3.2 - Le 4ème R.T. source : "Un crime sans assassins" de Francine DESSAIGNE et de Marie-Jeanne REY

IV - Date emblématique d'un massacre collectif - Sur le terrain : le 4ème R.T., les C.R.S., l'aviation, les gaz...

Les Tirailleurs, les Spahis et d’autres régiments comportaient une proportion variable, et souvent importante comme le 4ème R.T., de Musulmans français (FNSA) mobilisés ou engagés volontaires pour une durée déterminée. C’étaient des militaires de l’Armée française, au service de la France depuis la lointaine création de leur régiment.

En 1962, au moment où les accords d’Evian scellaient l’éviction de la France et la victoire du FLN, tandis que leur régiment allait être dissous, plusieurs options leur furent proposées. Certains choisirent de rester dans l’armée et furent ramenés en métropole. Leur nombre n’a jamais été comptabilisé avec celui des Harkis, pour donner une idée plus précise de la communauté des Français musulmans, Français de longue date, dont est issue une seconde génération, si ce n’est une troisième, trop souvent confondues avec les Algériens immigrés.

D’autres ont désertés. Le flot grossissant des désertions a commencé bien avant le 19 mars et s’est amplifié dans les semaines qui l’ont suivi. Les officiers du 4ème RT peuvent ressentir une légitime fierté en constatant que leurs hommes ont été moins nombreux que dans d’autres régiments à céder à la panique. Il n’en demeure pas moins que ces désertions représentent la triste illustration de la confiance trahie. Parfois cela allait jusqu’à l’égorgement des compagnons européens pour leur dérober leurs armes ou comme gage supplémentaire à offrir aux nouveaux maîtres dont on redoutait l’implacable vengeance.

Le quatrième Régiment de Tirailleurs tunisiens, à l’indépendance de la Tunisie, a perdu ses Tunisiens, passés pour la plus grande part dans l’armée tunisienne. Le régiment devient alors 4ème régiment de Tirailleurs de Tunisie, le 1er mai 1957. Il est dans le sud tunisien, formé de métropolitains et d’algériens. Il quitte Sfax et débarque à Alger au début du mois de septembre 1958. Il devient le 1er novembre 1958 le 4ème Régiment de tirailleurs. Il conserve honneurs, traditions, et le drapeau du 4ème RTT. Treize noms de batailles y sont inscrits. Il est le seul régiment à porter la fourragère rouge – Légion d’honneur – 1914/1918 et celle, jaune, - Médaille militaire – 1939/1945.

De septembre 1958 à septembre 1961, dans la région de Djelfa, depuis Zenina à l’ouest jusqu’à Oglat à l’est, les deux bataillons du 4ème RT vont se trouver sans cesse en opération. Les bandes rebelles sont dispersées, leurs chefs capturés, tués ou en fuite. Le 8 juin le colonel GOUBARD prend la tête du régiment. Mouvements incessants, Berrouaghia, Brazza, Boghari, Bir Rabalou, Aumale … Au début de l’année1962, l’adversaire est désorganisé. On passe aux tournées de présence.

Le 23 mars 1962, l’EMT2 et le colonel se trouvant en opération dans l’Ouarsenis, l’EMT1 est mis à la disposition de la Zone Alger-Sahel, secteur de Maison Carrée. Le 24 et le 25, engagés dans le bouclage de Bâb el Oued et à Maison Carrée, les tirailleurs, pris à parti par des tireurs ripostent vers les étages élevés d’où partent les coups. Le 25 au soir, ils sont dirigés vers le Forum où des groupes sont disloqués sans accrochage. A trois heures, dans la nuit bouclage à nouveau, à Maison Carrée : la journée du 26 mars est commencée.

Ordres donnés, à 10 heures 30/ 11 heures, l’EMT1 gagne la position assignée, rue d’Isly, boulevard Bugeaud, rue Lelluch, boulevard Carnot, c’est-à-dire le passage le plus étroit vers Bâb el Oued. A 14 heures, les tirailleurs seront face aux manifestants que les autres barrages ont laissé passer et débordés par une partie de ceux-ci. A 14 heures 30, recevant l’ordre impératif de ne plus permettre le passage, pris sous des tirs provenant des hauts étages, ils vont commettre l’irréparable. (lire la déclaration de KLING Didier - officier honoraire - Nice)Retirés de toutes opérations par les soins de leurs officiers et de leur colonel, les hommes vont être démobilisés ou changés d’affectation. Le nombre de désertions sera le plus faible de ceux des régiments de tirailleurs en cette période de désarroi général. Le Régiment sera dissous officiellement le 31 mai 1962.

Lamentable conséquence de la volonté du gouvernement d’anéantir définitivement la résistance morale des Français d’Algérie, le commandement plaça le 4ème R.T. au lieu qui deviendra un Isly tragique de notre histoire

MARS – MAI 1962 – Général GOUBARD

Depuis la création du 4ème R.T. en 1958, jusqu’aux premières semaines de 1962 la manière de servir des personnels nord africains a été, dans une proportion de 70%, très bonne ou bonne. Elle a commencé à se dégrader pendant les négociations d’Evian et est devenue préoccupante après le cessez le feu du 19 mars 1962, la même proportion de 70 % ne pouvant plus être qualifiée que de bonne ou passable.

Cette crise du moral a été due à un double sentiment de déception et d’inquiétude. Déception, partagée avec les personnels français, de voir une incontestable victoire militaire sur l’A.L.N. déboucher sur une incontestable victoire politique du F.L.N. Mais surtout, inquiétude pour des Algériens généralement attachés à l’Armée française, mais bien plus encore à leur terre natale, devant l’avenir incertain que leur préparaient les « accords » passés entre le gouvernement français et leur adversaire d’hier …

Les motivations des déserteurs sont diverses. Pour tous, il s’agit de se « dédouaner » vis-à-vis de l’Armée Française. Pour certains, de rejoindre l’A.L.N. ou tout au moins le côté des vainqueurs. Pour ceux nombreux qui habitent des régions reculées, de rejoindre leur douar le plus discrètement possible. Le 18 mai 1962 voit les dernières désertions.

FELLAGHAS ET WILLAYAS

L’arrivée des tirailleurs des djebels à Maison -Carrée, datait de trois jours. Il y avait quelques rebelles F.L.N. et M.N.A, ralliés par des promesses auxquelles ils avaient cru (comme tant d’autres) et engagés volontaires au régiment. Les FNSA de l’EMT1 appartenaient à la 6ème compagnie. L’engagement le plus ancien datait de 1959 et le plus récent de août 1960.

Certains casques portaient des traits de peinture permettant aux tirailleurs analphabètes de les reconnaître. Ce fut constaté au moment de l’enquête de gendarmerie. Certains ont cru y voir, de bonne foi, Willaya III. Les tirailleurs avaient eu le tort d’employer le vert (couleur du prophète et de son avatar politique). Cette armée que les Algérois n’avaient jamais cessé d’aimer, née avec la conquête et dont ils étaient fiers, avait tiré sur eux ! Il était plus facile de croire qu’il s’agissait de fellaghas. Hélas, c’était bien un élément de l’armée française qui obéissait aux ordres du gouvernement. Il n’en demeure pas moins que les tirailleurs musulmans n’auraient jamais du se trouver en cet endroit dans ces circonstances.

La presse, le procès du Petit Clamart, les livres, les publications, les documents du SHAT, braquent les projecteurs sur les seuls tirailleurs. Ces tirailleurs en contre emploi tragique de débutants ont presque réussi à faire oublier, que les gardes mobiles et les C.R.S., troupes d’expérience en maintien de l’ordre, tiraient sur les façades des immeubles et notamment à Bâb el Oued et à Oran, non plus pendant quelques minutes, quelques heures mais pendant plusieurs jours, plusieurs semaines. Les ordres étaient de réduire les commandos O.A.S. en appliquant le principe de la responsabilité collective à une population jugée trop favorable à l’organisation.

Lire de témoignage de Claude GIACOBBI sur la position des tirailleurs et des soldats du ntingent, au Plateau des Glières : ICI

01

Zone d'opération du 4 ème R.T. 1958-1961 - L'étoile renvoi aux combats - Secteur de Djelpha


02

Le colonel Goubard passe en revue sa Harka à cheval

03

Le salut au drapeau à l'occasion du départ du Général Ailleret
en compagnie du Général Menditte et du Colonel Goubard

04

Départ du 4ème R.T de Djelpha le 20.10.1961

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