6.6 - Les tortures : L'école de Police d'Hussein-Dey - La caserne des Tagarins - Rocher noir...Témoignages

III - Histoire et récits - Mars 1962 : Barbouzes, tortures, attentats, enlèvements, charniers

1 - Témoignage : la mort d' ESPOSITO de Maurice JUIF

2 - Témoignage de Jean-Marie HERNANDEZ

 

1 - Témoignage : la mort d' ESPOSITO de Maurice JUIF

Tombé dans une embuscade tendue par les gardes mobiles, à l'aide d'half-tracks, j'ai été transféré avec Doumé Giacomoni et Caumas dans une cage de fer de 3x3 m à l'école de police d'Hussein-Dey où se trouvaient déjà Hans Muller, caporal au 2ème REP, Jacky Perez, parent du Docteur, Fanfan Leca et Esposito, cafetier à Belcourt.

Entassé à 7 dans cette petite cage, gardés par les GM fébriles et revanchards, nous injuriant à longueur de jour. Esposito n'a pu résister plus longtemps et il a tenté de s'évader. Un matin, en revenant des toilettes , escorté par deux G.M., il a brusquement saisi  un balai et a violemment attaqué un G.M., le blessant gravement à la main et pensant peut-être lui prendre sa Mat 49.

Aussitôt et sans sommations, le second GM ouvrit un feu nourri au PM, par rafales à bout portant sur le malheureux Esposito qui, face à la puissance du feu recula et vint s'écrouler dans la cage au milieu de nous, plaqué au sol, la joue à même le béton. Un vrai miracle que personne d'entre-nous n'ait été atteint et ce, malgré les ricochets qui sifflaient contre les structures métalliques.

A l'arrêt du feu, nous tenant en joue, jambes écartées en position de tir, l'assassin excité eut le culot d'enchaîner : "le premier d'entre vous qui bouge, je lui envoie la purée". Ce jour-là, nous avons vécu des moments atroces. Cette scène horrible restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Atteint par de nombreuses balles à la poitrine et au ventre, le pauvre Esposito râlait et gisait dans une mare de sang qui nous empêchait de bouger dans cette cage exiguë. Son agonie dura près d'un quart d'heure alors que, debout, nous réclamions haut et fort des secours et un transfert à l'hôpital.

Transpercé ensanglanté, il mourut à nos pieds. Et pourtant un médecin militaire accompagné d'un infirmier soignèrent le GM blessé mais refusèrent de s'intéresser à notre camarade prétextant qu'il n'y avait plus rien à faire. Pis encore, afin de nous choquer un peu plus et de nous humilier, ils ont laissé le corps baignant dans son sang pendant plusieurs heures dans la cage. Ces salauds ont même tenté de nous servir le repas de midi avec le corps gisant au milieu de nous. Jamais je n'oublierai ces scènes effroyables.

Maurice JUIF


 

 

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