6.7 - Le Terrorisme du FLN

III - Histoire et récits - Mars 1962-C'était tout ce poids dans la tête...

4 - L'Islam dans le terrorisme mondial : un article de Jean-Pierre LLEDO - Décembre 2015

C’est évident, il y a un déni massif, en Europe comme aux USA, de l’implication de l’islam dans le terrorisme mondial. Et ce n’est pas nouveau.

Lorsqu’en Algérie, dans les années 90, le FIS (Front Islamique du Salut) décida de passer à l’action armée et se transforma en GIA (Groupes Islamiques Armées) pour mener une guerre[1] dont l’objectif était clairement la substitution d’un Etat islamique (comme celui que vient d’instaurer l’ISIS au Moyen-Orient) au système politique mis en place par les nationalistes après 1962, et dont la clé de voûte était (et demeure) l’armée, que firent les dirigeants, et les médias, surtout de gauche, européens et américains ? Ils soutinrent les islamistes, ignorèrent les quelques véritables démocrates, et s’attaquèrent à la seule force en mesure de leur tenir tête, l’armée (elle-même, au demeurant, infiltrée par les islamistes) !

Pour vous en convaincre, pour ce qui est de la France, rouvrez les pages du Monde, de Libération, du Nouvel Obs, de ces années-là…

Quant à leurs Etats, ils offrirent généreusement des dizaines de milliers de visas aux dirigeants et militants islamistes en fuite, et le Président Mitterand proposa même ses bons offices de médiateur !

Le résultat nous le voyons aujourd’hui : de Saint-Denis en France à Malmö en Suède (avec 300 000 personnes, ils sont désormais la majorité de la population) en passant par Molenbeek, en Belgique.

Que ces Etats, et une grande partie de leurs médias et de leurs intellectuels, profondément trempés dans un libéralisme ayant des racines d’au moins quatre siècles, aient pu aussi allègrement soutenir des forces politiques qui ne dissimulaient nullement ni leurs programmes politiques totalitaires  (‘’la démocratie est mécréance’’ avait dit en 1990, le leader islamiste algérien Ali Benhadj) ni leur philosophie obscurantiste de la vie, restera toujours pour moi un grand mystère.

Car c’est au nom même de leurs valeurs démocratiques que ces Etats et qu’une grande partie de leurs intelligentsia se firent les alliés des islamistes ! Puisque les islamistes étaient visiblement la majorité, eh bien c’était à eux que devaient légitimement revenir le droit de diriger leurs pays !

La démocratie se résumerait-elle à la loi de la majorité ?

Foin de la liberté de penser et d’agir ? Foin de l’alternance ?  Foin du pluralisme ?

Ces Etats et ces intelligentsias seraient-ils ignorants ? C’est la seule hypothèse que je risquerais. Il semble n’être pas en mesure de prendre en compte une réalité pourtant très visible : depuis plusieurs siècles, seule une partie du monde a réussi à faire émerger des systèmes politiques démocratiques.

Cette émergence n’ayant été que la résultante d’une révolution culturelle, puis économique, puis sociologique, ayant remis en cause des modèles de pensée, de comportements, de production jusqu’au statut même des individus, constitués depuis presque l’origine de l’humanité.

Or ces Etats et leurs intelligentsias se sont comportés et continuent de se comporter comme si la démocratie, réduite aux seules élections, était un ‘’produit’’ qu’une civilisation plus avancée pouvait ‘’vendre’’.

Les islamistes captèrent vite le message et persuadés qu’ils étaient bien la majorité un peu partout dans le monde musulman, ils se convertirent à  la démocratie… le temps d’un vote.

Ce faisant, ces Etats et ces intelligentsias, faisaient l’impasse sur la réalité profonde de ce monde particulier, longtemps appelé ‘’sous-développé’’, comme si le ‘’sous-développement’’  (économique) était la cause et non la résultante.

L’idéologie communiste tenta d’expliquer le retard par le ‘’colonialisme’’, puis – les indépendances ne s’avérant pas la panacée – par le ’’néo-colonialisme’’. 

Et après Frantz Fanon, Edward Saïd devint la coqueluche des universités occidentales : l’Orient était malade du regard que l’Occident portait sur lui !!! Pas de son propre corps, mais du regard de l’Autre !!!

Les théories de Fanon fondées sur l’idée que la fin des colonisations mettraient fin aux aliénations des ex-colonisés, femmes et hommes, eurent beau être démenties par l’histoire post-coloniale, et celles de Saïd, pulvérisées par le philosophe égyptien Fouad Zakarya[2] qui démontre à Saïd que seule son ignorance de la réalité du monde arabe (Said a presque toujours vécu aux USA) avait pu mettre à la charge de l’Occident les multiples tares du monde musulman dues pour l’essentiel à son incapacité à se voir tel qu’il est. (Précisons à la décharge des intellectuels du monde musulman, que la lucidité et l’esprit critique sont des délits souvent passibles d’exécutions).

Un constat s’impose : malgré le démenti de l’histoire, Fanon et Saïd demeurent les maitres à penser des intelligentsia américaines et européennes, et consciemment ou non, les inspirateurs de cette stratégie du déni de la réalité, et notamment de la réalité de l’islamisme… c’est-à-dire de sa relation avec l’islam.

Réalité massive que ces deux ‘’penseurs’’ n’ont même pas eu l’idée de penser ! Car hormis Zakarya, il y eut bien d’autres penseurs du monde arabo-musulman qui osèrent  (le plus souvent assassinés)! L’Algérien Malek Bennabi[3], qui après avoir fait le constat du marasme de la pensée musulmane, osa même le concept de ‘’colonisabilité’’, concept qui mettait fin à la déresponsabilisation des sociétés précoloniales, ce qui lui valut naturellement une avalanche de critiques des nationalistes comme des communistes, lesquels, pour expliquer l’état de délabrement du monde musulman, ne sont capables que d’alléguer des raisons extérieures.

Et si le Mal ne vient pas de l’intérieur, il suffit alors de l’arracher, comme une mauvaise peau, par la force si besoin est. La force devient un moyen légitime pour s’en libérer. Et tous les moyens sont bons. Y compris le terrorisme. Un terrorisme en soi rédempteur. Sartre a validé cette vision de son renom[4]. Et les intelligentsias occidentales sont toujours prisonnières de cette ‘’pensée’’. Tant qu’elles ne réussiront pas à s’en émanciper, elles continueront à chercher à justifier la terreur et les terroristes. Car on ne peut combattre le terrorisme… en en épousant sa philosophie !

C’est d’ailleurs la mésaventure advenue aux Algériens. L’armée vainquit les forces armées islamiques. Mais la victoire militaire ne fut jamais prolongée en victoire idéologique. Il eut fallu pour cela que l’Etat et son intelligentsia soient capables de faire deux choses : établir la relation entre islamisme et islam ; mais aussi délégitimer le terrorisme.

C’était trop demander à un Etat, héritier du FLNqui dans la foulée du grand Mufti de Jérusalem, Amin el Husseini (oui, celui qui fut le collaborateur d’Hitler à Berlin dans les années 40), pratiqua le plus vil des terrorismes : la guerre d’Algérie commença par un massacre de civils, celui du 20 Aout 55 dans l’Est-algérien, et se termina par un autre massacre de civils, le plus important de toute la guerre, celui du 5 Juillet 62 à Oran, le jour même de l’indépendance : massacres avec crânes enfants fracassés contre les murs, têtes décapitées avec lesquelles on jouait au ballon, hommes émasculés et femmes aux seins coupés… Près d’un millier de morts, au moins.

C’était trop demander à son intelligentsia qui depuis l’indépendance s’était voulu un simple relai de l’Etat ‘’anti-impérialiste’’. C’était trop demander aussi aux simples citoyens élevés au biberon nationaliste qui ne pouvant pas dire, ne savait plus comment penser le problème suivant : comment aujourd’hui condamner la bombe du GIA qui vient de tuer mes enfants et ma femme dans le marché du quartier, tout en m’étant réjoui des bombes posées par mes parents qui tuèrent aussi des mères et des enfants non-musulmans, et ne pas voir aujourd’hui la troublante similitude ? (ces deux paragraphes soulignés par S. Gautier)

Seule la reconnaissance qu’il n’y a pas un bon et un mauvais terrorisme peut faire sortir de l’impasse intellectuelle. Mais en Algérie personne n’en fut et n’en est capable. Et le mot lui-même ‘’terrorisme’’, employé au début, faute de mieux, fut rapidement retiré de la circulation et remplacé beaucoup plus avantageusement par ‘’décennie noire’’. L’expression connut un succès immédiat. Plébiscitée par tous, gouvernants et gouvernés, terroristes et soldats, intellectuels et simples citoyens. On pouvait ainsi continuer à vivre sans se remettre en cause. Et le président Bouteflika paracheva le processus de déni en faisant approuver par referendum une ‘’Concorde nationale’’ qui accordait le pardon aux terroristes sans le moindre jugement (et même les salaires impayés, lorsque les islamistes avaient dû quitter leur poste de travail dans l’administration pour le maquis) !!!

Et en appelant tous les Français à pavoiser, qu’a fait le Président Hollande sinon plagier la recette de son homologue ?

Si les Français veulent savoir ce qui les attend, qu’ils interrogent les Algériens qui chaque jour débarquent dans leur pays et ils sauront que malgré ses immenses richesses, l’Algérie est un pays en train de pourrir.

De son incapacité à mettre des mots sur le réel.

La France de Descartes régresse au stade de la magie (noire) : en arriver à un stade où l’on croit pouvoir dissimuler le Mal avec un bout de tissu !

Prenez garde, votre drapeau pourrait n’être qu’un linceul, Monsieur Hollande.

7 Décembre 2015

 

Jean Pierre LLEDO

 

© Jean-Pierre Lledo pour Europe Israël News –  (Cliquez sur "Europe Israël New" pour lire ses articles)

[1] 200 000 morts après sept ans de guerre.

[2] ‘’Laïcité ou islamisme. Les Arabes à l’heure du choix’’.  Fouad Zakarya. Ed La découverte 1991, Et aussi un chapitre de ’Le Monde arabe face à ses démons : Nationalisme, Islam, et Juifs’ , JP Lledo, ed Colin, 2013

 

      Electre 3

 

monde arabe face a ses demons

 

[3] Les Conditions de la renaissance. Malek Bennabi.(1949)

 


conditions renaissance malek bennabi

 

[4] Préface-essai de 50 pages au livre de Frantz Fanon ‘’Les Damnés de la Terre’’. On peut y lire notamment : « Car, en ce premier temps de la révolte, il faut tuer: abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé… »

Informations supplémentaires