2.17 - Honneur aux officiers et aux marins de la Marine nationale en ce 26 mars 1962

IV - Date emblématique d'un massacre collectif de - Lundi 26 mars 1962 à Alger.

1 - "Honneur aux officiers et aux marins de la Marine nationale du Surcouf et du Maillé-Brézé en ce 26 mars 1962" - de Francine Dessaigne : "Top Secret" Ed. Confrérie-Castille 1999

2 - Témoignage du Commandant Valdelièvre... tranmis par Jean-Claude Perez

 

1 - "Honneur aux officiers et aux marins de la Marine nationale du Surcouf et du Maillé-Brézé en ce 26 mars 1962" - de Francine Dessaigne : "Top Secret" Ed. Confrérie-Castille 1999

Partie I
Alger 26 mars 1962

Certaines dates résonnent, dans la mémoire, d'un étrange écho. Le 26 mars 1944, reçu à l'Hôtel de Ville d'Alger, évoquant les difficultés nées de la guerre, pour les Algérois, De Gaulle s'exclamait avec émotion  (émotion ! S.G.) :

"Mais au travers de ces épreuves, la ville d'Alger a conscience  qu'elle porte l'honneur et la responsabilité d'être la capitale de la France
guerrière dans la période décisive du conflit ... Cette insigne dignité est désormais onscrite dans les annales. Et, comme tout se tient et s'enchaîne, elle est un principe du grand avenir d'Alger.

Quel avenir ? Et certes oui ! Car dans la France nouvelle qui va paraître au terme du drame, quel rôle magnifique attend votre ville! Cité française la plus grande de cette Méditerranée, capitale d'une Algérie incorporée à la patrie par ses homme comme par ses terres, vaste passage commun où l'Europe et l'Algérie pourront échanger à nouveau les navires, les avions et les pensées, Alger se sent, n'est-il pas vrai ? appelée par le destin à jouer un rôle éminent dans ce monde français élargi, rajeuni, que nous saurons édifier ..."

Dix huit ans plus tard,le 26 mars 1962, place de la Poste et rue d'Isly, des soldats portant l'uniforme français, tiraient pendant douze minutes,(il y a une erreur sur le temps de la fusillade S.G)) sur la foule des Algérois rassemblés dans l'espoir de faire entendre leur angoisse et leur désespoir face à l'avenir que "De Gaulle" (S.G), Président de la République leur préparait après avoir trahi leur espérance entretenue par les mots dont il savait si bien se servir. Mais aussi en marche vers Bab el Oued pour leur dire leur solidarité avec le grand quartier populaire soumis à un blocus inhumain où des avions en piqué avaient mitraillé les terrasses deux jours plus tôt.

Après les avions, les navires avaient été requis eux aussi. C'étaient  deux escorteurs de l'Escadre de Méditerranée qui participaient alors à des exercices (une photographie prise, ce jour-là, par un Algérois nous les montre).  : le Maillé-Brézé et  le Surcouf, escorteur d'escadre D621, bâtiment amiral, placé face à Bab el Oued, qui a tourné ses canons vers le large. C'est à l'honneur de la Marine et mérite d'être connu.

Francine Dessaigne fait ensuite suivre une énumération de dates et de documents pour conclure :

Le 31 août 1961 au Conseil des Ministres qu'il préside, De Gaulle exprime fermement "sa volonté de dégagement"

Depuis 1959, qu'elles soient secrètes ou non  les tentatives de négociations viennent toujours du gouvernement français, assorties de concessions verbales ou dans les textes, d'un rythme et d'une intensité sans cesse croissants. D'autre part, surgissent en juin 1960,  le Front pour l'Algérie Française et l'OAS en février 1961.

Le FAF patronné par 5 députés
musulmans élus à l'Assemblé nationale dans l'euphorie illusoire de mai 1958 et le Bachaga Boualam son vice-président. Véritable et éloquente lame de fond, un mois plus tard, il compte un million d'adhérents et rassemble "tous ceux musulmans et européens qui ont décidé de lier leur sort à celui de l'Algérie française". De Gaulle considérant comme seul "interlocuteur valable" le FLN, refuse de les associer aux décisions qui les touchent directement et méprise leurs angoisses ...

Et voilà qu'apparait l'OAS dont la détermination violente cristallise leur ultime espoir de se faire entendre dans l'indifférence, quand ce n'est pas l'hostilité savamment entretenue de la Métropole. 

Pour le gouvernement il est donc urgent d'aboutir, ses réactions vont s'enchaîner rapidement.
-D'octobre 1961 à janvier 1962, contacts secrets avec le FLN
-20 décembre 1961,réunion du Comité des Affaires algériennes. Le résumé des décisions prises en vue du "maintien de l'ordre public" est signé par De Gaulle. Ces décisions sont immédiatement transmises par Michel Debré au Commandant Supérieur des Forces en Algérie (GENESUPER) qui est depuis le 13 juin 1961 le général Ailleret.
-Le 24 décembre sans attendre, Ailleret adresse un "message urgent" au CA d'Oran, d'Alger, de Constantine ... dans lequel :
"consignes pour ouverture du feu après sommations sur tout élément et tous individus menaçant les Forces de l'Ordre
ou s'opposant à leurs mouvements ..., ou sans sommations "en riposte à élément séditieux armé ayant fait usage de ses armes ..." ou encore "emploi arment grande puissance et léger des engins blindés" et enfin : Feux aériens subordonnés à autorisation GENESUPER et V° RA - Feux navires subordonnés à autorisation GENESUPER Et PREMAR IV
......
Le 19 mars 1962 est signé le "cessez-le-feu"bi-latéral à midi, terme officiel qui enferme l'Armée française dans ses casernes tandis qu'enlèvements et assassinats se multiplient
23 mars 1962, blocus total de Bab el Oued
26 mars 1962, fusillade place de la Poste et rue d'Isly

Les engins blindés de la Gendarmerie mobile ont employé leur "armement à grande puissance et léger", le 23 mars, contre les façades aux volets fermés des immeubles de l'avenue de la Bouzaréa à Bab el Oued, tandis que les avions en piqué mitraillaient les terrasses. Le 26 mars, 8 sections du 4ème R.T., fraîchement arrivées de Berrouaghia, (conformément aux directives de De Gaulle qui n'hésitait pas à préciser les détails :"... les forces militaires formées en colonnes entreront dans la ville et disperseront les éléments insurrectionnels" :réunion du Comité des Affaires Algériennes du 20 décembre 1961) sont réparties en 4 points. Ce sont celles de la 6ème compagnie qui sont placées à l'entrée de la rue d'isly. Ces tirailleurs n'ont , bien sûr, pas reçu la moindre formation spéciale au maintien de l'ordre en milieu urbain. Ils sont fatigués et tendus d'être depuis une semaine, ballotés par le commandement, d'un quartier à l'autre, dans cette grande ville inconnue, affolante par l'atmosphère qui y règne, pour se trouver enfin, déployés place de la Grande Poste et rue d'Isly, face à la foule des Algérois en mouvement vers Bab el Oued. Ces hommes disposent de l'arment normal de campagne, utilisé dans le djebel: pistolets-mitrailleurs, fusils et fusils-mitrailleurs. La panique va les conduire à s'en servir ... Certes, leur officier ne leur a pas donné l'ordre de tirer. En dépit de tout ce qui a pu être dit par la suite, le véritable responsable du drame c'est le Commandement qui les a placés là, donc l'Armée.

- En 1962, le Surcouf, escorteur d’Escadre D621, est un bâtiment relativement récent. Construit à l’Arsenal de Lorient, il a été mis à flot en octobre 1953 et dispose des équipements les plus modernes. Il présente, à l’avant, une tourelle double  de canons de 127 et, par ailleurs, des canons de 57 et des tubes lance torpilles(TLT).Entré en service en 1955, il porte depuis 1959 la marque de l’Amiral Commandant la Flottille d’Escorteurs d’Escadre (ALFEE) et fait partie de l’Escadre de Méditerranée. Début janvier 1962, il est à Toulon.

Du 14 au 16 mars, il est à Naples – du 23 au 25 mars, à Bizerte. Dans la nuit du 25 au 26, il reçoit l’ordre de stopper dans la baie d’Alger, face à Bâb El Oued.  Aucun des rares documents  qu’il est possible de consulter ne permet de savoir si cette escale était exactement prévue à cette date. Il porte alors la marque du Contre-amiral Bailleux, Commandant la flottille. Tel une suite au message de 1961 du Général Ailleret, cet arrêt, en cet endroit, à ce moment là, donnait soudain au bâtiment l’aspect d’une menace réelle et redoutable.

Accaparés par le déchaînement des violences, nous n’y avons pas prêté attention à l’époque. Par la suite, journalistes et historiens ne se sont guère posés de questions sur cette présence insolite, bien trop opportune pour être fortuite, car le message du Général Ailleret n’a été rendu public que beaucoup plus tard. Nous en trouvons trace dans l’ouvrage de Paul Henissart, paru en 1970, sous la forme d’une mention laconique : « La flotte qui croisait le long des côtes fût mise à la disposition du Commandant en Chef ». Puis, vingt ans plus tard, dans deux ouvrages d’André Figuéras, « Onze amiraux dans l’Ouragan »(1991) où, sous le titre « Du nouveau en 1961 », une brève mention nous apprend que le « Commandant Picard d’Estelan, commandant le Surcouf, fût mis en demeure, d’ordre direct du Général De Gaulle, d’ouvrir le feu de ses gros canons sur Bâb El Oued » et Pétain et la Marine (1992) où on peut lire « un complément d’information apporté par cet Officier ».

01
 Boulevard Carnot - Au fond les voitures blindées - les militaires - les gardes mobiles


Dans la rade les escorteurs: le Maillé-Brézé et le Surcouf

Témoignage du Capitaine de Vaisseau honoraire Jean Picard d'Estelan recueilli par Francine Dessaigne en 1999.
Paru dans TOP SECRET Éditions Confrérie-Castille.

Le Capitaine de Vaisseau honoraire Jean Picard d’Estelan, à l’époque, Capitaine de Frégate, a pris le commandement du Surcouf le 21 mai 1961 et il l’a quitté le 15 juin 1962. Il a accepté de me recevoir. Vif, chaleureux, il a aimablement répondu à mes questions, centrées sur le point particulier de sa carrière qui a soudain coïncidé avec un épisode douloureux, et maintenant lointain, de notre histoire.

F.D. - Avant de vous rencontrer, j’ai tenté de me renseigner sur le Surcouf, au Service Historique de la Marine, à Vincennes. Je n’ai reçu à consulter que quelques documents très techniques – votre rapport de fin de Commandement par exemple – ou celui de la « condamnation »  du Surcouf en 1972, mais aucun carnet de bord. Vous commandiez le Surcouf en 1961-1962. J’ai remarqué qu’on ne trouve, ni dans les très rares documents, ni dans les quelques ouvrages communiqués où il est cité, aucune mention de ces années, ni bien sûr, de l’escale à Alger, le 26 mars 1962. Impasse totale…N’est ce pas étonnant ? Comme je posais la question, on m’a répondu que les documents et carnets de bords étaient maintenant dans les archives des ports d’attache des bâtiments. C’est donc Lorient pour le Surcouf, je n’y suis pas allée…

P.E. - C’est sûrement étonnant. Moi aussi, j’ai essayé d’obtenir des archives auprès des Services Historiques de Lorient et de Brest. Je  n’ai reçu que quelques bricoles. Je n’ai même pas eu la liste officielle de mon équipage et j’ai dû reconstituer de mémoire celle des officiers de mon équipage ! Je pensais que la Marine avait conservé les documents. Mais il faut remarquer que rien d’autre que les mouvements du bateau n’a figuré dans les archives du Surcouf puisque finalement il ne s’est rien passé…

F.D. - Ou qu’elle ne tient pas à ce qu’ils soient divulguésLa Flotille est parti de Toulon en janvier 1962…

P.E. - Oui. Il y a eu, à partir du 28 janvier, un exercice combiné entre l’Escadre de Méditerranée et la flotte Américaine. Un exercice parmi beaucoup d’autres. Le thème très classique, était d’assurer la maîtrise de la Méditerranée occidentale contre les attaques aériennes et sous-marines d’un « pays rouge ». J’étais le chef d’un groupe de chasse anti sous-marins, composé du Surcouf et de l’américain « Putnam ». Expérience intéressante de coopération entre deux navires équipés d’appareils de détection et d’armes différents. Par mauvaise mer, nous avons apprécié la complémentarité des deux types d’équipements et constaté que nos appareils étaient performants.

F.D. - Courant mars, vous avez fait escale à Ajaccio, puis à Naples…

P.E. – Nous étions à Naples du 15 au 21 mars. C’est là que nous avons appris la signature des Accords d’Evian et le Cessez-le-feu. J’ai réuni l’équipage et leur ai dit : vous en penserez ce que vous voudrez mais, en fait il s’agit d’une défaite pour la France. Je ne tolérerai dons pas de manifestation de satisfaction. Nous étions entourés d’autres bateaux qui on tout entendu. Ce n’était pas un secret. D’ailleurs j’étais déjà « classé ».

F.D. – Vous êtes ensuite arrivé à Bizerte le 22 mars. L’escale du Surcouf dans la baie d’Alger, faisait-elle partie des exercices prévus ?

P.E. – Non, l’ordre est venu de Paris, via l’Amiral d’Escadre, de mettre deux Escorteurs d’Escadre à la disposition du Général Ailleret, l’Amiral d’Escadre à désigné le Contre-Amiral Bailleux, Commandant la Flotille et ayant marque sur le Surcouf, pour diriger cette mission. Les deux bateaux sous les ordres étaient le Surcouf et le Maillé-Brézé, commandé par le Capitaine de Frégate Pomier-Layrargues.

Nous sommes arrivés à Alger le 25 mars. Notre Chef d’Etat-Major (Capitaine de Vaisseau Gueirard) est allé se présenter au Chef d’Etat Major  du Général Ailleret. Et c’est verbalement qu’il a reçu l’ordre de se préparer à tirer sur Bab El Oued. Au retour, il a rendu compte à l’Amiral Bailleux. Je n’étais pas présent. Je ne pense pas que l’Amiral Bailleux ait rencontré le Général Ailleret. Puis nous avons appareillé pour mouiller devant Matifou, à l’autre bout de la baie d’Alger. Nous avons ensuite reçu l’ordre de défiler devant Bab El Oued, à courte distance, le 26 au matin.

Bab El Oued avait tous ses pavillons en berne, et nous avions envie d’y mettre les nôtres aussi. Mais nous ne l’avons pas fait et nous nous sommes éloignés très vite.

Nous n’avons jamais appelé aux postes de combat.

Mon opinion personnelle est, qu’après le drame de la rue d’Isly, on a essayé de faire participer la Marine et l’Armée de l’Aire à la répression. La Marine a dit : non. J’insiste sur le fait que je n’ai jamais reçu, de l’Amiral Bailleux d’ordre inacceptable. L’Amiral savait que je refuserais et, je le savais du même avis. Y a-t-il eu plus haut, et à quel échelon un refus formel, je ne le sais pas.

Le 31 mars, le Surcouf est repassé devant Alger, au large cette fois, pour la poursuite des exercices.

Comme je l’ai dit, je n’ai pu consulter que très peu d’ouvrages et de documents et je n’y ai trouvé aucune précision sur l’escale d’Alger le 26 mars 1962, quand elle n’était pas simplement escamotée.

Par exemple, on lit :

-Dans « Les flottes de combat » une très intéressante description des capacités offensives du Surcouf, que le Général Ailleret espérait voir employées contre Bab El Oued. « Tous les affûts et tourelles sont télécommandés à partir de télépointeurs munis d’appareils optiques et de radars à poursuite automatique, stabilisé au roulis et au tangage. Ravitaillement semi-automatique depuis les soutes jusqu’à la culasse, quel que soit le pointage des pièces en hauteur et direction. Grande cadence de tir… »

Mais l’auteur passe de « la refonte à Brest en 1961-1962 pour le transformer en bâtiment de Commandement », à la mention de son affectation à l’Escadre de Méditerranée « de 1961 à 1964 », sans plus de précision.

- Dans le bref historique figurant au rapport du Contre-Amiral Sanguinetti : « En 1961, il reprend de l’activité à TOULON, BIZERTE, MERS-  EL-KEBIR (majuscules dans le texte). Il rallie Brest pour un nouveau grand carénage à la fin de 1964… » . Rien de l’Escadre de Méditerranée, ni sur les exercices « franco-américains d’intérêt majeur » et Alger n’est pas mentionné.

- Dans le très bel ouvrage « De nouveaux noms sur la mer », nous passons d’octobre 1961 où « le Surcouf arrive à Toulon pour remplir le rôle de Bâtiment  de Commandement de la 1ère FEE »… à mai 1962 où il est à Brest pour participer à une grande manifestation navale de réconciliation entre la France et l’Allemagne »…

Enfin dans « Escorteurs d’Escadre » sorti en 1997, l’escale d’Alger est simplement mentionnée dans le passage cité précédemment.

Certes dans tous les exemples échelonnés dans le temps, il s’agit d’historiques courts. Il est pourtant permis de s’étonner que, dans aucun, le choix des faits estimés assez importants pour être cités, n’ait comporté cette escale d’Alger.

Remplacé par le Général Fourquet, le Général Ailleret quitte l’Algérie le 25 avril 1962, un mois après  le drame, alors que les Français d’Algérie, choqués au plus profond, désespérés, se précipitaient vers les rares bateaux et les avions, dans une fuite éperdue.

Le 8 mars 1968, il a trouvé la mort dans l’accident d’avion qui devait le ramener de la Réunion, « accident » discrètement annoncé et fort peu expliqué. En métropole, les Français d’Algérie de débattaient alors dans les difficultés sans nombre de l’adaptation à un déracinement mal préparé qui les révoltait. Volontiers fatalistes, ceux qui l’ont su y ont vu  la marque d’une justice immanente.

Francine Dessaigne rencontre également  le Capitaine de Vaisseau Henri Morfin, commandant en second du Surcouf qui témoigne à son tour

"A propos de la présence du Surcouf dans la baie d’Alger, les 25 et 26 mars 1962, je n’ai presque rien trouvé au Service Historique de la Marine, encore moins au Musée de la Marine mais j’ai, heureusement, pu rencontrer le Commandant Picard d’Estelan, et j’ai reçu le témoignage d’un autre officier.

Ce dernier, Henri Morfin, Capitaine de Vaisseau honoraire, était alors Capitaine de Corvette, Commandant en second du Surcouf depuis le mois d’octobre 1961. Il se souvient : « A partir du mois der mars 1962, l’Amiral Bailleux a embarqué à Toulon avec son chef d’État-major, le Capitaine de Frégate Paul Geirard et un État-major réduit. Le Capitaine de Vaisseau Picard d’Estelan, Commandant du Surcouf, devenait son Capitaine de Pavillon. Heureusement QUE L4Amiral était présent, cela mettait le Commandant à l’abri de toute pression extérieure intempestive.

Nous participions à des exercices avec la Flottille.  Nous nous trouvions à Bizerte le 23. Nous avons pris la direction d’Alger le 25 et mouillé en face de Bab El Oued vers 07h30 le 26. En fonction de l’évitage du bâti ment (espace libre nécessaire à notre mouvement), j’avais fait orienter les canons vers la mer et mis l’équipage au repos torse nu sur le pont, service du dimanche. Plus tard, nous avons été survolés par un hélicoptère où l’on distinguait un Général qui semblait très intéressé  par le farniente évident de l’équipage.

Le Chef d’État-major est parti en vedette chercher les ordres du GENESUPER à la Réghaïa. Il a été arrêté trois fois aux barrages parce qu’il n’avait pas le mot de passe ! Au bout de deux heures, je l’ai vu revenir avec des plis qui, m’a-t’on dit, n’ont jamais été ouverts. Le commandant me l’a d’ailleurs confirmé : « Les ordres sont dans mon coffre, ils ne seront pas ouverts ». Non suivis d’effets, ces ordres n’ont pas été connus à mon échelon. Il serait intéressant de les retrouver aux archives…

Nous sentions bien que des choses graves se passaient à terre. Dans l’après-midi, le Lieutenant de Vaisseau responsable des Transmissions a essayé d’intercepter des communications sur une longueur d’onde de la Police, mais il n’était question que de déplacements de véhicules. Nous avons appris la fusillade que plus tard. Nous avons appareillé le 27 au petit matin en direction de Mers El Kébir, pour reprendre le cours de nos exercices avec la Flottille. Le 31 mars, nous repassions devant Alger mais au large cette fois.

Comme je n’ai jamais caché mes sentiments sur ce que j’appelais « la capitulation d’Evian » et les malheurs qui ont suivi les accords, en 1965, mon Ministre m’a prié d’aller exercer mes talents ailleurs. J’ai terminé ma vie active comme ingénieur dans une filiale de Renault ».

Le Surcouf, après un grand carénage à Brest, participa, à partir de 1965, aux activités de l'Escadre d' Atlantique. En 1971, il fut abordé de nuit par le pétrolier soviétique "Général Boucharov" dont l'étrave enfonça son flanc tribord à l'avant de la première cheminée. Il y eut un blessé grave et cinq disparus.

"L'Escorteur d'Escadre Surcouf  n'étant ni réparable ni réutilisable dans sa situation actuelle, je vous propose de condamner le bâtiment afin de l'utiliser comme cible pour tirs de Marine"  écrit le Contre-amiral Sanguinetti  au ministère de la Défense nationale.

Triste fin pour un navire commandé, un jour, par des officiers qui surent, en refusant de tirer, donner au mot Honneur, son sens le plus haut.

Boulevard Carnot - Au fond les voitures blindées - les militaires - les gardes mobiles

 

Dans la rade les escorteurs: le Maillé-Brézé et le Surcouf

La photo est prise par un Algérois et transmise à Francine Dessaigne

07

08

Les escorteurs

04

05

 

 

Informations supplémentaires