Héro et Martyr

 

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