6.11 - Terrorisme - Témoignages

II - Histoire et récits - Mars 1962-C'était tout ce poids dans la tête...

 

4 - Témoignage de Patrick CUESTA   - 24 octobre  2004 recueilli par Hervé Cuesta   

Témoignage recueilli à PIA (66) le 24 octobre 2004, par Hervé CUESTA Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Le 9 mai 1962, vers 18 heures après ma journée de travail, à CHERAGAS près d’Alger, je me trouvais en compagnie de mes copains d’enfance : BERTOMEU, Jean GALLANT…etc... Nous étions 5 ou 6. Lorsqu’un nouvel ami, Ahmid, fît feu sur nous.

Il faut préciser que cet ami, Ahmid, qui venait de la frontière marocaine, s’était de lui-même incorporé à notre bande dès son arrivée à CHERAGAS en 1960, ses parents étant employés du Docteur MAIGROZ  de ce même village.

Donc ce jour-là, aucun de nous ne pouvait deviner ce qui arriva :A l’angle de la rue du Bain Maure à côté d’une boucherie arabe, il surgit avec un pistolet 7,65 [1] et fit feu sur notre groupe.

J’étais le premier sur la trajectoire, et pris la balle en pleine tête, presque à « bout touchant ». Elle pénétra près de l’oreille gauche et vint se loger dans ma mâchoire supérieure à l’articulation des deux mâchoires : le condyle.La surprise et la panique s’emparèrent de mes copains, qui s’enfuirent tous, me laissant seul à terre dans une marre de sang. Etourdi et chancelant, je me relevais et me dirigeais  chez le docteur CARON mais il était absent, sa secrétaire me claqua la porte au nez.
A t’elle eu  peur ? Encore une question laissée sans réponse après 42 ans…

(Des rumeurs laissent imaginer qu’après l’indépendance, ce docteur pensait pouvoir collaborer avec le FLN.) Je revins, sur mes pas, vers le centre du village, et je tombais sur le docteur TREILLE qui était déjà en retraite; il me fit entrer dans son cabinet pour m’apporter les premiers soins et appela aussitôt mon père qui me conduisit avec son auto à l’Hôpital MUSTAPHA à Alger.
Le lendemain à midi j’étais opéré pour extraire la balle. Malgré trois opérations de l’œil et de la mâchoire, après 42 ans, je souffre toujours des séquelles de cet attentat qui reste gravé au fond de ma mémoire pour ma vie entière: il suffit que je me regarde dans la glace… Sans compter les complications neurologiques pour lesquelles je suis toujours en traitement.

Quant à mon agresseur, il fût arrêté une semaine après par les militaires, emprisonné puis relâché quelques jours après (accords d’Evian...).

Mais cependant, les gardes-mobiles vinrent chez nous pour effectuer une fouille complète de notre maison afin de découvrir des éventuelles armes... Bien entendu, nous étions suspectés d’appartenir à un réseau OAS…. Mes parents furent menacés de poursuites s’il arrivait quelque chose à l’auteur de l’attentat…!!!

Je précise que pour ma sécurité, j’étais caché à Bab-el-Oued chez ma tante dès la sortie de l’Hôpital, jusqu’à mon départ pour la métropole le 8 juin 1962.

Le personnel de l’Hôpital m’avait conseillé de fuir en Métropole et de me mettre à l’abri, étant persuadé que le FLN n’hésiterait pas à venir à MUSTAPHA pour m’achever ; des cas semblables étant déjà arrivés : l ‘Armée Française n’avait plus le pouvoir de protéger la population européenne.

Je ne revis donc plus le village où je suis né et j’en étais au début, soulagé. Pendant plusieurs années j'ai fais des cauchemars, la crainte de me faire enlever comme tant d’autres, même en Métropole…

D’autres rumeurs font état que mon agresseur Ahmid, soupçonné de jouer le « double-jeu » a été défenestré lors d’un « interrogatoire poussé » par ses amis du FLN quelques mois après.
C’est un ami de CHERAGAS,  lui-même enlevé en juillet 62 puis relâché deux mois après qui m’apprit cette nouvelle.

J’atteste sur l’Honneur, que toutes ces informations sont rigoureusement exactes.

Je continue de percevoir une pension militaire à titre civile, étant pensionné à 95 %.

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Patrick CUESTA est né en 1944.
Patrick
CUESTA est le cousin d'Hervé CUESTA.
C'est un ancien champion cycliste d'Alger.
Il devait partir,  un mois après l'attentat, dans une école de cyclisme professionnel en métropole

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Pistolet UNIC  et munition calibre 7.65

[1] - Dès 1951, dans la Police Nationale, l'ensemble des armes de poing détenues est remplacé par un pistolet automatique de marque UNIC modèle Rr 51 en calibre 7,65 mm jusqu'en 1981. Cette arme est faite pour le corps à corps ou tir sur courte distance (efficacité jusqu'à 25m). J'ai vu des projectiles rebondir sur des pneus sans parvenir à les percer. (Source : Alain AVELIN, retraité de la Police Nationale)

 

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