7.5 - Michèle TABAROT, Maire du Cannet (Alpes Maritimes) : 50 ans après - Jeudi 5 juillet 2012 - Refus obstiné de toute repentance

XII - 50 ans après - LES JUSTES

Discours de Madame Michèle TABAROT 
50 ans après - jeudi 5 juillet 2012 - Le Cannet

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Comme vous le savez, chaque année, pour le 5 juillet, nous commémorons avec la maison du Pied-noir, le funeste anniversaire des massacres d’Oran et Constantine.

Mais cette année, cet évènement correspond au 50 ème anniversaire de l’arrivée des Français d’Algérie en métropole que nous célèbrerons tout au long de ce week-end.

Cette commémoration réveille chez beaucoup d’entre nous une mémoire blessée.

Cette mémoire blessée nous replonge collectivement dans le souvenir de nos disparus et de cette terre perdue.

Si notre mémoire collective est blessée, c’est aussi parce qu’elle a été attaquée de façon indigne et permanente ces cinquante dernières années par une lecture très partiale de notre histoire.

Il est très important que ce rendez-vous soit aussi celui de la mémoire partagée, notamment avec les jeunes générations qui doivent connaître le rôle positif que vous et vos parents ont joué de l’autre côté de la Méditerranée.

Il est important de montrer que bien loin des caricatures, les Pieds-noirs étaient des gens simples, avec un niveau de vie inférieur à celui des Français de métropole pour 80% d’entre eux.

Non, comme l’écrivait notre prix Nobel Albert CAMUS, «  les gens de ma famille n’ont jamais opprimé personne ».

Important de montrer que, pendant plus d’un siècle, l’Algérie a été un exemple rare de cohabitation harmonieuse entre trois peuples pratiquant des religions différentes, les juifs, les chrétiens et les musulmans.

Un respect mutuel existait. Un respect mutuel qui devrait être sans cesse rappelé plutôt que d’inventer une histoire de haine que les uns et les autres n’ont jamais vécu.

C’est pourquoi cette mémoire blessée, nous voulons la partager avec les Cannettans et  les Rochevillois, même s’ils n’ont pas tous connu cette histoire.

Cette mémoire exprime aussi le refus obstiné de toute repentance.

Nous n’avons d’excuses à ne présenter à personne pour tout ce qui a été fait en Algérie.

La France a permis d’éradiquer des épidémies dévastatrices, grâce aux traitements dispensés par les médecins militaires.

La France a permis la fertilisation de terres incultes et marécageuses.

La France  a construit des infrastructures que les Algériens utilisent encore aujourd’hui.

La France a posé les jalons de la modernité en Algérie, en lui donnant les moyens d’exploiter les richesses naturelles de son sous-sol.

C’est la nation qui a un devoir moral à l’endroit des Pieds-noirs, des Harkis et de tous ceux qui ont combattu en Algérie.

C’est la nation qui a un devoir de reconnaissance envers les Armées d’Afrique dans lesquelles vous étiez si nombreux et dont le sang a été si souvent versé pour notre liberté pendant les deux guerres mondiales.

Depuis que vous m’avez fait l’honneur de me choisir pour vous représenter à l’Assemblée  Nationale, j’ai été à l’initiative, avec plusieurs collègues, de nombreuses actions qui allaient dans le sens de cette reconnaissance.

Parce que c’est mon histoire.

Parce que c’est mon devoir.

Mais également parce que cela est juste.

J’aurais souhaité, comme vous tous, que la France reconnaisse officiellement sa responsabilité dans l’abandon des Français d’Algérie et des Harkis il y a cinquante ans et dans la plus profonde injustice dont ils ont été les victimes.

J’aurais souhaité que l’on condamne les paroles du Maire de Marseille de l’époque, un certain Gaston Deferre, qui voulait que les Pieds-noirs aillent « se réadapter ailleurs ».

J’aurais souhaité que certains philosophes bien-pensants s’indignent quand les cimetières européens d’Algérie étaient profanés et les tombes de nos grands-parents éventrées.

Alors aujourd’hui nous devons regarder le présent et le futur en se disant que les Pieds-noirs peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait en Algérie et fiers aussi de ce qu’ils ont  fait en métropole.

Fiers d’avoir su trouver la force de se reconstruire, même si cela n’a pas été facile tous les jours.

Fiers d’avoir, pour beaucoup d’entre eux, de belles réussites professionnelles grâce à leur travail et leur courage.

Fiers d’avoir, su recréer des familles solides et aimantes.

Fiers d’avoir retrouvé des racines dans une terre d’adoption, comme l’avaient fait leurs arrières grands-parents.

Fiers d’avoir transmis aux jeunes générations l’amour de notre pays et l’attachement à nos valeurs.

Fiers tout simplement de ce qu’ils sont devenus, loin de leur Algérie qui était la France.

 

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