1.4 - Les témoignages saisis par le pouvoir ou la Vérité réduite au silence par la persécution.

VI - Les témoignages - Recueillir les témoignages.

Deux cents témoignages sur ce qui s’est passé à Alger, le 26 mars 1962, saisis par le pouvoir.

Le mercredi 4 juillet sur ordre de Monsieur Roger FREY, ministre de l’Intérieur, un ouvrage intitulé "Livre Blanc : Alger 26 mars 1962" (éditeur L’ Esprit nouveau) a été saisi dans les librairies de Paris et de province.

Dans l’avant-propos les éditeurs précisaient : "Ce livre blanc présente des documents sincères et authentiques. Il ne les interprète ni ne les commente. Il ne tire pas de conclusions. A plus forte raison n’en impose-t-il aucune. C’est au lecteur de juger. Il a les éléments en main. Ce sont des déclarations signées, établies par des personnalités connues ou obscures, qui toutes ont en commun d’avoir été témoins oculaires du drame qui s’est déroulé à Alger le 26 mars 1962. Bon nombre sont parentes ou amies des victimes de ce drame. Certaines en ont été elles-mêmes victimes et gardent dans leur chair la marque de la véracité de ce qu’elles ont signé.

Un ensemble de plus de deux cents témoignages dont les auteurs appartiennent aux catégories sociales les plus diverses et dont les noms attestent une grande variété d’origine. La forme de ces pièces a été scrupuleusement respectée, même lorsque l’émotion la rendait passionnelle, même lorsqu’elle comportait des jugements de valeur. Les éditeurs ont en effet estimé que ce Livre Blanc aurait pleine valeur documentaire, formant faisceau de preuves incontestable, s’il était présenté à l’état brut, sans nul accommodement.

Un tel faisceau de témoignages sur une fusillade qui a fait plus de cinquante et deux cents blessés, méritait d’être examiné attentivement et versé au dossier de l’Histoire — au même titre que tous les témoignages qui peuvent permettre de faire la lumière sur une autre fusillade sanglante : celle du 24 janvier 1960au Plateau des Glières.

On ne comprend pas la décision du ministre de l’intérieur . Car de deux choses l’une, ou bien les deux cents témoins ont menti et M. Frey n’aurait pas fait saisir l’ouvrage mais aurait intenté des poursuites pour faux témoignages susceptible de troubler l’ordre public, ou bien les deux cents témoins ont dit la vérité et, dans ce cas, la décision de M. Frey serait une maladresse car un tel abus de pouvoir pour étouffer la vérité se retournerait obligatoirement contre son auteur.

Faut-il s’étonner de voir avec quelle aisance s’exerce le "bon plaisir des princes qui nous gouvernent" . “L’Histoire est remplie de faits montrant la vérité réduite au silence par la persécution”, écrivait John Stuart Mill dans son ouvrage :"Pour la liberté".

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Ce document m’a été remis lors du colloque sur les Disparus à Nice juin 2009. Je suis désolée de ne plus me souvenir du nom de la personne qui m’a remis ce document.

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