2.2 - Compte-rendu d'enquête du Commissaire de police POTTIER

De l’ensemble de l’enquête, plusieurs points, essentiels, se dégagent :

a) La perméabilité des barrages ayant permis tout d’abord  ce rassemblement au Plateau des Glières. La disproportion flagrante entre la constitution des barrages du boulevard Carnot et de la rue Lelluch (très étoffée) et celle du dispositif de la rue d’Isly. Dans cette artère, particulièrement empruntée par les Algérois, on ne peut pas parler de barrage mis en place, mais de la présence d’une patrouille de dix hommes. Enfin l’absence de barrage avenue Pasteur.

b) Le tir a été déclenché alors que le barrage était rompu et que la foule s’écoulait depuis plusieurs minutes dans la rue d’Isly. Il a atteint, non seulement, les personnes engagées dans cette artère, mais celles qui se trouvaient devant la Poste ou sur le Plateau des Glières.

c) Le tir semble avoir été l’initiative de quelques soldats. Il s’est généralisé au sein du barrage, sans commandement préalable de la part de l’Officier. Les cadres ont été réduits à l’impuissance malgré les appels réitérés de cesser le feu.

d) Il ne semble pas y avoir eu provocation de la foule à un moment quelconque, justifiant le déclenchement de ce tir.

e)
Les incidents, sans gravité, de la rue Alfred Lelluch, prouvent qu’il n’a fallu que le bruit d’une fusillade pour entraîner les soldats algériens du barrage de cette artère à l’indiscipline et à des gestes meurtriers gratuits.

Cette fusillade aurait pu être évitée si :

D’une part, l’on avait placé suffisamment tôt, des barrages étanches rue Charles Péguy et boulevard Baudin, enfin, dans les principales artères donnant accès au Plateau des Glières, lieu pourtant connu de tous les mouvements de masse algérois.

Et si, d’autre part, rue d’Isly et avenue Pasteur des dispositifs plus sérieux avaient été prévus, composés d’hommes plus habitués au maintien de l’ordre et à l’usage de la grenade lacrymogène qu’à celle du fusil. Il est bien certain que dix hommes ne peuvent contenir plus de 2.000 manifestants pouvant emprunter une artère libre donnant accès derrière leur dispositif.

Les procès-verbaux et scellés établis, relativement à ces évènements du 26 mars 1962, ont été transmis périodiquement au Magistrat Instructeur, conformément à ses instructions.

Le Commissaire de Police
P. POTTIER

Rapport jamais rendu public

Document communiqué par Jean-Louis SIBEN
Nice - 2008

Nos commentaires :

Il est remarquable que cette enquête et que ce compte-rendu ayant pour objet "homicides volontaires et tentatives d’homicides" en référence aux commissions rogatoires citées plus haut , n’aient jamais été rendus publics.

Il est tout aussi remarquable que l’autorité militaire se soit refusée à toute audition des membres du service d’ordre ainsi qu’à la communication du dispositif d’implantation des unités engagées.

Il est non moins remarquable que ce refus a fait l’objet d’un rapport en date du 2 avril, en faisant retour sans exécution de la commission rogatoire en date du 27 mars délivrée par le magistrat instructeur

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