7.5 - Roger DEGUELDRE - L'assassinat d'un officier français par Manuel Gomez - Secours de France - José Castano - Jean-Pax Meffret - colonel de Blignères - Phiberste ...

III - Histoire et récits - L'O.A.S.

1 - 6 juillet 1962 - L'ASSASSINAT D'UN OFFICIER FRANCAIS par Manuel Gomez

2 - In memoriam Roger Degueldre(1925-1962) par Secours de France

3 -IN MEMORIAM 6 juillet 1962 - 6 juillet 2016 - Message de J.P. Papadacci

 

 

 

1 - 6 juillet 1962 - L'ASSASSINAT D'UN OFFICIER FRANCAIS par Manuel Gomez

A Paris, les différents procès  des responsables OAS tournent à la déconfiture du général De Gaulle. Il  n’obtient pas la tête des généraux qui ont osé le braver, il devra se  contenter du sang des légionnaires Albert Dovecar et Roger Degueldre,  fusillés respectivement les 7 juin et 6 juillet 1962, d’un civil, Claude  Piegts et de l’ingénieur chef Bastien-Thiry, qui n’avait pas une goutte de  sang sur ses mains, dont il refusera les grâces et qu’il fera exécuter  sans aucune pitié.

Ce mot n’existait pas dans le vocabulaire de De Gaulle.  Il n’émettra même pas une parole de regret en apprenant le suicide de son ami le général de Larminat, compagnon de la libération et grand chancelier  de l’Ordre. Le général de Larminat devait présider le tribunal de  la cour martiale de justice (qui sur ordre de De Gaulle avait remplacé le  Haut tribunal militaire jugé trop clément envers les « factieux »). Il  s’agit là d’une juridiction d’exception totalement contraire au droit français car elle permet de juger sans aucune voie de recours. Le général de Larminat se fait hospitaliser au Val de Grâce afin d’échapper, sous le prétexte d’un ennui de santé, à cette présidence qu’on lui impose. Sa  chambre est voisine de celle du général Ginestet, qui vient d’être  grièvement blessé quelques jours plus tôt à Oran. Ginestet lui raconte les horreurs qui se sont produites dans cette ville depuis le début de juillet et le rôle ignoble tenu par le général Katz. Le général de Larminat  supporte très mal ce récit. Il ne peut accepter la présidence d’une cour  martiale qui va juger des officiers qui se sont révoltés dans l’unique  objectif de défendre la France. Il refuse de participer à cet hallali  judiciaire voulu par de gaulle et se confie à l’un de ses proches, venu  lui rendre visite : « Je ne serai pas le Fouquier-Tinville de la Ve  République. Je me tuerai ce soir ».C’est ce qu’il fait. Il a préféré se donner la mort que l’ordonner pour des officiers dont il respecte  l’honneur. De Larminat avait surtout été très marqué psychologiquement par les conditions atroces et inhumaines de la mise à mort du lieutenant  Degueldre quelques jours plus tôt. Il sera aussitôt remplacé par le général Gardet qui n'a pas les mêmes états d’âme et participera ainsi à « l’assassinat » du lieutenant Degueldre.

Qui est Roger Degueldre ? Né dans le nord de la France, il entre en résistance en 1942, à moins de 20 ans, auprès des partisans communistes FTP (Francs-Tireurs et Partisans)  (Cela est important contre ceux qui veulent démontrer que l’OAS n’était composée que de d’extrémistes fascistes).

Degueldre s’engage dans la Légion étrangère, se bat en Indochine où il obtient la médaille militaire  pour acte de courage, puis c’est l’Algérie. Refusant de se renier  devant le serment fait sur la tombe du colonel Jeanpierre : "Plutôt  mourir, mon colonel, que de laisser l'Algérie aux mains du FLN. Je vous le  jure !" - Il entre en clandestinité le 11 décembre 1960 et prend le  commandement opérationnel des commandos « Delta ».

Degueldre est arrêté  le sept avril 1962 et condamné à mort le 28 juin de cette même année, malgré l’engagement de son avocat, Me Tixier-Vignancourt qui estime que le  général Salan (chef du lieutenant Degueldre) épargné il est impensable que celui-ci soit exécuté. Degueldre décroche ses nombreuses décorations et les remet à sa femme. De Gaulle refuse de recevoir Me Tixier-Vignancourt. Il accepte cependant d’écouter distraitement l’autre avocat, Me Denise Macaigne, mais ne dit pas un mot ni ne pose aucune question. Pour lui Degueldre est déjà mort. Nous sommes au fort d’Ivry  le 6juillet 1962. C’est l’aurore. Il fait une belle journée d’été,  presqu’aussi chaude que celles que Degueldre a connu en Algérie.

On le  réveille. Il revêt sa tenue léopard, enroule autour de son cou le foulard  de la Légion et pose sur sa tête le béret vert du 1er Régiment de  Parachutistes, dont il porte l’insigne sur sa poitrine. Degueldre éprouve le besoin de s’exprimer une dernière fois : «Je suis fier de  mourir pour tenir le serment qu’a fait tout officier ayant servi en Algérie. J'ai donné ma parole, je la tiens. Dîtes aux Algériens que, si je  ne suis pas de leur race, n’étant pas né sur leur sol, je les ai beaucoup  aimés et je les aime toujours». Se tournant ensuite vers l’avocat  général Gerthoffer : « Je ne vous garde pas rancune, mais je vous plains ». Puis vers son défenseur, Me Tixier-Vignancourt: « Dîtes que je  suis mort pour la France ».

Attaché au poteau, Degueldre refuse qu’on  lui bande les yeux. La mort ne lui fait pas peur, il l’a tant côtoyé  depuis ses vingt ans. Serrant le drapeau tricolore contre sa poitrine et  posant sa main sur la poche de sa vareuse où se trouve la photo de son  petit garçon, Philippe, qu’il n’a jamais vu, il crie « Vive la France » et  entonne d’une voix claire et puissante La Marseillaise.

Devant tant de courage et de patriotisme le peloton d’exécution hésite à tirer puis la  salve part et le peloton se retire. L’adjudant-chef chargé de donner le coup de grâce s’approche mais constate que Degueldre est toujours vivant.  Une seule balle, sur les douze, l’a atteint au ventre. Il ne s’agit plus alors d’achever un moribond mais de tuer de sang-froid un être  vivant. Sa main tremble, il tire mais à côté. Ceux qui assistent à  cette scène surréaliste sont stupéfaits. Devant une telle situation,  unique dans les annales, les juristes s’accordent à dire que la sentence ayant été exécutée et que le condamné étant toujours en vie, il faut lui  porter les soins nécessaires et c’est à cet instant que cette exécution devient un « assassinat ».L’avocat général très irrité fait signe au  sous-officier de recommencer, cependant que Degueldre, recroquevillé sur  lui-même, souffre le martyr. L’adjudant-chef, dont la main tremble  encore davantage, pointe une nouvelle fois son arme vers la tête du supplicié et, fermant les yeux, appuie sur la détente. Pas un bruit,  l’arme s’est enrayée. Le lieutenant Degueldre tourne son regard vers le sous-officier ne comprenant pas la situation dramatique dans laquelle il  se trouve. Une rumeur monte de l’assistance. L’avocat général ordonne  qu’une autre arme soit apportée et comme personne parmi les militaires  présents n’en possède une il faut se dépêcher d’aller en  chercher. Degueldre est toujours vivant et c’est là que Me Tixier-Vignancourt, pourtant si prompte à saisir la moindre occasion  devant un prétoire, reste pétrifié, hypnotisé par la scène à laquelle il  assiste, et il s’en souviendra jusqu’à sa mort. Il aurait pu se  précipiter, se jeter sur le corps de Degueldre, exiger que l’on arrête ce  massacre, mais il ne bouge pas. Un pistolet est remis à  l’adjudant-chef, aussi pâle que le lieutenant, écœuré par cette  boucherie, mais obéissant aux ordres sans avoir le courage de se révolter.  Il tire une nouvelle fois mais pas au-dessus de l’oreille, comme le  stipule le règlement, mais près de l’omoplate et, enfin, c’est la dernière  détonation. Le lieutenant Degueldre a rejoint les siens au paradis des héros.

Le 06 juillet 1962 un officier français a été assassiné sur  ordre du général de Gaulle et aujourd’hui, 50 ans plus tard, tous ceux qui font référence au gaullisme, tous les héritiers de De Gaulle, ont le sang du lieutenant Degueldre sur leurs mains.

 

Extrait du  livre « De Gaulle, sa face cachée. Ses impostures, ses forfaitures, ses crimes »

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Lieutenant Roger Degueldre

Dans cette cellule, Roger Degueldre avait écrit, sur un cahier d'écolier, ce texte :

« Après un certain procès qui s'est déroulé jeudi de la semaine dernière, Degueldre Roger a été transféré dans sa cellule de condamné à mort de Fresnes.

« Voici ce que disent les gens ; moi qui connais D. R., l'ayant pratiqué pendant trente-sept ans, j'affirme que c'est faux. D. R. n'est pas ici. Le personnage enfermé à Fresnes s'appelle Jules (c'est du moins le nom que je lui ai donné).

« Jules est bien différent de Roger. Depuis son arrivée, Jules ne fait que dormir, lire, boire et manger. Tout le monde est très gentil avec lui. On dirait un grand personnage qui sort de maladie après avoir frôlé la mort. Il est entré en convalescence, mais on doit le surveiller attentivement par crainte de rechute. Il faut aussi se soucier qu'il ne lui manque rien et, à cet effet, lui ouvrir souvent sa porte et lui demander s'il n'a besoin de rien. La nourriture riche et abondante est nécessaire à ce grand malade et on ne se fait pas faute de la lui donner. La nuit, il faut veiller sur ce pauvre Jules. Aussi met-on une ampoule bleue de façon à pouvoir guetter son sommeil, mais ne pas lui blesser les yeux.

« Le matin, on lui apporte son café jusque dans le lit, puis on lui fait faire une petite promenade, toujours sous la surveillance attentive et attendrie d'un, ou de deux, même parfois de trois gardiens. Parmi ces gardiens, il y en a toujours qui sont armés, et c'est là un des points pour lesquels je dis que ce n'est pas R. D. qui est là, car Jules n y fait même pas attention,« Parfois, le directeur de la maison vient le voir et lui apporte un médicament. Il lui avait promis ce médicament tous les soirs afin qu'il s'endorme mieux, mais, en fait, jusqu'à ce jour, il n'est venu qu'une seule fois avec le médicament. Peut-être le docteur n'est pas d'accord? Car il doit y avoir un dans cette maison, mais Jules ne l'a pas encore vu. En revanche, l'aumônier est venu le voir hier. Très gentil et compréhensif mais Jules est très méfiant vis-à-vis de ces gens-là. En cela, il ressemble à R. D.« Tout le monde a, sur le passage de Jules, un sourire attristé plein de compréhension. Jules répond par un large sourire et une parole aimable, et il lui semble à chaque fois entendre un soupir de soulagement sortir des poitrines des gens qu'il rencontre.« Ce soupir semble dire : « Ah! il va mieux. » Et Jules est tout content de la bonne farce qu'il est en train de jouer. Parfois, mais rarement quand même, une peur bleue s'infiltre en Jules. Elle est vite rejetée, car cette peur est destinée à R. D. et Jules n'en veut pas. Voici le deuxième point qui me fait dire que ce n'est pas R. D. qui est ici, mais bien Jules.« Jules est détaché de ce monde, il ne s'intéresse à rien. Tous les jours, la radio lui parle d'un certain Tour de France qui est, paraît-il, l'attrait de tous les Français. Mais Jules ne fait guère attention à ces bonshommes qui font des kilomètres en suant et en fatiguant, alors que l'avion ou l'auto sont plus rapides ou plus reposants.« La chambre de Jules est toute jaune, proprette et nette, mais la porte et la fenêtre derrière laquelle se trouvent d'énormes barreaux et un grillage sont fermées en permanence. Diable! On ne sait jamais ce qui peut se passer dans la tête d'un malade.« Jules s'en f... éperdument et ne songe qu'à s'allonger sur son lit, pas très confortable car trop mou, et fumer, lire, manger, boire, dormir.« Tous les jours après la promenade, on lui fait prendre une douche, toujours sous surveillance attentive et directe. Il passe là un bon moment, car il peut s'amuser à demander à l'un des gardiens de lui faire la douche chaude et froide alternativement, et on s'emploie à le satisfaire immédiatement.« Quand Jules sort de sa chambre, tout ce qui n’est pas gardien rentre et se camoufle. Personne n’a le droit de voir Jules, car c'est quelqu'un d'important. « Je crois que j'ai tout dit sur Jules et de sa vie bien calme et si douce".

« Et R. D., me direz-vous, où est-il alors? Que fait-il? Que pense-il ?

« Ça c'est un secret que je connais bien, mais moi seul le connais. » (1)

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Cellule de Roger DEGUELDRE à la prison de la santé

(1) Ce secret, c'est celui d'un homme, et les hommes sont rares. Les familles, les patries, les civilisations, et même les régiments peuvent mourir. Ça va, ça vient, et rien de tout cela n'a vraiment d'importance. Mais voir mourir des hommes, c'est toujours dommage.
Pierre SERGENT.

 Pierre Sergent
Pierre SERGENT

Roger Degueldre :

"La parole qui, trop souvent, n'est qu'un mot pour l'homme de haute politique, devient un fait terrible pour l'homme d'arme, et ce que l'un dit légèrement, ou avec perfidie, l'autre l'écrit sur la poussière avec son sang". (Alfred de Vigny)

Rien n'est plus vrai pour Roger Degueldre, l'homme le plus brave, le plus efficace, le plus impitoyable au combat. Il a fait serment de garder l'Algérie à la France. Pour le tenir il ira jusqu'au bout de l'aventure.

Il est né en 1925 dans le Nord.
En 1940 il fuit l'occupation allemande et 1942 il s'engage dans les maquis. En 1945 il s'engage dans la Légion étrangère.
Il est fait sous-officier en Indochine, au 1er Régiment étranger de cavalerie. Il est décoré de la Croix de Guerre.
Il participe au conflit algérien au 1er Régiment  étranger de parachutistes. Il est fait officier et nommé chevalier de la Légion d'honneur.
En janvier 1960 il participe à la semaine des barricades à Alger et passe dans la clandestinité le 11 décembre 1960. En 1961 il est créateur et responsable des commandos Delta de l'OAS.
Il est arrêté le 7 avril 1962 et condamné à mort le 28 juin 1962 par la cour militaire de Justice.
Il est fusillé le 6 juillet 1962 au Fort d'Ivry sur Seine. La première salve le blessa seulement : une balle seulement l'atteignit sur les onze. Le sous-officier chargé de lui donner le coup de grâce s'y reprendra à six fois.
Tous les juristes s'accordent à dire que la sentence ayant été exécutée, puisque le condamné était encore en vie, il fallait le détacher du poteau et lui donner les soins nécessaires. Autrement dit, on n'avait pas le droit d'achever le blessé.

Sa compagne Nicole Gardy, fille du général  Paul Gardy,  est également condamnée à mort, s'enfuit en Argentine avec toute sa famille.

Jean-Pax Meffret a composé en l'honneur de Roger Degueldre une chanson "Lieutenant Degueldre" parue en 1968.

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Témoignage de José CASTANO pour Roger DEGUELDRE dans le film réalisé par Charly CASSAN
"La valise ou le cercueil"

Ma chère Simone, c’est effectivement moi qui témoigne dans le film de Charly. Il a été, officiellement, fait usage de deux révolvers pour le « coup de grâce ». Le premier s’étant enrayé et personne, sur place, n’en possédant, il fallut en chercher un nouveau… Pendant ce temps, Degueldre, blessé, souffrait… On estime entre 15 et 20 minutes le temps qui s’est écoulé entre la première salve et le dernier coup de feu. Dans les cinq à six « coups de grâce » (personne n’a pu exactement le définir), il faut compter, évidemment, les coups « neutres », c'est-à-dire l’action sur la détente sans résultat.

Bisous

José

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